Un protocole extrêmement strict. Hier après-midi, le gouvernement a invité des photographes de presse afin de réaliser un cliché des nouveaux ministres de Jean Castex. Dans une série de messages publiés sur Twitter, Corentin Fohlen, photoreporter et présent pour le journal "Libération", raconte ce jeudi sa mauvaise expérience lors de la séance photo. "La chance de pouvoir travailler en commande et d'autant plus pour un journal comme 'Libé", c'est de pouvoir refuser le jeu du pouvoir et de la com", a-t-il écrit en préambule.
"Je n'étais pas venu à l'Elysée depuis 2012. A l'époque, sous Sarkozy, les photographes étaient encore considérés et pouvaient travailler. La sécurité et le service de presse nous respectaient a minima. Une certaine idée de l'image politique existait", a déclaré Corentin Fohlen. Et de relater : "Hier a eu lieu la traditionnelle photo du nouveau gouvernement Castex. On nous convoque dès 10h30. En patientant sous un soleil de plomb, j'ai le temps de m'informer auprès des confrères, habitués du protocole 'à la Macron'. Dorénavant, au Palais, il n'existe plus aucune liberté de photographier". Il a ainsi expliqué que désormais le photographe était "un pion de la communication", "gentiment encadré par de jeunes communicants" et "rudement recadré par des colosses de la sécurité".
"Après deux heures d'attente" au soleil, le photographe de "Libération" a raconté avoir ensuite patienté "dix minutes dans un salon doré", "encadré par six ou sept jeunes loups dont (il) ne comprenait pas le rôle". "Puis les portes s'ouvrent. 'Vous avez 45 secondes'. La dizaine de photographes s'élance pour se loger derrière un cordon et des piquets", a-t-il poursuivi, décrivant des "ministres figés", "immobiles", comme "des pantins" : "Le gouvernement a été positionné en avance sur une estrade afin d'éviter les scènes de maladresses qui faisaient autrefois le bonheur des preneurs d'images".
Par la suite, Corentin Fohlen a précisé être "sorti du champ rigide de la photo de classe", "pour tenter de s'éloigner sur le côté". "Un garde du corps me suit de près. Le temps imparti est terminé, aucun ministre n'a bougé d'un cil. Absurdité d'une scène totalement aseptisée", a-t-il glissé. Un membre du service de communication a alors ordonné aux ministres de "ne pas bouger" pour ne pas immortaliser de "faux pas", a raconté le photographe. "Nous sommes bousculés afin d'arrêter de photographier. Des mains se plaquent brutalement sur mon appareil photo. Je réponds au cerbère que je suis en droit de choisir quoi shooter", a-t-il enchaîné. Et d'indiquer que "deux officiers de sécurité" ont exigé son identité et sa carte de presse à la sortie : "'Vous allez voir si vous pouvez faire ce que vous voulez à l'Elysée', me balancent-ils d'un ton hautain et menaçant."
S'il a confirmé que certains confrères l'avaient défendu, il a souligné que leur intervention était "discrète" : "Ils tiennent à leur place et leur job. Je les comprends". "Le gouvernement a changé, mais les méthodes de l'ère Macron perdurent. Je ne suis pas sûr de pouvoir revenir de si tôt au Château", a conclu Corentin Fohlen, qui a publié quatre clichés sur lesquels on peut voir les agents de sécurité obstruer son appareil photo.