Le 3 avril sort en salles "La Maison de la radio", un documentaire de Nicolas Philibert, qui a été présenté au dernier festival de Berlin. Pour "Etre et avoir", le réalisateur avait passé une année scolaire dans une école primaire du fin fond du Puy-de-Dôme. Pour ce film, le documentariste s'est enfermé pendant 6 mois dans le siège de Radio France qui abrite les antennes nationales et les services administratifs de France Inter, France Info, France Bleu, France Culture, France Musique, Fip, Le Mouv', ainsi que des formations musicales (orchestres et choeurs). puremedias.com a déjà vu le documentaire et vous en dit un plus sur ce film singulier.
Nicolas Philibert propose de passer une journée dans la Maison de la radio. Il commence, évidemment, par les matinales d'info, qui sont très rapidement expédiées, avant de s'attarder sur les personnes, anonymes ou non, qui participent directement ou indirectement à fabriquer les programmes. Comme on pourrait filmer du personnel travaillant dans un hôpital, Philibert montre les petites mains qui réfléchissent en terme de rendus sonores ou cherchent à mettre en valeur une interview ou une information. Il propose des moments de radio saisissants, ainsi qu'une série de portraits de personnalités, dont certains sont assez drôles ! Le film se termine sur ceux qui officient la nuit, juste avant que ne recommencent les matinales. Il ne s'agit pas d'un film sur Radio France, mais sur le média radio en général, sur le son, et sur ceux qui le fabriquent.
Plus de 200 personnes ! Si vous êtes un fidèle auditeur de Radio France, vous reconnaîtrez de nombreuses voix : Patrick Cohen, Marc Fauvelle, François Busnel, Philippe Colin et Xavier Mauduit, Evelyne Adam ou Thomas Legrand. Mais finalement ces gens n'intéressent pas le réalisateur qui ne les montre que très rapidement. Il préfère passer du temps à filmer les visages des personnes que ces stars interviewent ou le travail de leurs assistants. Il s'arrête par exemple sur la façon, presque artisanale, dont Philippe Vandel enregistre sa chronique dans une cabine et regarde Rebecca Manzoni expliquer à ses invités comment ils vont devoir meubler, seuls, la "minute de solitude" qui conclue son émission.
Mais le documentaire n'est jamais aussi intéressant que quand il montre des anonymes : Marie-Christine Le Dû, qui forme un futur présentateur de flash, Marie-Claude Rabot-Pinson qui coordonne la fabrication des reportages des journaux et éclate de rire en lisant les infos insolites de l'AFP, ou Marguerite Gateau, qui réalise une fiction avec l'acteur Eric Caravaca. Philibert filme aussi un preneur de son qui va enregistrer des bruits extérieurs en forêt, des reporters en moto qui couvrent le Tour de France, une présentatrice de journaux aveugle, ou des instruments de musique fabriqués main à base de fils élastiques...
Il ne s'agit ni d'un film sur les médias, ni sur l'économie du groupe ou son virage numérique, ni même d'une réflexion sur le traitement journalistique de tel ou tel événement par les radios publiques. Non, Nicolas Philibert ne s'intéresse pas aux contenus mais à la façon dont on les fabrique. Il ne donne aucun nom et ne précise jamais où sont posées ses caméras. Ce n'est pas non plus un film d'entreprise : Philibert regarde, fasciné, ceux qui pensent en terme de son, comme c'est le cas dans toutes les autres stations.
L'avantage c'est que la radio publique propose une plus grande variété de situations que les stations privées. Philibert filme des jeux qui ont lieux en public ("Le Jeu des mille euros"), l'enregistrement de fictions radiophoniques, des chanteurs en live, les membres de l'orchestre symphonique et la chorale et plein d'artistes barrés ou extrêmement pointus qui ne sont reçus nulle part ailleurs. Le réalisateur n'hésite pas à se moquer parfois de ses sujets, du bureau littéralement envahi de CD de Frédéric Lodéon ou de cet animateur d'émission littéraire (de France Culture ?) qui passe 10 bonnes minutes à présenter son invitée qui se force à sourire...
"La maison de la radio" parlera sans doute moins au grand public que "Etre et avoir" (1,6 million d'entrées en 2002) car il est moins universel. Malgré quelques longueurs, et l'absence d'un fil conducteur, il devrait cependant beaucoup intéresser les spectateurs que la radio passionne.