Le revirement. Dans un communiqué publié aujourd'hui, le groupe Lagardère annonce qu'il renonce finalement à verser un dividende au titre de l'exercice 2019, et ce au profit de la création d'un "fonds solidaire Covid" en faveur de ses salariés. Le 25 mars, le propriétaire d'Europe 1, de "Paris Match" et du "Journal du dimanche" avait pourtant affirmé l'inverse, annonçant le versement d'un dividende réduit de 1,30 à 1,0 euro par action, soit près de 130 millions d'euros au total.
Pour justifier son revirement, Lagardère évoque dans son communiqué "les enjeux de solidarité et de responsabilité qu'impose le contexte sans précédent de la crise liée à la pandémie de Covid-19", mais aussi les "annonces gouvernementales appelant à une suppression des dividendes". La semaine dernière, Bruno Le Maire a en effet annoncé que les entreprises bénéficiant des aides de l'Etat pour faire face à la crise ne devront pas verser de dividende. Pour les autres, le ministre de l'Economie a incité à "diminuer d'au moins un tiers le versement des dividendes", en signe de solidarité.
Le revirement de Lagardère est aussi à replacer dans le contexte interne de l'entreprise. Depuis plusieurs mois, le fonds d'investissement Amber Capital, détenteur de 16,4% du capital de Lagardère, tente par tous les moyens de pousser Arnaud Lagardère vers la sortie. Piloté par Joseph Oughourlian, ce fonds activiste n'hésite ainsi pas à critiquer régulièrement la gestion du groupe, au point d'avoir réclamé il y a près de quinze jours la révocation de l'ensemble du conseil de surveillance de Lagardère lors de la prochaine assemblée générale attendue le 5 mai. "Ce qu'on reproche au groupe et à sa gestion depuis maintenant 17 ans, c'est la très mauvaise gestion de la politique d'investissements et de désinvestissements. On a vendu presque 10 milliards d'actifs depuis plus d'une dizaine d'années, ça été une sorte de liquidation désordonnée du groupe pendant très longtemps", a attaqué le fondateur d'Amber Capital, vendredi 27 mars sur "BFM Business".
Le même jour, Joseph Oughourlian a également demandé l'annulation du versement du dividende prévu initialement par Lagardère, acceptant ainsi de renoncer à plusieurs millions d'euros. Outre une préservation du cash de l'entreprise dont les activités de travel retail sont frappées de plein fouet par la crise actuelle, cette requête d'Amber Capital s'expliquerait aussi selon "BFM Business" par sa volonté inavouée de mettre en faillite personnelle Arnaud Lagardère. Avec sa participation de 7,3%, le véritable patron du groupe grâce à la commandite peut en effet prétendre à une dizaine de millions d'euros de dividendes et a besoin de cette somme pour faire face à sa dette personnelle, qui s'élevait selon ses propres dires à près de 164 millions d'euros en 2019.
La décision annoncée aujourd'hui par Lagardère laisse cependant penser que son patron peut faire face à cette privation de dividende. L'annonce a en tout cas été bien accueillie par les marchés financiers sur lesquels le titre Lagardère s'appréciait de 2,5% à 11h.