En marge du festival d'humour marocain "Le Marrakech du rire", qu'il a créé il y a quatre ans, Jamel Debbouze a accordé un entretien au "Monde" dans lequel il a largement commenté l'actualité politique récente. Interrogé d'abord sur le dossier intermittents, il a ainsi exprimé un sentiment partagé. Si l'acteur de "Astérix et Obélix : mission Cléopâtre" a défendu le statut d'intermittent, il a cependant regretté que le mouvement de protestation actuel puisse conduire à l'annulation de plusieurs manifestations culturelles. "J'ai été intermittent à mes débuts. Il faut se battre corps et âme pour que ce statut ne disparaisse jamais, mais annuler les spectacles, c'est mortifère. Il faut juste se rappeler une chose : sans la culture, on est mort, sans le spectacle, on est foutu" a-t-il expliqué.
Dans ce dossier, Jamel a semblé particulièrement lassé par l'immobilisme de la classe politique française. "J'ai le sentiment que le gouvernement a les outils pour remédier à ce conflit mais je suis surpris de voir que ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent depuis tant d'années. Je réponds aux mêmes questions qu'il y a dix ans. Les intermittents et les immigrés ont exactement le même problème".
Amené à s'expliquer sur cette comparaison, Jamel Debbouze a alors fustigé l'incompétence des responsables politiques : "Mes parents sont arrivés en France il y a trente ans. Il y a quelques semaines, le Front national a fait un score de fou aux européennes et mon père pleurait. Que voulez-vous que je vous dise... Il y a des choses que l'on ne règle pas et qui sont une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, une épée qui est là depuis trop longtemps. De voir ces énarques et ces gens érudits, qui ont les outils intellectuels et financiers à leur disposition, ne pas pouvoir régler les problèmes, je trouve cela incroyable. J'ai le sentiment que la politique ne fait pas suffisamment bien son travail, même s'il faut absolument croire en la politique."
Invité ensuite par notre consoeur à réagir à la percée du Front National aux dernières élections européennes, l'acteur a jugé "faux et dégueulasse" l'affirmation selon laquelle le FN était devenu le "premier parti de France". Il a ainsi appelé à une mobilisation des artistes. "Nous, artistes, on doit gueuler que cela est faux, que l'on vit dans l'air du métissage, qu'on n'a pas d'autre alternative que de faire avec l'autre, que l'étranger n'est pas une mauvaise nouvelle mais, au contraire, une très bonne nouvelle, qu'il faut faire corps ensemble face à l'adversité".
Et l'acteur de lancer un appel aux Français : "Il faut faire très attention aux discours qui tentent d'arrondir les angles. Marine Le Pen - je devrais dire Jean-Marine Le Pen - n'a pas changé, ses paroles sont dangereuses et font du mal à la France. Les gens qui y adhèrent sont fous. Je suis triste de devoir encore parler de cela. Je m'étais pourtant juré de ne pas le faire. Je ne veux plus parler de ces personnes car en le faisant, je leur rends service. On nous fait peur avec ce spectre du Front national. Il est moins présent que ce qu'on nous dit. Je sais que la France n'est pas raciste ; je suis allé dans de très nombreuses villes, j'ai parlé avec beaucoup de Français. Ces gens qui essaient de nous monter les uns contre les autres le font uniquement pour exister, pour leur propre commerce, pour leur vitrine. Ne soyons pas dupes, je vous en supplie" a-t-il conclu.