L'arrivée d'Audrey Pulvar à la tête de la rédaction des "Inrocks" n'en finit pas de susciter la polémique. Alors que certains reprochent au magazine de sacrifier son indépendance au profit d'une tête de gondole médiatique, Thomas Legrand, éditorialiste pour le magazine, annonce qu'il le quitte en raison de l'arrivée de la compagne d'Arnaud Montebourg. "Je n'ai rien contre elle. Je ne crains pas la censure, ni ses relectures orientées. Je sais qu'elle me laisserait libre. Je ne mets pas en cause sa capacité de schizophrénie... Forcément, elle aura des infos : si elle les dit, elle trahit son compagnon. Si elle ne les dit pas, elle trahit son journal et sa condition de journaliste. Pour moi, c'était impossible de rester" explique-t-il dans une interview à Télérama.fr.
Thomas Legrand, par ailleurs éditorialiste sur France Inter, estime que le journalisme politique, "c'est avant tout une lutte contre la communication politique, un contre-pouvoir institutionnel." Et un hebdo qui a récemment réorienté sa ligne éditoriale vers l'actualité politique "ne peut pas être dirigé par quelqu'un d'aussi impliqué personnellement dans la vie politique du pays." L'éditorialiste, qui assure avoir eu une discussion avec Audrey Pulvar sur ce sujet, craint que "tout soit interprété" par les lecteurs. Il signe justement cette semaine une chronique acide sur le compagnon de sa nouvelle patronne, "la gauche centripète".
Legrand craint que cette nouvelle situation crée un embarras à la rédaction, notamment lors des conférences pour définir les sujets. "On a fait une enquête récemment sur le PS dans le Nord-Pas de Calais. Arnaud Montebourg s'est beaucoup impliqué dans cette histoire. On ne pourrait plus écrire cette enquête de la même façon : si on la maintenait, on nous reprocherait de faire sa pub, si on ne la maintenait pas, on se censurerait ! Et les exemples de ce type vont se multiplier" explique-t-il.
Selon lui, la nomination d'Audrey Pulvar a créé "un gros malaise" à la rédaction. Mardi, dans une interview vidéo accordée à l'AFP, Audrey Pulvar tentait de rassurer ses troupes. "J'ai dit aux journalistes et à l'ensemble du personnel présent qu'il était hors de question que les Inrockuptibles deviennent ni une annexe ni une chambre d'écho ni un organe du Parti socialiste, du gouvernement ou du chef de l'Etat (...) Je ne crois pas que l'on puisse me reprocher dans ma carrière d'avoir été la voix de son maître, entre guillemets. Si jamais je faisais de ce journal un organe de propagande, la conséquence serait à mon avis directe sur les ventes, et la conséquence sur ma place à la tête de ce journal serait encore plus rapide", expliquait-elle. Visiblement, Audrey Pulvar n'a pas convaincu grand monde.