C'est l'une des propositions choc du rapport piloté par Aurore Bergé. Dans leurs préconisations censées inspirer le gouvernement pour sa future réforme de l'audiovisuel, les députés prônent notamment la levée de l'interdiction faite aux chaînes de télévision de diffuser des films certains jours de la semaine. Initialement créée pour encourager la fréquentation des salles de cinéma ces jours-là, cette réglementation est jugée obsolète par les députés à l'heure des Netflix et Amazon qui permettent de regarder des films à n'importe quelle heure. En attendant que cette proposition soit éventuellement reprise par l'exécutif, deux chaînes françaises sont déjà exemptées de cette interdiction le mercredi soir : Arte et France 4. puremedias.com revient sur cette bizarrerie française.
Depuis le décret du 17 janvier 1990, la diffusion des longs métrages à la télévision est très réglementée en France. Afin de protéger l'exploitation des films en salles, les chaînes généralistes gratuites, publiques comme privées, ont ainsi l'interdiction de programmer des films :
- Le mercredi soir, à l'exception des oeuvres d'art et d'essai diffusées après 22h30.
- Le vendredi soir, à l'exception des oeuvres d'art et d'essai diffusées après 22h30.
- Le samedi, toute la journée.
- Le dimanche, avant 20h30.
Arte bénéficie d'un statut à part depuis sa création en 1992. Pont entre la France et l'Allemagne réunifiée, Arte est un groupement européen d'intérêt économique, dont Arte France est membre, tout comme Arte Deutschland, son homologue outre-Rhin.
Grâce à son statut franco-allemand, Arte échappe ainsi à la régulation traditionnelle des acteurs de l'audiovisuel en France. Si elle est liée à l'Etat français par un contrat d'objectifs et de moyens, Arte France n'est pas supervisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. En Allemagne, Arte Deutschland est liée à la KEF (Kommission zur Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten), la Commission d'étude des besoins financiers des organismes audiovisuels, chargée d'allouer la redevance entre les différentes sociétés de l'audiovisuel public allemand.
Contrairement à ses concurrentes en France, Arte n'est ainsi pas soumise aux interdictions de diffusion du cinéma certains jours en télévision. Elle peut diffuser des films le mercredi soir si elle l'entend, ce qu'elle fait depuis 2001. Elle pourrait aussi le faire les autres jours "interdits" dans l'Hexagone. Arte veille cependant à ce que sa programmation cinéma se fasse "en bonne intelligence avec les professionnels du secteur", comme le souligne la chaîne, jointe par puremedias.com.
Le cas de France 4 diffère radicalement de celui d'Arte. Antenne à part entière du service public pour encore quelques mois, France 4 est la seule chaîne française à bénéficier d'une dérogation en matière de diffusion de films le mercredi en prime-time. Celle-ci est le fruit d'un accord signé en 2012 par France Télévisions et les professionnels du cinéma, accord ensuite traduit dans le fameux "décret-diffusion" de 1990.
Depuis 2012, la possibilité de diffuser des longs métrages le mercredi soir est ainsi théoriquement ouverte à n'importe quelle chaîne généraliste qui respecte un certain nombre de conditions strictes. Parmi elles, un soutien financier au cinéma représentant au moins 3,5% de son chiffre d'affaires, contre 3,2% pour les autres chaînes généralistes. En 2017, France 4 a par exemple investi 3,9% de son chiffre d'affaires dans le développement de la production "d'oeuvres cinématographiques européennes".
A ce lourd impératif financier s'ajoutent des contraintes de programmation tout aussi rigoureuses. Pour pouvoir diffuser du cinéma le mercredi soir, les films doivent impérativement commencer entre 20h et 21h, ce qui paraît désormais quasi-impossible pour la plupart des chaînes. Surtout, au moins 85% des longs métrages programmés dans cette case doivent être des "oeuvres cinématographiques européennes ou d'expression originale française".
Des obligations pas simples à respecter, même pour France 4. Depuis le début de l'année, seuls 21 films programmés sur 39 ont ainsi débuté avant 21h00. Quant aux "oeuvres cinématographiques européennes ou d'expression originale française", elles représentent 32 films sur les 39 diffusés pour l'instant, soit 82%. Depuis le 5 septembre dernier, France 4 a d'ailleurs accéléré la cadence avec la diffusion de pas moins de quatre films français sur les cinq proposés ("Pouic Pouic", "La zizanie", "Populaire" et "Michou d'Auber").