Les téléspectateurs de TF1 ont quitté April il y a quelques jours, enceinte et craignant pour l'avenir de son bébé dans un monde dangereux. De passage à Monte-Carlo, son interprète Sarah Drew est venue assurer la promotion de "Grey's Anatomy" cette année dans le cadre du 55e Festival de Télévision. L'occasion de s'entretenir avec elle et de l'interroger sur la dixième saison de la série, qui s'est conclue par les adieux de Sandra Oh, mais aussi de la onzième saison, qui vient de s'achever outre-Atlantique, et qui a été marquée par le départ inattendu de l'un des personnages principaux.
Attention, cette interview contient quelques spoilers sur la onzième saison de "Grey's Anatomy".
Propos recueillis par Charles Decant.
Après onze saisons, on a un peu l'impression que "Grey's Anatomy" est en train de devenir un organisme vivant plus qu'une simple série !
C'est une façon intéressante de voir les choses, et je suis assez d'accord ! Je trouve que la série continue d'évoluer, de se réinventer, et c'est vraiment quelque chose de vivant parce qu'il y a constamment de nouvelles énergies avec l'arrivée de nouvelles personnes. C'est un peu comme ça dans la vie, on dit parfois au revoir à des gens, on en rencontre d'autres. Et puis mon personnage aussi évolue beaucoup, comme un vrai être humain. On change tous !
Vous apportez beaucoup à votre personnage, beaucoup de ses caractéristiques et des intrigues qu'elle vit vous sont arrivées. Ce n'est pas gênant, parfois, de jouer quelque chose qu'on vit ou qu'on a vécu ?
C'est un peu bizarre, clairement. En particulier la saison 11. J'étais enceinte dans la vraie vie en même temps que mon personnage dans la série. C'était très intense ! (Rires) On a filmé la scène de l'accouchement et dix heures plus tard, j'ai eu des contractions et j'ai dû être emmenée à l'hôpital, j'ai accouché avec trois semaines et demi d'avance et mon bébé a été envoyé en soins intensifs pendant neuf jours. C'était trop proche de la série ! Je me souviens d'avoir joué cette grossesse, et de mon côté j'ai eu quelques frayeurs, j'ai dû filer à l'hôpital. Parfois, se détacher de la série était difficile. Ca créait un peu la confusion.
Depuis le début, déjà, April partage beaucoup de points communs avec vous. Ca venait de vous ?
Non, pas du tout ! D'abord, on a appris qu'elle était vierge. J'ai dit "Ah... OK ! Très bien !". Mais ça m'allait très bien, j'ai ressenti une connexion avec elle parce que je suis restée vierge jusqu'à ma nuit de noces. Je l'ai comprise, alors que je pense que peu de gens comprennent ce genre d'engagement. De nos jours, c'est n'importe quoi pour beaucoup de monde, on n'attend plus. Puis ils ont fait d'elle une chrétienne, et ça tombait bien puisque je le suis aussi. Et j'ai pu avoir mon mot à dire dans son évolution, dans son rapport à la foi... Shonda et les scénaristes ont été très ouverts à ma participation. Donc c'est très agréable, mais j'ai l'impression de dévoiler beaucoup de ma personnalité ! (Rires)
C'est important, à vos yeux, de parler de la foi à la télé ?
Je trouve, oui. Dans les médias, aujourd'hui, les personnes pour qui la religion est importante sont souvent moqués, ou on montre des gens horribles, cruels, qui jugent tout le monde. Ce qui est triste, c'est que beaucoup de croyants se comportent effectivement comme ça. Beaucoup de non-croyants aussi. Mais il y a des gens qui croient en Dieu et qui ne se comportent pas comme ça. J'étais ravie de pouvoir incarner un personnage proche des gens avec qui j'ai grandi. Mon expérience en tant que croyante n'a rien à voir avec l'idée de forcer les gens à croire ou d'en parler sans cesse. J'essaie juste d'aimer mon prochain et d'être la meilleure version de moi-même. C'est un vrai cadeau de pouvoir donner une voix à une communauté qu'on n'entend pas. Et elle n'est pas manichéenne, c'est très important.
Vous avez joué dans deux épisodes de "Private Practice", le spin-off de "Grey's Anatomy", avant d'intégrer la série. C'est ce qui vous a permis d'entrer dans l'univers de Shonda Rhimes ?
"Private Practice" était ma première expérience avec Shonda, oui. Puis j'ai tourné un pilote avec elle mais ça n'a rien donné. Quelques mois plus tard, elle m'a proposé de faire deux épisodes dans "Grey's Anatomy". Mon personnage a été viré, et quand l'épisode a été diffusé, mon agent m'a appelée le lendemain et m'a dit qu'ils voulaient que je revienne et qu'il était question que j'intègre le cast de manière permanente ! J'ai hurlé de joie, évidemment. Shonda m'a tant donné, et elle est très fidèle et très loyale. J'ai énormément de chance de faire partie de cette famille !
On peut faire partie de sa famille et disparaître d'une série du jour au lendemain. Vous avez peur que votre personnage meure à chaque fois que vous recevez le script d'un épisode ?
On nous prévient un peu en avance ! Mais évidemment... La série continuera, quoi qu'il arrive. Donc j'essaie de me concentrer sur le présent. Et ce présent, c'est le meilleur job du monde, des collègues que j'adore, une famille formidable. Et si ça s'arrête demain, je tournerai la page, je chercherai un nouveau rôle ! Je ne peux simplement pas vivre dans la crainte. Le fait que la série existe depuis onze ans, déjà, c'est anormal. Ca n'existe plus ! Personne n'a un boulot pendant aussi longtemps. Et moi, j'ai déjà passé six ans dans la série, ce qui est déjà incroyable. Tout ce qui se passe désormais, c'est la cerise sur le gateau.
La saison 10 a été marquée par le départ de Sandra Oh. La onzième par celui de Patrick Dempsey. Vous n'avez jamais eu peur, vous ou d'autres acteurs de la série, que ces gros départs fassent de l'ombre aux autres personnages ?
Non, parce que je pense que les scénaristes sont très bons. Et puis, je crois qu'il y a des personnages qui partent chaque saison !
Oui, mais ces deux-là étaient particulièrement importants, et ils étaient là depuis le tout début !
C'est vrai. Mais les scénaristes s'occupent bien de nous tous. La nature de la série, le fait qu'on soit si nombreux, fait qu'on passe quelques épisodes dans la chorale, puis on avance sur le devant de la scène pour un solo ou deux, puis on retourne dans la chorale... Et ça a toujours été comme ça depuis le début. Donc il est logique que ces personnages-là soient mis en avant quand ils s'en vont.
Comment avez-vous vécu le départ de Patrick Dempsey ?
C'était un épisode tellement émouvant ! Quand j'ai lu le script, j'ai été vraiment bouleversée ! On avait l'impression que c'était un film d'action, que c'était aussi un épisode de "Grey's" sans en être un. Il y avait quelque chose de très différent. Et puis c'était tellement émouvant. J'ai fondu en larmes ! Quand je l'ai vu à l'écran, je me suis imaginée à sa place... On a reçu des tweets de gens qui se prenaient en photo en train de pleurer ! (Rires) Ils disaient "Mais pourquoi vous nous faites ça ?"
Il y avait des gens en colère d'ailleurs !
Oh oui, il y en avait beaucoup ! Je les comprends... Mais ce que j'en retire, c'est que les gens sont attachés à ces personnages. Le fait que les gens soient en deuil et passent par toutes les étapes du deuil face à des personnages fictifs, c'est une preuve indéniable du travail des scénaristes, de Patrick Dempsey, de ce qu'il a amené à ce personnage. Les gens ne seraient pas en colère s'ils n'étaient pas investis.
Vous avez commencé avec Chris Pratt dans "Everwood" et ce week-end, il a signé le meilleur démarrage de l'histoire du cinéma avec "Jurassic World"... !
Oui j'ai vu ! C'est dingue, non ? On s'est tellement amusé sur le tournage d'"Everwood". On tournait dans l'Utah, pas à Los Angeles, et quand on tourne comme ça, on passe beaucoup de temps les uns avec les autres, on se rapproche beaucoup. Emily VanCamp, Gregory Smith, Chris Pratt et moi, on se voyait beaucoup pendant mes deux années dans la série. Je suis tellement heureuse pour lui ! Si quelqu'un le mérite, c'est lui ! Il n'a jamais changé ! Il est toujours le même, la gloire et la fortune ne lui a rien fait - à part peut-être le rendre plus drôle ! C'est quelqu'un d'adorable et je suis ravie pour lui !