Imaginez que vous rentrez chez vous, vous allumez la TV, c'est l'heure de la publicité, vous tendez une oreille et c'est comme si les spots de publicité ne s'adressaient qu'à vous. Vous avez un chat ? Voilà un spot Sheba. Vous allez déménager ? Un spot Demeco arrive à l'antenne. Une exposition événement est inaugurée dans votre ville ! une pub vous incite à prendre vos billets. Et puis, il fait très chaud ! Voilà justement les glaces Magnum qui se rappellent à votre attention.
Ce scénario n'est pas de la fiction. Il est envisageable mais pas encore à cette échelle. Ces spots sont limités à 2 minutes par heure et, coquetterie de la réglementation à la française, ces spots ne peuvent pas mentionner l'adresse de la marque (comme par exemple l'adresse du magasin qui ferait de la pub), mesure prise pour préserver la presse régionale pour qui la publicité locale est vitale.
Dans le milieu de la publicité, on appelle cela la TV segmentée (TVS) ou TV adressée (c'est plus facile à comprendre). Pour les chaines TV, il s'agit simplement d'aller vers la souplesse d'Internet et des réseaux sociaux coutumiers de ce genre de pratique.
Comment est-ce possible ? C'est très simple. La France est championne de la réception de la TV via les box Internet. La réception de la télévision par internet (IPTV) atteint 63,9% au 2ème trimestre 2022 d'après l'observatoire de l'équipement audiovisuel des foyers de France métropolitaine publié par l'Arcom. Dans le même temps, le taux de réception via la TNT pointe à 43,2 %.
Or, quand vous regardez la TV via votre box (Orange, Bouygues Télécom, SFR, Free et Canal+ fait également fonction de box), les opérateurs peuvent, avec une technologie très sophistiquée, envoyer un message publicitaire ciblé. Car contrairement aux ondes hertziennes qui "arrosent" la TV en masse, les box diffusent la TV de façon individuelle à chacun de leur client.
Ainsi, les opérateurs télécom ont noué des accords avec les régies publicitaires des chaines TV pour combiner ciblage et diffusion de façon très granulaire. Ces accords sont encore à géométrie variable et tous les opérateurs n'ont pas encore signé avec toutes les régies publicitaires. Par exemple, Free n'est pas encore opérationnel dans la TVS.
La conjugaison des technologies des opérateurs télécom et des régies publicitaires permet des capacités de ciblage particulièrement larges de la TVS. Vous pouvez être ciblés en fonction de votre âge, de la composition de votre foyer ou de votre lieu d'habitat mais aussi en fonction de ce que vous regardez à la TV, de vos habitudes de consommation (grâce à des données anonymisées) ou du temps qu'il va faire chez vous. Les régies revendiquent plusieurs centaines de segments possibles.
Les box, c'est le moyen mainstream d'être touché par la TVS mais ce n'est pas le seul. Vous pouvez être ciblé également si vous regardez la TV via la TNT. Pour cela, il faut que votre TV soit équipée de la norme hbbtv et que vous ayez donné votre accord. Et plus prosaïquement, si vous habitez un lieu donné, vous pouvez être exposé par une marque cherchant à toucher les habitants de votre région via une chaine locale comme France 3 ou bien une des chaines BFM de votre région par exemple.
Mais attention, la TVS n'arrive pas chez vous sans prévenir et n'est pas universelle, loin s'en faut. Pour recevoir des messages ciblés vous devez avoir donné votre consentement (opt-in, comme sur le digital). Fin 2023, 8 millions de foyers devraient pouvoir être joignables pour la TVS, soit 30% des foyers français d'après les prévisions du SNPTV (syndicat national de la publicité télévisée) et l'AF2M (Association Française pour le développement des services et usages Multimédias Multi-opérateurs).
Ce mode de publicité TV reste encore très limité (moins de 0,5% des revenus publicitaires de la TV) mais tout de même 1300 campagnes de ce type ont été diffusées en 2022. La TVS est donc encore en phase d'accélération et fait partie d'un mouvement irréversible de digitalisation de la pub TV.