Une enquête pas très flatteuse pour le gouvernement. Hier, sur France 2, Élise Lucet a pris les commandes du deuxième numéro de la saison de "Cash Investigation". Après les conditions de travail des employés précaires travaillant pour les géants du web, le magazine de la Deux s'est penché sur les réformes fiscales. Pour rappel, ce film intitulé "Qui profite de nos impôts ?" et signé des journalistes Sophie Roland et Julien Pichot a rassemblé hier 1,96 million de téléspectateurs (9,2% de PDA), selon Médiamétrie.
Dans le cadre de cette enquête, Élise Lucet s'est entretenue avec Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Celui-ci a notamment été interrogé sur les deux reformes fiscales emblématiques du début du quinquennat d'Emmanuel Macron : la transformation de l'ISF en IFI (impôt sur la fortune immobilière) et la mise en place du PFU (prélèvement forfaitaire unique). Se basant sur les prévisions du dernier rapport de l'Institut des politiques publiques (IPP), la journaliste a présenté un graphique représentant l'impact des mesures fiscales du gouvernement sur le budget des ménages.
D'après la présentation faite par Elise Lucet, il y a des "pertes de pouvoir d'achat pour les 7% les plus pauvres" tandis que "les Français vraiment gagnants par ces réformes sont les 0,1% les plus riches, soit 30.000 ménages, avec un gain de 23.000 euros par an". "Heureusement qu'on n'est pas le 1er avril pour votre émission parce que je vous aurais dit que là, franchement, vous m'avez fait une bonne blague" a rétorqué Gérald Darmanin. "Votre graphique est assez rigolo, c'est une blague belge ! C'est comme si nous mélangions des concombres, des navets et des carottes" a poursuivi le ministre. "Pas du tout. Ce sont juste des foyers français qui paient des impôts (...) Vous n'aimez pas ce graphique mais il est factuel" a protesté Elise Lucet.
Sur Twitter, aidé d'un autre graphique, Gérald Darmanin a expliqué que "la présentation que fait Elise Lucet du rapport de l'Institut des politiques publiques est biaisée". "Celui-ci conclut au contraire que les classes moyennes sont les grandes gagnantes de la politique fiscale du gouvernement" a assuré le ministre. Alors, qui dit vrai et pourquoi une telle différence d'interprétation ? Contacté par puremedias.com, Emmanuel Gagnier, rédacteur en chef de "Cash Investigation" explique que les deux graphiques - celui présenté par Elise Lucet et celui mis en avant par Gérald Darmanin sur Twitter - proviennent "du même rapport" et "veulent dire la même chose".
"Ni l'un, ni l'autre ne sont biaisés. Nous ne contestons d'ailleurs pas l'interprétation sur les classes moyennes. Mais ce n'est pas notre sujet, nous, ce que nous démontrons, c'est l'iniquité entre les ménages les plus pauvres, qui ne profitent pas des réformes fiscales, et les plus riches, qui en sont les principaux bénéficiaires" argue-t-il, expliquant que la principale différence entre les deux graphiques est que celui utilisé est exprimé en valeur absolue et "zoome" sur les 0,1% de foyers les plus riches tandis que celui mis en avant par le ministre est exprimé en pourcentage. "Nous avons été très surpris que le ministre qualifie ce graphique de blague puisqu'il utilise un graphique issu du même rapport, sur lequel il rajoute d'ailleurs l'expression en valeur absolue" note Emmanuel Gagnier.