Après deux saisons à la tête de la revue de presse d'Europe 1, Natacha Polony a réussi à imposer son ton dans la matinale de Thomas Sotto . Son quart d'heure a enregistré, lors du dernier sondage Médiamétre, la meilleure progression de la bande FM, avec 273.000 nouveaux auditeurs. Chaque jour, elle rassemble 1,5 million de fidèles. Femme aussi de télévision, son bilan au "Grand Journal" sur Canal+ chaque soir est plus contrasté. Entretien.
Propos recueillis par Julien Bellver.
Votre revue de presse à 8h30 sur Europe 1 est l'un des quarts d'heures qui progresse le plus sur Europe 1. Ce n'était pas gagné à votre arrivée il y a deux ans...
Je vais faire ma prétentieuse, c'est le quart d'heure qui progresse le plus de toute la bande FM, je suis très fière ! Rien n'est jamais gagné, c'est un métier, ça s'apprend, je n'avais pas fait de radio avant. Cela nécessite de se sentir suffisamment à l'aise pour petit à petit conquérir la liberté totale demandée par une revue de presse particulière comme la mienne.
Les critiques ont été très virulentes à vos débuts.
Il y a une pression énorme, des gens pas forcément bienveillants qui se réjouissent du moindre faux pas. Mais je ne veux pas pleurer sur mon sort, cela fait partie du jeu ! Les critiques ont duré deux semaines, je n'avais pas le rythme, je n'étais pas à l'aise. Certains ont hurlé parce que ce n'était pas une revue de presse classique. Mais je n'ai jamais entendu une revue de presse qui ne soit pas une forme d'édito, ça n'existe pas. Je suis peut-être plus directe que les autres. J'essaye de donner un ton différent et vivifiant, avec un regard pointu et pluraliste. Je fais entendre tous les journaux, je cite aussi bien "L'Opinion" que "L'Humanité" ou "Mediapart".
Quelle est votre grille de lecture chaque matin ?
J'essaye de lutter contre mon tropisme naturel. Les gens qui m'écoutent auront remarqué qu'il y a des sujets qui me tiennent à coeur, comme l'écologie ou l'agriculture. Les sujets sur le transhumanisme, ça me passionne aussi. Il faut lutter contre ces tendances naturelles. Moi qui suis journaliste éducation, je ne vais pas systématiquement aller traiter tous ces sujets.
La prochaine étape après la revue de presse en radio, c'est l'interview politique ?
J'ai toujours adoré la radio, elle a toujours été allumée depuis que je suis adolescente. Là j'en fais et j'adore ça ! Tout peut m'attirer, comme l'interview. Je vois le travail de journaliste comme celui d'un passeur, sa capacité à faire comprendre à des gens des problématiques complexes. Donc je peux envisager tous les exercices à partir du moment où ça répond à cette vocation pédagogique.
Europe 1, c'est le point de départ de votre carrière à la radio ?
Je ne parle pas en terme de "carrière". On est venu me chercher, je ne m'y attendais pas. C'était un pari audacieux de la part de Fabien Namias et Denis Olivennes. J'adore l'exercice de la revue de presse. Mais je n'aime pas la routine. On lutte contre, par le travail.
Votre marionnette aux "Guignols" sur Canal+, c'est la consécration ?
N'allons pas jusque là, je ne bâtis pas ma fierté et mon orgueil dans le fait d'être une personnalité du paysage médiatique. Ca me fait marrer, je n'ai jamais imaginé il y a cinq ans me retrouver un jour caricaturée aux Guignols. Je suis juste vexée par... la couleur des cheveux, ils l'ont ratée ! La coupe aussi, ce n'est pas encore ça (rires).
Si tout va bien sur Europe 1, c'est en revanche plus compliqué sur Canal+. "Le Grand Journal" souffre de mauvaises audiences depuis plusieurs semaines. Comment l'expliquez-vous ?
C'est une case très concurrentielle, une émission qui a changé de rythme, avec de nouveaux visages, ça met du temps à s'installer. Je trouve assez idiot d'être le nez sur les audiences chaque jour. Je conçois ce travail sur le long terme. C'est un travail d'installation du ton, de la légitimité, dans la continuité de ce qu'a toujours été "Le Grand Journal". Il y a une volonté de faire des plateaux plus longs, avec un contenu qui apporte des choses au téléspectateur pour sa réflexion. Ca se construit. Ca va évidemment s'installer sur la saison !
Vous vous sentez bien dans cette émission ?
Oui, ça se voit non ? J'ai fait ce choix parce que c'était le plus difficile, celui qui allait m'obliger à beaucoup travailler. C'est un défi tous les jours.
On dit votre relation avec Jean-Michel Aphatie orageuse.
Non. On est totalement différents. Et j'adore ça. J'ai intérêt à avoir quelqu'un à mes côtés qui n'est pas d'accord avec moi. L'inverse serait sans intérêt, il n'y a rien de pire pour un téléspectateur que de constater une forme d'unanimisme.
Votre relation est chaleureuse ?
Nous avons une relation de respect. On apprend à se connaître. Moi je suis quelqu'un d'assez timide, pudique, je respecte les gens. L'amitié, ça se construit.
C'est compliqué, les duos à la télévision ?
Oui, toujours. La confrontation est compliquée mais elle est nécessaire où on s'ennuie à mourir.
Vous regrettez votre départ de "On n'est pas couché" ?
Je suis passée totalement à autre chose. Je déteste la routine. Je ne la regarde pas en direct, je ne peux pas me permettre de décaler mon rythme le week-end.
Où vous voyez-vous dans un an ?
Je n'ai jamais réfléchi comme ça. Je n'ai jamais su où je me voyais dans un ou deux ans. C'est à moi d'être bonne. Cet aiguillon chaque fin de saison, c'est un stress positif.
Vous êtes devenue une personnalité médiatique, omiprésente sur tous les supports.
C'est étonnant les critiques sur l'omniprésence, les cumulards. Je ne pense pas être dans l'omniprésence médiatique, je suis dans trois médias différents, trois exercices différents. Je ne ressasse pas la même chose, ce n'est pas le même public. Je le fais aussi par volonté de liberté. Avoir trois médias différents, c'est être libre. Le jour où je ne suis pas satisfaite, je peux partir. Quand j'ai annoncé mon départ de ONPC, je pouvais me le permettre, car ma base est ici à Europe 1. Cela permet de s'arrêter au bon moment et de ne pas s'accrocher à un poste.
Votre émission à vous, un jour ?
Oui, je l'ai toujours dit. Ca se réfléchit. Seulement si un projet tient la route. Une émission de télé, c'est la rencontre entre un animateur, une chaîne et une case horaire. Tout doit être réuni. Il faut apporter quelque chose au PAF, comme "Ce soir ou jamais" ou, plus vieux, "Le Grand Echiquier". Je veux être utile, servir les téléspectateurs. Vous savez, je suis timide à disparaître sous le plancher. Mais même si je suis très pudique, j'adore le travail d'équipe.