Vincent Bolloré s'en prend à "Complément d'enquête". Comme Le Canard Enchaîné s'en fait l'écho aujourd'hui, le tycoon d'Ergué-Gaberic a pris pour cible l'émission de France 2 en marge de la dernière assemblée générale du groupe Bolloré le 3 juin dernier (vidéo ici à voir à partir de 1'23'28).
Au détour d'une question d'un actionnaire, Vincent Bolloré est en fait revenu sur un reportage que lui avait consacré "Complément d'enquête" le 7 avril dernier. Pour les besoins de ce dernier, les journalistes de France 2 s'étaient notamment rendus au Cameroun, dans une palmeraie exploitée par la Socapalm, une société en partie contrôlée par le groupe Bolloré. Là-bas, ils avaient filmé des ouvriers agricoles très mal équipés et dont certains se disaient âgés de seulement 14 et 16 ans (extrait ci-dessous).
Ces images ont fortement déplu à Vincent Bolloré qui a choisi de les commenter le 3 juin dernier. "Je ne sais pas si vous avez vu 'Complément d'Enquête' (...) Le moment le plus important, celui qui fait pleurer les chaumières (sic) : on voit un type sur un tracteur, il a un gant troué et il dit : 'Vous voyez ça ? M. Bolloré, il veut pas me donner de gant", a raconté l'industriel breton en montrant sa propre main à un public hilare.
Vincent Bolloré a ensuite expliqué avoir "aussitôt" appelé Hubert Fabri, son associé belge en charge de la partie plantations de son groupe. Et d'expliquer : "Il y a des huissiers qui sont partis sur place. Et j'ai les exploits d'huissiers avec moi. Donc le jeune homme qui avait soi-disant 14 ans, il a 20 ans ! Et il a été payé pour dire qu'il avait 14 ans ! Le monsieur sur le tracteur n'a jamais travaillé chez nous", a dénoncé l'homme d'affaires breton, sans prendre le risque de dire qui était derrière cette subornation de témoins.
La visite d'huissiers à laquelle fait référence Vincent Bolloré a en tout cas été évoquée dès le 19 mai dernier et dans des termes bien différents par Info Cameroun, un média participatif local. Selon Le Canard Enchaîné, citant Emmanuel Lelong, un syndicaliste paysan local s'étant exprimé dans le reportage de France 2, un "huissier local" a en réalité été "envoyé par les associés de Bolloré, accompagné de deux cameramans et d'un cadre de la Socapalm" pour interroger de nouveau les témoins du reportage de "Complément d'Enquête". "Le premier, de 14 ans, ils l'ont habillé et lui ont mis des gants et ils l'ont obligé à dire qu'il avait 20 ans. Le second, il devait dire qu'il avait 18 ans, mais cette fois, la famille était avertie, et elle a refusé", a expliqué le syndicaliste au journal satirique.
Devant ses actionnaires le 3 juin dernier, Vincent Bolloré a en tout cas vu dans cette séquence de France 2 une manoeuvre pour le "faire partir". "Quand vous êtes (...) dans une mauvaise foi, dans un mensonge qui a pour but de déstabiliser, de décrédibiliser, il y a un moment où malheureusement, vous êtes obligé de dire 'Halte au feu !'. On arrête de parler. On laisse passer. Et je le regrette franchement", a-t-il confié devant ses actionnaires.
Contactée par puremedias.com, la rédaction de "Complément d'Enquête" ne cache pas son atterrement face à des "accusations mensongères". "Ce sont des méthodes scandaleuses !", dénonce Tristan Waleckx, l'auteur du reportage.
Rappelant que "Complément d'Enquête" est une "émission sérieuse", ce dernier dément farouchement la version des faits de Vincent Bolloré. "On a encore d'autres témoignages filmés d'adolescents qui travaillent dans la palmeraie. On a même des images de recrutement, au petit matin, de jeunes travailleurs à qui personne ne demande ni l'âge ni une pièce d'identité" prévient-il, affirmant avec force ne pas avoir payé "le moindre centime" pour recueillir ces témoignages.
Tristan Waleckx et les équipes de l'émission ne comptent d'ailleurs pas en rester là. Selon nos informations, ils vont ainsi apporter rapidement une première réponse aux accusations de Vincent Bolloré. Chose rare, le présentateur de l'émission, Nicolas Poincaré, devrait tout d'abord répondre dans l'émission qui sera diffusée demain soir sur France 2 à partir de 22h40. Tristan Walecks devrait pour sa part revenir vendredi sur cette polémique dans un article publié sur le site Francetvinfo.