TF1 dégaine ce soir sa nouvelle série "Sam", qui suit les aventures d'une professeure de français complétement loufoque dans un collège. Adaptée de la série danoise "Rita" réalisée par Christian Torpe, ce nouveau rendez-vous du lundi soir retrace le quotidien de Sam, cette femme libérée, qui jongle entre les difficultés de la vie d'un collège, sa relation avec sa mère et ses enfants et ses histoires de coeur.
Dans cette nouvelle série, Mathilde Seigner, dans le rôle de Sam, donne la réplique à Fred Testot, le directeur du collège et amant de Sam, Jean-Pierre Lorit, l'autre amour caché de la prof de français, Charlotte Gaccio, incarnant une jeune prof totalement dépassée, Roxane Bret, qui interprète l'un des enfants de l'héroïne et Marina Vlady, la grand-mère mystérieuse. Le tournage a été tragiquement marqué par le décès de la réalisatrice de la série, Valérie Guignabodet, la défunte épouse d'Emmanuel Chain.
A l'occasion de la diffusion de cette série inédite sur TF1, puremedias.com a rencontré Mathilde Seigner. Lors de cet entretien, la comédienne est revenue sur la personnalité atypique de son personnage, sur les nombreuses thématiques abordées dans la fiction et sur ses projets.
propos recueillis par Florian Guadalupe.
puremedias.com : D'entrée, on découvre votre personnage Sam dans les toilettes en train de fumer à la baba cool. Vous vous êtes dit "ce rôle est pour moi" ?
Mathilde Seigner : En fait, quand la série danoise a été adaptée en France, l'anecdote amusante, c'est que les productrices ont dit une chose absurde et marrante. Sans penser à moi, parce que je ne faisais pas de télé ni de séries, elles ont dit : "On voudrait une Mathilde Seigner pas connue". Valérie Guignabodet, la réalisatrice a répondu : "Si on proposait à la vraie ?" Au début, je lui ai dit que c'était trop de boulot, parce qu'il y a quatre mois de tournage, des textes tout le temps. Moi, j'ai un enfant, je n'ai plus l'âge de faire ça. C'est fatigant. Quand on a 20 ans ou 30 ans, tourner c'est mignon. Moi, à mon âge (48 ans, nldr), ça fatigue vachement. Du coup, je lui ai dit "non" et puis, une série, je ne voulais pas m'enfermer. Le côté série TF1, ça va peut-être me griller au cinéma. Ce qui est possible. Puis, j'ai lu, j'ai trouvé que ça avait un ton, un sens, un truc. J'ai dit : "Bon allez, on fait une saison."
Qu'est-ce qui vous a plu chez cette héroïne ?
C'est un personnage plutôt sympa, plutôt rebelle, pas banale en télé française... et à TF1. France 2 ou Canal+, c'est plus probable. TF1, je suis bluffée qu'ils aient accepté. Ils ont à la tête une nouvelle patronne de fiction qui est Marie Guillaumont-Tenet, que je trouve super moderne. Elle n'a peur de rien.
Surtout, la série casse les codes...
La série cassait déjà les codes au Danemark. De toute façon, on casse forcément les codes parce que c'est une prof foldingue. Très bonne prof, mais elle fait un peu n'importe quoi. Au cinéma, il y a eu ça dans "Les Profs", des films de cinéma branchés comme ça. Je trouve que pour la télé, c'est très moderne. Les geeks, tout ça, c'est très d'actualité, ça touche des jeunes.
Voir un personnage autant fumer, c'est atypique pour une série TF1, non ?
Baiser aussi, même si je n'étais pas très pour. Mais c'est amusant, on les a fait soft. Fumer, c'est vrai qu'à part les années 70, on ne fume plus tellement à l'écran. C'est vrai, elle fume tout le temps. D'ailleurs, j'en avais ras-le-bol dans les prises. Il fallait tout le temps que je fume. Je faisais semblant. En même temps, c'est marrant, parce que c'est elle ! Elle a ses clopes dans le jardin avec son pot. Cette cigarette, ça fait partie de son identité.
Sam ne va pas trop loin parfois ?
Je ne me rends pas trop compte. En même temps, elle a ce côté dingue et ce côté terriblement fragile aussi, avec les hommes, avec sa mère. Comme femme, elle est vraiment chiante, mais surtout attachiante. Par contre, c'est la prof idéale. Mais moi, je n'ai pas assez de recul sur les personnages, je n'analyse pas ce que je fais, je m'en fiche un peu.
En jouant Sam, vous avez pensé à l'un des profs que vous aviez eus au collège ou au lycée ?
Non, j'ai connu des profs extraordinaires, que j'aimais beaucoup, notamment une prof d'histoire. Mais pas à ce point-là. Puis, une prof qui prend de l'ectasy, ça c'est quand même énorme. C'était un épisode pas facile à faire. Il fallait trouver la bonne dose de "défonce", il fallait être crédible. Après, je ne pense pas vraiment qu'il existe de profs qui prennent de la MDMA. En l'occurence, elle prend la drogue, pas pour se droguer, mais parce qu'elle est persuadée que c'est de l'aspirine et pour donner une leçon à son fils.
La série aborde beaucoup de thématiques différentes de la vie d'un collège : les professeurs qui ont des difficultés avec leur classe (la gifle), la sexualité, la drogue... A travers le rôle d'un prof, c'est plus facile de parler de ces sujets ?
Je pense pour les élèves. Là, en l'occurence, Sam, elle ne fait pas de grands discours, à part dans la cantine où elle a pris son cachet d'ecsatsy et elle crie : "Baiser, baiser est la meilleure drogue du monde". Elle est complétement défoncée, mais elle n'a pas tort sur le contenu de ce qu'elle dit. Sauf que c'est d'une brutalité, d'une lourdeur et elle fait en plus le coming-out de son fils.
Parler de ces sujets aux élèves, c'est le rôle du collège ?
Je pense que des professeurs intelligents devraient et doivent parler de tout ça avec eux, parce qu'avec les parents en fin de compte, il y a un tabou. Mais je pense que ça se fait, je ne connais pas le monde de l'éducation. Moi, mon fils est trop petit, mais j'imagine qu'il y a des profs dans les lycées qui parlent de ça avec les élèves, qui mettent en garde de choses. C'est là le rôle des profs.
Et le sujet de la religion... trop touchy ?
Bah en ce moment... (Silence) On n'en parle pas. Aujourd'hui, si on parle de la religion, c'est quoi ? Le djihad ? La Syrie ? C'est ça le sujet. Il n'y a plus de religion, il n'y a plus qu'eux. Les cathos, on s'en fout. Les juifs, on s'en fout, enfin, ça ne fait pas un sujet. Le seul épisode qui aurait été valable, c'est celui d'un gamin qui fait le djihad. Ce n'est pas du tout le sujet et le ton de la série. En plus de ça, moi, je ne m'y collerais pas. Moi, j'ai le fils d'un copain qui est parti, il a 19 ans. Il a filé. Il va se faire buter. Il est catholique, blond aux yeux bleus. Il a été élevé à Montfort-l'Amaury. Il a été embrigadé par un pote et il a été converti à l'islam.
Est-ce que justement ce n'est pas dommage de ne pas en parler dans la série ? On peut parler de drogue et on vous voit dans un tel état dans la série, qu'on a finalement pas du tout envie d'y toucher. Au final, "Sam" montre un certain reflet des problèmes qui touchent à l'école.
Parler de la religion aujourd'hui dans une série comme ça, c'est forcément parler de la Syrie et de la religion de l'Islam radical, salafiste. Je ne vois pas le rapport avec "Sam" et ce n'était pas dans la série initiale. Après, il aurait fallu faire un épisode consacré totalement à ça et que ce soit drôle. C'est impossible et je n'ai pas envie qu'il y ait un attentat à TF1, avec une bombe... En ce moment, il ne faut pas rigoler. Regardez "Charlie Hebdo", une caricature et ils sont allés les zigouiller. S'il fallait trouver un angle sur la religion, il n'y aurait que l'angle autour de l'islam. Vous auriez voulu qu'on parle d'un élève qui part en Syrie ?
Pas forcément. La religion, c'est aussi un élève qui se pose des questions sur lui, sur sa famille et les gens qui l'entourent...
C'est pas con. Mais TF1...Ils n'auraient pas pris un épisode sur la religion. Parce que Sam aurait pu avoir les confidences d'un môme tenté par l'islam. Mais je ne pense pas qu'ils auraient accepté chez TF1. C'est vraiment trop touchy. Pour tout vous dire, on en avait pensé avec Valérie de faire un épisode sur ça. Mais avec le ton de la série, Sam, elle aurait dit : "Daesh, c'est des connards". C'est compliqué pour TF1. Il faut faire attention. Daesh, ce n'est pas une fiction, c'est la réalité et les mecs sont très chauds. Les types, ils peuvent attendre à la sortie de TF1 avec une kalashnikov.
Autre sujet. Dans la série, il y a Sam, la professeure mais aussi Sam, la mère, avec une relation spéciale avec ses enfants. Est-ce que vous êtes très différente d'elle ?
Je suis mieux quand même. Je n'en ai qu'un, il a neuf ans mais je le gâte trop ! Je cède trop. Il a du jus. Du coup, c'est un enfant qui a énormément de personnalité et de caractère, qui ne lâche pas quand il veut quelque chose. Je ne suis pas une maman assez stricte. Mais je n'ai pas du tout certains côtés de Sam. Je ne suis pas bordélique, je fais à bouffer, je suis très organisée. La sexualité de Sam est masculine, moi je suis très romantique. Je ne suis pas du tout pareille. C'est marrant, les gens disent qu'elle me ressemble, oui, sûrement dans le côté "grande gueule", mais en tant que mère, je suis très différente.
"Sam" est une adaptation de "Rita", une série danoise. Quelle a été la liberté d'adaptation par rapport à la version originale ?
Je n'ai pas vu tous les épisodes de "Rita". Il y a beaucoup de points communs, non ? Je crois qu'ils ont vachement collé à la série d'origine. Après, c'est une série danoise, avec un esprit danois. Ils ont une culture différente de la nôtre. Je crois qu'il y a des sujets, comme sur le sucre, ça ne marche pas en France. Au Danemark, le sucre est totalement interdit dans les écoles. Nous, on fait un épisode sur le sucre, tout le monde rigole. Il y a des trucs qu'on ne pouvait pas faire. Sinon, c'est assez commun. L'actrice est du même genre que moi. Pareil pour la prof forte, qui ressemble un peu à Charlotte Gaccio.
"Rita" en est à la saison 3. Vous êtes prête pour une seconde saison ?
Non, avec le décès de Valérie, ce n'est pas possible pour moi. Je ne voulais pas le faire avant, alors moins maintenant. Du coup, au dernier épisode de "Sam", c'est une fin.
Aujourd'hui, ça vous plait de jouer dans des séries et des unitaires à la télévision ?
Je trouve que c'est très important de faire de la télé en ce moment. Alors qu'il y a quelques années, je ne vous aurais pas dit ça. Je trouve que c'est très important pour le public. Comme les gens ont beaucoup de difficultés financières, je trouve ça très sympa de la part des acteurs de cinéma d'être gratuit. Je pense que c'est une démarche citoyenne.
L'audience est surtout différente...
C'est fantastique. Au cinéma, on a quand même des films qui marchent, il y a "Les Tuche", "Camping", "Intouchables", "Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?". Mais la plupart au cinéma font 500.000, un million maximum. 1 million sur 62 millions de Français, c'est pas large en fin de compte. La dernière télévision que j'ai faite, l'unitaire "Flic tout simplement" sur France 2, on a été regardé par 6,1 millions de téléspectateurs !
Pour "Sam", vous vous attendez à réaliser quelle audience ?
Ce qui est marrant dans la guerre des chaînes, c'est quand on fait 6 millions sur TF1, c'est moyen. Alors que sur France 2 ou France 3, c'est un carton. Je ne pense pas qu'on fera six millions, mais quatre millions de téléspectateurs maximum.
Vous prenez aujourd'hui toujours autant de plaisir à jouer au théâtre, au cinéma et à la télévision ?
Moi, je prends vraiment du plaisir à vivre, à rien faire. Je tourne énormément parce que c'est mon métier, c'est mon gagne-pain. Mais franchement, je pourrais m'arrêter deux ans, ça ne me gênerait pas du tout. Là, je comptais m'arrêter six mois. A chaque fois, j'ai des copains, des copines qui me proposent de passer une semaine chez eux, en Camargue, au Cap-Ferret. Je suis toujours obligée de tout annuler, de leur dire "non". Ca fait 20 ans que je suis obligée de décliner leurs invitations.
Alors pourquoi continuer à jouer ?
Parce qu'il y a toujours des gens pour vous persuader, pour vous trouver une raison qui va faire que je vais accepter. Je peux dire "non" à des scénarios. La suite de "Boule et Bill" où je vais jouer, ça tombe mal, je ne voulais pas la faire. J'ai toutes les promos à faire, avec "Sam", avec mon prochain film d'Eric Lavaine. Mine de rien, les promos ça demande du temps. Au début, j'ai dit que "Boule et Bill" c'était trop tôt. Je leur ai demandé s'ils ne pouvaient pas tourner plus tard. Et non, c'est des dates. Au fond, c'est chouette comme film, mais c'est du taff quoi. J'ai dû annuler toutes les vacances que j'avais prises.
Avec ce premier pas sur TF1, vous n'avez pas peur d'être cataloguée ?
Je n'ai pas peur. Je sais que la profession du cinéma et la cérémonie des César méprisent encore le monde de la télévision. Moi, y'a des actrices qui me disent : "Fais gaffe à la télévision". Ce sont souvent les actrices chics et branchées. Moi, je m'en fiche, je suis une actrice populaire. Je fais de tout. Après, ces acteurs chics et branchés, ils vont sur Canal.
Le tournage de "Sam" a eu lieu en même temps que celui de "Camping 3", trilogie dans laquelle vous apparaissez dans les deux premiers films. Pourquoi avoir préféré la série au film ?
Ca n'a rien avoir. "Sam", c'est quatre mois de travail, un rôle principal. "Camping 3", Franck Dubosc et Fabien Onteniente m'avaient écrit un truc, mais j'avais demandé à ce qu'ils ne m'écrivent pas grand chose. J'avais une scène, trois jours de tournage. J'ai voulu le faire, mais je n'ai même pas trouvé le temps. A un moment donné, j'avais juste ma voix off dans le film, mais Franck m'a dit qu'il ne savait pas s'ils allaient la garder. A la fin, on me voit en photo, je crois. Par contre, on parle de moi souvent, même si je ne suis plus là.
On vous avait proposé au même moment "Sam" et "Camping 3" ?
"Sam", j'avais déjà signé. Ils m'ont proposé "Camping 3" après. J'avais dit à Fabien que je ferai peut-être deux jours de tournage, et à part un dimanche, je n'avais pas le temps. Du coup, je ne l'ai pas fait. Sinon, j'avais une scène chouette à la fin, où j'arrivais dans le camping, comme un soleil, où je disais à Gatineau (joué par Antoine Duléry, ndlr) : "En fait, t'es un con, mais ils sont tous cons". Et les deux s'embrassent. De toute façon, dans "Camping 3", je n'avais plus grand chose à faire, parce que tout a été fait sur mon personnage, le héros c'est Franck.