Quand la France décide de faire sans l'Europe. Ce lundi 8 avril, le projet de loi de taxation des GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) arrive à l'Assemblée nationale. Défendu par Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des finances, ce nouveau prélèvement doit concerner les entreprises qui font un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de 750 millions d'euros dans le monde, et de plus de 25 millions d'euros en France. Celles-ci devraient être imposées à hauteur de 3% du chiffre d'affaires réalisé en France sur les publicités en ligne, la vente à des tiers des données personnelles, et l'"intermédiation", soit la mise en relation entre entreprises et clients par des plateformes comme Amazon.
Cette nouvelle taxe made in France devrait s'appliquer à une trentaine de groupes du numérique. La société française cotée au Nasdaq, Criteo, serait elle aussi concernée par le nouveau prélèvement qui devrait rapporter à l'Etat près de 400 millions d'euros en 2019, puis 650 millions en 2020-2022. Cette réforme de la fiscalité s'inspire en fait du projet européen de taxation des GAFA qui, après des mois de négociations, est finalement tombé à l'eau après l'opposition de quatre pays (Irlande, Suède, Danemark et Finlande).
Depuis plusieurs semaines, le projet du gouvernement français de taxer les GAFA agace fortement l'administration américaine. Par la voix du chef de sa diplomatie, Mike Pompeo, les Etats-Unis ont jugé qu'il était "extrêmement discriminatoire à l'égard des multinationales basées aux Etats-Unis", comme le rapporte l'AFP. L'administration Trump a ainsi demandé une nouvelle fois à la France d'y renoncer, ce que Bruno Le Maire a refusé, soulignant vendredi 5 avril depuis Bucarest que la France était "décidée" et "souveraine" en matière fiscale.
Les Américains craignent notamment que la taxation française n'inspire d'autres pays à travers le monde. En Europe, l'Autriche et le Royaume-Uni planchent déjà sur des projets similaires. S'il s'apprête à défendre une taxe française devant le Parlement, Bruno Le Maire se dit cependant favorable à la création d'une taxation internationale, qui viendrait prendre la place de l'imposition nationale. "Pour éviter la multiplication des taxes nationales, il faut accélérer les travaux à l'OCDE", a-t-il déclaré vendredi, en référence aux travaux actuels sur le sujet de l'Organisation de coopération et de développement économiques. "Une taxation internationale sur les grandes entreprises numériques est la meilleure solution", a-t-il ajouté, confirmant que si une telle taxe internationale voyait le jour, le futur prélèvement français serait abrogé.