puremedias.com : Un grand rendez-vous d'information le dimanche à partir de 19 heures, vous y pensez toujours ? C'est une idée que vous avez depuis longtemps...
Laurent Delahousse : J'y pense toujours, j'en parle régulièrement avec Thierry Thuillier (directeur de l'information, ndlr) et Philippe Vilamitjana (directeur adjoint de France 2, ndlr). J'y crois autant que "13h15", qui était le prolongement du journal. Commencer à 19h15 le dimanche une session d'information jusqu'à 20h45, je pense qu'il y a beaucoup de choses à y mettre en terme de reportages, témoignages, talk. Je pense que nous avons innové la forme narrative le week-end à 13 heures, avec des codes nouveaux, on peut aussi le faire le dimanche soir. Ce sera compliqué, je le sais. Thierry m'a demandé d'être un laboratoire à idées, je lui en propose régulièrement. Lui fait le tri, les choix, j'ai toujours eu une écoute de sa part sur ce projet. Ce serait un nouveau rendez-vous, un message de modernité important,la concurrence à cette heure envoie des magnétos. Nous, nous serions en direct, dans une session d'information très réactive.
Vous avez une idée très précise de ce que vous voulez faire...
Oui, assez, je l'ai assez "pitchée" je crois...
Mais il faut virer Michel Drucker ...
Bien sur que non, loin de moi cette idée ! Si "Vivement dimanche" s'arrêtait une demie-heure plus tôt, le calage serait juste différent . Règle numéro 1, dans ce métier, ne jamais vouloir prendre la place de Michel Drucker ! (rires).
Vous êtes de ceux qui croient toujours en la force du 20 Heures...
Presque plus encore qu'il y a 6 ans, lorsque j'ai commencé. J'avais peut être même sous estimé mon addiction à la présentation de ce rendez vous. Je pense que le journal de 20h, c'est un écrin à protéger, il ne doit pas répondre aux codes des chaînes d'info, il doit imposer sa différence et rester une référence. Quand 6, 7, 8 millions de personnes regardent le journal de France 2, on ne peut pas dire que le 20 Heures soit en souffrance. Il y a encore un potentiel de public très important, mais on a un devoir de responsabilité avec ce journal. Il doit évoluer, bouger, mais répondre à des codes du 20 Heures. Cela n'empêche pas qu'avant 20h il peut se passer des choses, comme après 20h30. Depuis six ans, par petites touches, on le modifie. Il a un public très conservateur, le 20 Heures se doit d'être audacieux pour notre nouveau public. Nous devons être en permanence dans le coup d'après. Mais prudence sur l'hystérisation, prudence sur l'urgence. Je préfère être en retard d'un 20 Heures que me trouver trop en avance et décrédibiliser ce qui doit rester une référence.
Avez-vous le souci d'attirer les jeunes qui regardent de moins en moins les JT ?
C'est une utopie de penser qu'on va, en quelques mois, ramener une tranche d'âge qui s'est totalement déconnectée de ce type de rendez-vous. En revanche, grâce à 13h15, on a un public plus jeune sur ce créneau. Je pense qu'on peut envoyer des signaux qui font qu'à certains moments clés d'information forte, ce public-là peut se retrouver dans le journal de 20h et ne pas nous trouver obsolètes. La structure de notre public est plus âgée, bien évidemment, mais elle se renouvelle. Il ne faut pas jouer les Don Quichotte en disant "Je vais avoir les 18-24 ans qui vont tous les soirs regarder le 20h". Autour de moi, je vois comment ils consomment l'info. Ils regardent la télévision avec un iPhone dans la main, avec une tablette, avec des écouteurs sur les oreilles. D'autres téléspectateurs rentrent à 21h chez eux et regardent le journal en replay.
Selon vous, est-ce grâce à Gilles Bouleau que le JT de TF1 progresse depuis la rentrée ou à cause du faible access de France 2 ?
Peut-être les deux. Gilles, c'est un garçon qui a du talent, il a un style, une écriture.
Cela aurait pu être vous...
Oui, ça aurait pu être moi. La vie est faite de choix. C'était un chapitre qui s'est ouvert à un moment donné. J'avais à prendre une décision, je l'ai prise. On a eu des discussions très intéressantes. Pour faire un journal et pour le conduire, au volant, on va très très vite et la sortie de route, elle est à n'importe quel tournant. Et pour que le pilote conduise très bien la voiture et arrive à bon port, il faut que les réglages soient faits en amont, que la voiture soit équilibrée et que le pilote soit en confiance. Tous les éléments n'étaient peut-être pas réunis pour piloter cette voiture à ce moment précis.
Pourquoi ?
Il faut que l'équipe soit avec vous, vraiment ! Il faut qu'elle ait un vrai appétit pour que vous veniez, que vous soyez là. Je me suis aussi demandé où je serais le plus heureux pour faire ce que j'aime faire. Du documentaire, un talk show politique, des journaux avec une rédaction que j'aime et avec qui j'ai des liens forts, lancer une nouvelle saison du feuilleton "L'Elysée Matignon... " comme on le fait dans 13h15... C'est une question simple pour n'importe quel individu qui se retrouve face à un choix. Et j'ai trouvé la réponse à un moment donné à la suite de ces différentes conversations et discussions que j'ai eues. Dire que dans les mois, dans les années à venir, je ne serai pas intéressé par une proposition d'Arte, de Canal+, de France 5 où il y a plein de belles choses à faire, de TF1 un jour... Honnêtement, je n'en sais rien.
Il n'y a pas beaucoup de chaînes sur lesquelles vous pouvez faire tout ça, à part le service public et Canal+.
Oui, vous avez raison.
Gilles Bouleau offre-t-il aux téléspectateurs de TF1 un meilleur JT que Laurence Ferrari ?
Je ne sais pas s'il est meilleur, TF1 envoie de nouveaux signaux depuis quelques semaines. Gilles a un style, j'ai travaillé avec lui à LCI il y a quelques années. Il avait envie et ça se voit. Une envie réelle peut-être même plus qu'il ne l'avouait publiquement. Il a été reporter, correspondant, son parcours est assez naturel. On sent qu'il aime ça, qu'il prend du plaisir et en plus, il a sa petite touche à lui. C'est un garçon qui a une vraie intelligence. Quand les gens sont légitimes, ça se voit.
Laurence Ferrari ne l'était pas ?
Avec Laurence, il y a eu un problème dés son arrivée à ce poste. Elle passait après Poivre, c'était compliqué dès le premier jour. La communication n'a pas été bonne autour d'elle. C'est l'énorme problématique d'aujourd'hui et c'est une réflexion que l'on peut avoir nous tous sur comment une phrase, un mot, une photo ou une demi-heure au Fouquet's peuvent s'inscrire dans l'histoire des individus. D'où la vocation et la volonté de certains de se protéger de tout ça.
Le 20 Heures doit-il être dépersonnifié ?
J'ai évolué sur cette question. Je me sens plus libre, j'ai fait tomber quelques masques de protection au fil des années. Je pense être de plus en plus moi-même. Et en même temps, le travail d'un présentateur de journal, c'est aussi faire oublier qui il est, donner de la sincérité quand il est sur ce plateau et ne pas la surexposer et en parler trop à côté parce que ça brouille quelque chose. Le public réclame de la sincérité aujourd'hui. On est dans une présidence normale, faut-il pour autant un présentateur normal ? Je pense que les téléspectateurs ont en tout cas besoin qu'on leur parle.
Vous y arrivez plutôt pas mal...
Oui, en tout cas, j'aime bien ça.
Propos recueillis par Julien Bellver et Julien Lalande.
> La première partie de l'entretien avec Laurent Delahousse.
> Rendez-vous à 15 heures pour la deuxième partie de notre entretien avec Laurent Delahousse.