Pascale Breugnot est une fine connaisseuse de la télévision. Journaliste et productrice indépendante, elle a notamment été directrice des documentaires et magazines et directrice de la création chez TF1. Désormais à la tête de la société Ego Productions, elle s'illustre dans la production de nombreuses fictions comme "Doc Martin", "Tiger Lily" ou encore "La famille Katz" avec Julie Depardieu. A l'occasion du retour sur TF1 dès jeudi soir de la 12e saison de "Alice Nevers, le juge est une femme", Pascale Breugnot a accepté de révéler à puremedias.com les secrets de la longévité de cette série portée depuis plus d'une décennie par Marine Delterme. L'occasion pour elle de donner aussi son avis sur la fiction française d'aujourd'hui.
Propos recueillis par Benjamin Meffre.
puremedias : "Alice Nevers, le juge est une femme" revient jeudi pour une douzième saison sur TF1 ? Comment expliquez-vous la longévité de cette fiction ?
Pascale Breugnot : Je pense que ce qui fait la force de la série "Alice Nevers", c'est qu'elle se modernise en permanence. Cette fiction est pour nous un travail et une réflexion menés toute l'année. On est toujours à l'affût des sujets et des comportements nouveaux émergeant dans la société, qu'il s'agisse des comportements familiaux ou en entreprise par exemple. On cherche ainsi à coller un maximum à l'esprit du temps.
TF1 vous a commandé 10 épisodes pour cette nouvelle saison contre entre 6 et 8 les années précédentes. La chaîne vous fait particulièrement confiance cette année ?
J'espère. De manière générale, la chaîne vous fait confiance jusqu'à l'heure des résultats d'audience. La saison dernière, les scores de la série ont été bons (6,3 millions de téléspectateurs en moyenne soit 25% de l'ensemble du public, ndlr). L'avantage d'avoir plus d'épisodes, c'est de pouvoir apporter un peu plus de fantaisie, d'humour, de varier les plaisirs dans la série.
Le passage du 90 minutes au 2x52 minutes qu'"Alice Nevers" a négocié ces dernières années a également été utile ?
Oui, ça change beaucoup de choses. Avec un 90 minutes, il faut des sujets lourds capables de tenir la distance, surtout que maintenant, il faut aller vite sinon les gens s'ennuient. Avec les épisodes en 52 minutes, on peut avoir des sujets plus variés et apporter un peu plus de rythme. On peut par exemple aborder un thème plus léger en première partie de soirée avant de se concentrer sur un sujet plus noir en seconde partie.
Quel regard portez-vous sur la fiction française actuelle ?
Il y a des choses qui bougent. Pendant un temps, on a eu une vague de séries américaines qui trustaient quasiment tout. Puis sont venues d'autres séries, d'Europe du Nord notamment, avec des sujets plus graves ou moins accessibles. Elles abordaient par exemple le politique ou le psychologique pur. Elles ont été diffusées notamment sur Canal+ et Arte qui peuvent se permettre de fédérer un public moins large que des chaînes comme TF1 ou France 2. Leur succès a cependant montré aux diffuseurs le potentiel des thèmes et nouveautés apportés par ces séries. Des choses s'écrivent en ce moment. D'une manière générale, la fiction française est de toute façon en pleine mutation.
La frilosité des chaînes que vous avez parfois dénoncée par le passé est-elle moins vraie aujourd'hui ?
Ça bouge aussi dans ce domaine là. Prenez "Broadchurch" (une série anglaise diffusée avec succès récemment sur France 2, ndlr) par exemple, ça va faire des petits en France, c'est sûr ! Pourtant, cette série ne correspond pas aux critères habituels de la fiction française. Elle a une histoire assez lente, des héros au profil très différent de ceux qu'on rencontre habituellement dans la fiction française. Mais cela a marché ! Même chose pour "Ce soir je vais tuer l'assassin de mon fils" sur TF1. C'est un unitaire très noir qui a très bien fonctionné car les gens sont contents de voir autre chose. Tout ça va dans le bon sens.
Vous avez d'autre projets en matière de fiction ?
J'ai actuellement un projet en écriture sur la vie du cardiologue Olivier Ameisen, un médecin brillantissime qui souffrait d'alcoolisme. Il a découvert que la prise du baclofène lui permettait de mettre fin à sa maladie. Il s'est par la suite battu avec acharnement contre le corps médical et les lobbies pour faire reconnaître l'efficacité du traitement qu'il avait lui-même expérimenté. Il est mort en juillet dernier avant que le baclofène ne bénéficie en mars pour la première fois d'une recommandation temporaire d'utilisation. J'ai aussi un autre projet en écriture pour Arte et je m'apprête à tourner un nouvel épisode de "Doc Martin".