Dans un contexte économique tendu, France Télévisions aborde cette rentrée avec une flopée de nouveaux programmes sur ses antennes. L'access de France 2, à partir de 18h, est l'un des chantiers majeurs de cette rentrée télé. Rémy Pflimlin, président de France Télévisions, défend la complémentarité des chaînes du groupe dans une interview à puremedias.com
Propos recueillis par Julien Bellver.
puremedias.com La rentrée télé 2013-2014 est amorcée, quel est le mot d'ordre donné à vos directeurs d'antennes ?
Rémy Pflimlin : Trois points. Le premier, réaffirmer la personnalité des chaînes. Le deuxième, innover avec des prises de risques. Et le dernier, enfin, respecter et approfondir les missions essentielles du service public autour de l'information, de la création et du lien social. Nous sommes le groupe qui va proposer le plus de nouveaux programmes.
N'est-ce pas un paradoxe quand on sait que France Télévisions fait tout pour réduire ses coûts ?
Les questions économiques aujourd'hui ne doivent pas nous empêcher de remplir nos missions. Remplir nos missions dans ce cadre plus contraint, c'est aussi le choix d'arrêter certains programmes pour en lancer d'autres qui souvent sont moins coûteux. Les producteurs ont joué le jeu, ils sont conscients de l'économie du pays et des contraintes particulières de France Télévisions. On a un partenariat de long terme avec beaucoup d'entre eux.
Quelle est la baisse des investissements dans les programmes ?
Pour la saison à venir, 30 millions d'euros de moins pour l'ensemble des chaînes du groupe, rapporté à un coût total des programmes de 2,090 milliards d'euros.
C'est peu, ce n'est pas ce qui va permettre au groupe de sortir du rouge...
Non, en effet, les économies sont principalement ailleurs.
Dans quelles proportions la fiction française est-elle concernée par ces mesures ?
Tous les coûts doivent être optimisés. Concernant les oeuvres et la fiction, les obligations, de 20%, se feront sur une base moins importante donc une réduction. Nous devons développer les séries pour favoriser l'industrialisation, pour baisser les coûts et en faire plus. Quand vous faites 8 ou 10 épisodes d'une série, le prix de la soirée est inférieur à une fiction unitaire. Pour autant, les unitaires vont perdurer, ça reste la marque de France Télévisions comme des fictions événementielles liées aux sujets de société.
L'information subira aussi un coup de rabot, avec le projet "Info 2015".
L'info sera mise à contribution, bien sûr. Mais on a une ambition forte : maintenir une information de référence, c'est un de nos piliers. Ce projet est lié aux questions économiques mais aussi numériques. Grâce à des bases de données uniques, on peut réduire les coûts. L'information coûte très cher et les chaînes privées, pour garantir leurs résultats financiers, désinvestissent sur l'information.
Comment se comporte le marché publicitaire, l'embellie est-elle proche ?
Non. On observe une réduction forte en 2013. Deux années de baisse du marché publicitaire, c'est une grande première. Nous avons deux problèmes. Le premier, c'est l'univers concurrentiel, qui s'est fortement élargi. Le deuxième, la crise économique a engendré une évolution des pratiques commerciales, très agressives chez nos concurrents. Ces politiques se traduisent pas une multiplication des écrans, que France Télévisions n'a pas ! Dans ce contexte, nous sommes donc doublement pénalisés, nous n'avons pas d'espaces puissants en prime et nous n'avons pas la possibilité de développer l'offre.
Vous êtes optimiste pour les mois à venir ?
Si la consommation des ménages progresse, ce que certains indicateurs semblent montrer, le rapport des grandes marques au grand public passe par des messages publicitaires. Et donc par un redémarrage du marché. On est dans une période d'extrême prudence des entreprises et des grands annonceurs en particulier qui doivent garantir des résultats et font des réserves de précaution.
Etes-vous favorable à l'ouverture au marché publicitaire de certains secteurs interdits comme le cinéma ?
Tout ce qui peut dynamiser le marché est positif. Mais faisons attention au miroir aux alouettes. Est-ce que notre média est bien adapté pour ces annonceurs ? Est-ce que cela ne peut pas provoquer d'autres déstabilisations ? C'est une évolution possible mais ce n'est pas la clé de la sortie de crise.
Réfléchissez-vous toujours à la mise en place d'un écran pub à 20h35 ?
Cette option n'a pas été retenue à ce jour par le gouvernement en raison principalement de la crise publicitaire. Mais nous considérons que cette question, qui conditionne notre capacité à offrir des écrans puissants et donc nos revenus publicitaires, reste entière. Ce qui est en revenche très positif, c'est la perspective de maintien de la publicité après 2015, voté par l'Assemblée Nationale. Le financement mixte est donc garanti, ce qui nous permet de travailler sur le long terme.
Avant-hier, lors de la conférence de presse, vous avez annoncé un plan de départs volontaires de 600 postes...
Ce plan de départs sera lié à une organisation nouvelle, autrement dit ciblé sur un certain nombre de catégories ou de profils. On doit passer de plans généraux qui ne permettent pas de réorganiser - les postes sont souvent remplacés - à des plans ciblés. Le plan va être présenté à un comité central d'entreprise.
L'un des principaux chantiers est celui de l'access, notamment sur France 2 qui teste depuis un an plusieurs formules. C'est enfin la bonne ?
Je pense ! Je tiens à dire une chose d'abord : de 18h à 20h, le groupe France Télévisions est nettement leader. Sur ce carrefour stratégique, la complémentarité de nos offres nous permet de toucher plus d'un Français sur 3. Et quand on compare avec d'autres chaînes du PAF qui font beaucoup parler d'elles, elles sont sur des audiences beaucoup plus réduites !
Cette complémentarité ne permettra jamais à France 2 de se contenter de faibles audiences à cette heure !
Vous avez raison, France 2 est une grande chaîne qui doit avoir de bons niveaux d'audience. Faire un talk show à 19 heures sur France 2 alors qu'il y en a un sur France 5, ce serait discutable. Tout comme l'information, proposée sur France 3 à cette heure. D'où notre choix du divertissement. C'est ça, la complémentarité.
Combien de temps allez-vous laisser à ce nouvel access pour s'installer ? On s'en souvient, l'année dernière à la même période, Nagui et Anne Roumanoff avaient été écartés de l'antenne après deux mois seulement.
Quand on met des émissions à l'antenne qui correspondent à ce qu'on veut faire, on a le temps et on a eu toujours le temps. Si, à un moment donné, on se rend compte que ça ne correspond pas à nos attentes, il faut s'arrêter. Mais je suis très confiant sur cette nouvelle offre.
Il faut donc comprendre que les programmes arrêtés l'ont été car ils ne correspondaient pas à la ligne éditoriale de France Télévisions...
Absolument.
La concurrence des talks s'intensifie cette rentrée. Avez-vous regardé la première d'Antoine de Caunes cette semaine ?
Non, mais je me suis promis de le faire cette semaine.
Sur France Télévisions, le concurrent est "C à vous" à cette heure. Il sera incarné par une nouvelle animatrice, Anne-Sophie Lapix qui a un profil très différent d'Alessandra Sublet. Vous êtes confiant ?
Nous sommes très fiers de "C à vous", on est très heureux qu'Alessandra poursuive son aventure avec France Télévisions. C'est une personnalité importante, très attachante qui correspond parfaitement à ce service public qui innove. Quant à Anne-Sophie Lapix, elle a incontestablement le profil. Elle a toute sa place chez nous, on est ravis de l'accueillir. Il y a une équipe de production et de rédaction très fortes, je ne suis pas inquiet.
Quel est l'avenir de France 4 ? Sa ligne éditoriale semble plus floue que jamais.
Je pense que sa ligne est plus précise que jamais ! L'objectif, c'est de renforcer en journée l'offre jeunesse et d'avoir en soirée une offre qui s'adresse aux nouveaux publics connectés. Nous devons en faire une chaîne qui s'adresse aux jeunes adultes, que France Télévisions a du mal à capter. Les chaînes de la TNT rediffusent beaucoup, France 4 doit favoriser la création et l'inédit.
Ce n'est pas le meilleur moyen de brouiller une ligne éditoriale en s'adressant le matin et le soir à des publics différents ?
Nous essayons d'avoir une offre qui correspond à la disponibilité du public. Par exemple, le matin, vous avez de l'enfance sur France 3 et l'après-midi des programmes pour les personnes plus âgées.
Autre sujet, Gulli. France Télévisions réfléchit toujours à sa sortie de l'actionnariat, partagé avec lagardère ?
Je souhaitais à une période que nous devenions l'unique actionnaire, cela n'a pas pu se faire. Aujourd'hui, nous sommes prêts à vendre notre participation. Mais la question du prix est déterminante, liée à l'intérêt social de France Télévisions.