Les chaînes privées persistent et signent. Dans un courrier adressé la semaine dernière à la Première ministre Élisabeth Borne, l'Association des chaînes privées (ACP) a dénoncé ce qu'ils estiment être une forme de concurrence déloyale venant de France Télévisions. Ce groupe, dont Rodolphe Belmer a récemment pris la direction, rassemble les intérêts de TF1, M6, Canal+ et Altice. Des intérêts qu'ils estiment mis à mal par la puissance actuelle de France Télévisions, qui profiterait d'avantages trop importants, notamment dans l'établissement de son cahier des charges avec l'Arcom.
Cette attaque directe n'a absolument pas plu à Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions. En externe, elle a livré une interview au "Figaro" pour dénoncer la manoeuvre. En interne, elle a adressé un email aux salariés, atomisant au passage TF1, comme l'a révélé puremedias.com. Pourtant ce vendredi 19 mai, l'ACP a adressé un nouveau communiqué pour mettre les choses au clair. Là où Delphine Ernotte regrettait une "agression caractérisée contre le service public", les chaînes rétorquent qu'elles soutiennent "sans ambiguïté le rôle du service public (...) ainsi que son niveau de financement actuel".
Les antennes de France Télévisions sont-elles oui ou non dans les clous ? C'est la bataille des chiffres. Des deux côtés, les chaînes brandissent des notes pour montrer ce qui les arrangent. Mais c'est bien l'Arcom qu'il faut suivre. Dans son dernier bilan sur l'exécution du cahier des charges du groupe, le régulateur de l'audiovisuel a pointé des écueils, "une quasi-disparition des cases de spectacle vivant sur France 2 et France 3, l'absence de diversité en matière de fiction française, avec une programmation principalement policière".
Résultat, France 2 bénéficierait d'une programmation "étonnamment commerciale" aux yeux de l'ACP. Sauf que, France Télévisions bénéficie d'obligations de diffusion alignées au niveau du groupe, et pas des chaînes, donc ils sont techniquement dans les clous. C'est justement cet avantage que l'ACP voudrait voir disparaître. Sur la question de la publicité, les chaînes privées aimeraient également que les règles "ne puissent être contournées". Elles reprochent à nouveau à France Télévisions d'avoir joué sur les mots et avoir profité du système de parrainage pour booster ses recettes publicitaires.
Il faut tout de même noter une certaine ambivalence des chaînes commerciales. D'un côté, elles assurent ne pas vouloir la peau de France 2 et France 3, mais simplement vouloir rééquilibrer les forces. De l'autre, elles visent les caisses et toquent à la porte de l'actionnaire, l'État. La question du calendrier n'est pas non plus à éluder, France Télévisions négocie en ce moment même son nouveau contrat d'objectif et de moyens avec l'État, qui est visé par une mission d'information de la chambre basse et intéresse le Sénat.
De mauvaises intentions ? Non. "Cette démarche contribue légitimement à nourrir le débat public actuel autour du rôle et des missions du service public de la télévision", assure l'association. "Nous prenons acte de leur souhait d'avoir un service public fort et bien financé", leur répond - avec un certain humour - le groupe auprès de puremedias.com. La seule chose que montrent ces nombreuses communications successives, c'est qu'une bataille est bel et bien lancée.