"France Inter, radio libre". La Une du dernier Télérama a de la gueule. Surtout pour Philippe Val, en couv, le regard pincé de fierté. En pages intérieures, on trouve une longue interview du patron de la radio publique assortie d'une enquête. Le chapeau: "2009, Philippe Val est nommé à la tête de la station. Un séisme... Deux ans plus tard, les passions se sont apaisées et l'audience grimpe". Une forme de réhabilitation, personnelle et... médiatique.
Car il n'y a pas si longtemps que cela, en septembre 2010, Télérama n'aimait pas vraiment le bonhomme. On pouvait lire, toujours en Une, "France Inter fragile", le logo de la station disloqué. En mai 2009, dans un portrait au vitriol, l'hebdo bobo décrivait Val comme "un humoriste devenu moraliste". Ce qui avait valu au journal quelques critiques acerbes de l'ex-patron de Charlie Hebdo. Télérama a donc changé d'avis sur Philippe Val. Ou plutôt a voulu savoir, près de trois ans après sa nomination, ce qu'était devenue cette radio publique, dont les relations supposées avec le pouvoir politique alimentent bon nombre de fantasmes. Sur le seul critère de l'audience, France Inter se porte merveilleusement bien, sa matinale est la plus écoutée de France. Philippe Val, très contesté en interne, en est-il le seul artisan ? Est-il celui qui l'a rendue "libre", comme l'affirme Télérama aujourd'hui ? Ce dossier à la Une de l'hebdo, réalisé par le service radio du journal, n'a pas vraiment fait l'unanimité en interne, de vifs échanges ont eu lieu entre une partie de la rédaction et la direction.
La liberté retrouvée de France Inter, c'est celle décrite par Philippe Val himself dans les colonnes du journal. "Cette maison n'a jamais été aussi libre, explique-t-il. Bien malin celui qui connaît les opinions politiques de Jean-Luc Hees (patron de Radio France, ndlr), ou de moi-même". Car depuis la nomination par le président de la République des responsables de l'audiovisuel public, le soupçon de mise au pas ne s'est jamais estompé. Plus que jamais à France Inter où les limogeages de Porte et Guillon, à la demande du pouvoir disent certains, n'ont pas aidé. "C'est du délire, jamais ! Au contraire, beaucoup m'ont conseillé de ne pas y toucher, ça allait foutre la merde" assure Val.
"Le président de Radio France vient d'être nommé par le Chef d'Etat et moi j'irais dire à des syndicalistes 'vous n'êtes pas gentil avec Sarkozy' ? Si certains l'ont cru, c'est qu'ils avaient envie de le croire !" assène Val. A propos de la récente affaire Morano/Aram, Val nie toujours avoir présenté des excuses à la ministre et assure qu'il aurait agi de la même façon si le président s'appelait Olivier Besancenot.
Une nouvelle fois, Philippe Val s'attache à démentir tous les soupçons pesant sur sa fonction et ses actions, avec les mêmes arguments qu'il y a deux, trois, six mois. Sa version des faits ne varie pas. Pour quelles raisons suscite-t-il alors autant d'animosité en interne ? Val, on l'aime ou on le déteste, Inter est une radio complexe, s'attache à démontrer la journaliste Valérie Lehoux dans son enquête.
La liberté d'Inter, ses auditeurs toujours plus nombreux semblent la lui reconnaître. Ces bons chiffres ont sauvé la tête de Val. Combien de temps serait-il resté en poste sans ça ? L'éditorialiste Thomas Legrand résume bien la situation dans Télérama : "Nous disposons d'une liberté totale. Seuls ceux qui ont décidé de détester Val ne l'admettent pas". "Inter, radio sarkozyste ? Vous plaisantez, c'est un fantasme" renchérit Pascale Clark. Quand on connaît l'exigence de ses auditeurs, l'audience d'Inter ne serait-elle pas le meilleur thermomètre à sa liberté et son indépendance ?