Quand FremantleMedia France et TF1 ont introduit des nouveautés dans "Le Juste prix", ils ne s'attendaient pas à ce que l'une d'entre elles cristallise à ce point les critiques. Mais, un mois après son retour à l'antenne, le jeu s'adapte : le personnage de la Maman a été gommé et figure le moins possible dans les nouveaux épisodes, qui ont dû être remontés. Afin d'expliquer cette décision, Bruno Henriquet, Directeur général en charge du développement chez Fremantle, revient pour puremedias.com sur la genèse du personnage, l'accueil réservé à la Maman, les déclarations de Gérard Vivès et les audiences.
Propos recueillis par Charles Decant.
Comment est venue cette idée de la Maman ?
C'était un vrai choix assumé en tournage. Pour le renouvellement, après 560 émissions du "Juste Prix", on a réfléchi à des aménagements. C'est une réflexion globale qu'on a eue avec la chaîne. Ca amusait Vincent d'avoir un co-animateur, ce qui n'était plus le cas depuis quelques temps. On a cherché des idées et Vincent a eu l'idée d'un comédien pour jouer sa maman. Au début, tout le monde était un peu sceptique, puis on a fait des castings, on a trouvé un comédien, Philippe Rambaud, et on l'a trouvé bien. On s'est dit que c'était risqué mais on le trouvait bien, intéressant, ça renouvelait le jeu de Vincent dans la co-animation. Donc on a tourné les émissions comme ça.
Le lancement a été compliqué...
Oui, on a été lancé le 12 janvier au lendemain des événements. On devait avoir des bandes-annonces qui annonçaient le changement - parce que c'est un vrai changement, après quasiment un an de "Money Drop" qui est un jeu dans la tension, on est à l'opposé du jeu d'humeur qu'est "Le Juste prix".
Et les critiques ont commencé...
Oui, on lisait beaucoup "On n'aime pas la Maman". Mais les gens qui prennent la parole sont souvent ceux qui sont les plus prompts à critiquer. Au début, on a aussi eu ça sur les gaffettes : "Rendez-nous les anciennes gaffettes !". Puis, sur toutes les nouveautés, les gens se sont approprié le nouveau décor et les nouvelles personnes autour de Vincent - sauf la Maman. Si on l'avait su avant, on n'aurait pas fait ça ! Le public de Vincent n'a pas apprécié un personnage aussi décalé que ça... Peut-être pas assez dans l'absurde ? Il y avait des remarques, "Si vous vouliez faire la Maman, pourquoi ne pas prendre une personne âgée, féminine ?". Au bout d'un moment, on a donc fait évoluer la co-animation.
Donc c'est un travail de montage, puisque tout avait déjà été tourné ?
Oui, voilà, on passe en remontage, on ne garde du personnage - qui est toujours présent - que le rôle qui est dans le format original, celui d'une voix off, qui annonce les règles du jeu, qui décrit les produits avant une estimation. Il y a encore des interactions avec Vincent, parce qu'on n'est pas magicien, mais c'est vraiment devenu une voix off. C'est une décision qu'on a prise avec tous les partis, avec Vincent, dont c'était l'idée, avec TF1. Ca montre un truc positif : les producteurs et la chaîne peuvent écouter quand on fait des remarques !
Comment ça se passe, techniquement ?
On a beaucoup de caméras sur cette émission, donc on a la possibilité de faire des coupes, de faire des plans larges, de remonter pour que le rôle à l'antenne soit gommé.
Avant de lancer ces nouveautés, vous les faites tester par un panel ?
On fait ça avec la chaîne. On présente les idées, il y en a qu'ils acceptent, d'autres qu'ils refusent. Il y en a aussi qui sont portées par Vincent. Quand, il y a 16 ans, il a dû rentrer dans un bureau en disant "Mon co-animateur sera un extra-terrestre vert qui ressemble à Shrek et qui sera en images de synthèse à l'intérieur d'une multitude d'écrans télé", je pense qu'on a dû aussi le regarder bizarrement... ! Mais ça a beaucoup plu ! Je crois que ça n'était pas prévisible que ça ne marcherait pas. Sinon on ne l'aurait pas fait, tout simplement ! Moi, personnellement, je trouvais que la co-animation fonctionnait bien, leur interaction. Mais le public n'a pas adhéré au personnage de la Maman.
Quand on a vu la Maman sur les photos promo, avant même le premier épisode, on a pu avoir le sentiment que c'était de la "vieille télé", ce comédien qui se travestit en femme... Vous avez eu cette crainte précisément ?
Bien sûr qu'on s'est posé la question. Mais qu'est-ce qui est adapté au "Juste prix", un jeu qui a 40 ans ? Qu'est-ce qui est adapté au style de présentation de Vincent ? Si ça avait fonctionné, on aurait dit "Ils sont exceptionnellement intelligents, ils ont renouvelé le genre". Le seul truc qui reste encore un petit peu sympathique dans notre métier - même si dans le cas présent je défends un programme plutôt que de célébrer un succès -, c'est qu'il reste une part d'incertitude. Ca reste un métier artistique. Nous, on espérait vraiment que ça allait renouveler la façon d'animer de Vincent et lui donner de nouveaux ressorts.
Gérard Vives, l'ancien co-animateur de Vincent Lagaf', a été l'un des premiers à exprimer sa déception face à la maman. Il a dit qu'il ne suffisait pas de mettre une perruque pour que ça fonctionne. Vous l'avez vécu comment ?
Très sereinement. Déjà, parce qu'il a raison. Quand je mets une perruque, je ne suis pas drôle ! Après, encore une fois, le rôle de la Maman n'était pas un rôle comique, ce n'était pas du tout le même que Gérard Vives, qui avait ses propres sketchs. C'était un moyen d'avoir une interaction différente avec la personne qui fait la voix off. L'enjeu et l'idée n'étaient pas du tout les mêmes. La Maman devait être drôle via son interaction avec Vincent, pas à elle seule.
Que pensez-vous des audiences ? France 2 vous passe parfois devant sur les ménagères...
Pas tout le temps, quand même. Je pense que si on prend tous les chiffres, ça a dû arriver deux ou trois fois en six semaines. Et encore une fois, c'est parce qu'il y a deux épisodes de "N'oubliez pas les paroles". Si on diffusait deux "Juste prix", le deuxième serait à 5,5 millions et 25% ménagères. Il y a un peu plus de monde à cette heure-là, mais ça ne me préoccupe pas. On essaie de faire la meilleure émission possible. C'est plus à la chaîne de connaître les objectifs. Ils veulent toujours qu'on fasse mieux et c'est le but. Est-ce qu'on espère que ça va remonter ? Oui, je le souhaite. Il y a encore une spéciale carnaval ce jeudi. Ca faisait partie des nouveautés dont personne n'a parlé puisque tout le monde s'est focalisé sur la Maman. On a créé un nouveau décor, renouvelé les gaffettes, ajouté un gaffeur, Nicolas - même si on n'aime pas trop le terme donc on l'appelle par son prénom. Ca, malheureusement, ça a été occulté. Donc on espère que maintenant, on va nous parler du programme, qu'on aime ou on n'aime pas !