Thomas Sotto : "Penser qu'on est irremplaçable est l'avant-dernière étape avant le pôle emploi !"
Publié le 9 octobre 2011 à 11:18
Par Julien Mielcarek
Aux commandes de "Capital" depuis deux mois sur M6, le journaliste dresse un premier bilan et évoque les nouveautés du magazine mais aussi son départ de BFM TV.
Thomas Sotto Thomas Sotto© M6 - Ruet
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Figure emblématique de BFM TV, Thomas Sotto a rejoint M6 cet été pour prendre la succession de Guy Lagache à la tête de "Capital". L'occasion pour le journaliste de dresser un premier bilan, d'évoquer les nouveautés mises en place dans le magazine, et plus généralement sa carrière. Alors que, ce soir sur M6, Thomas Sotto proposera un débat sur son plateau su sujet des jeunes et de l'emploi, entretien avec un présentateur qui a le vent en poupe.

puremedias.com : Cela fait maintenant deux mois que vous êtes aux commandes de "Capital", quel premier bilan en tirez-vous ?

Thomas Sotto : Très positif et aussi enthousiasmant que j'avais pu l'imaginer et, aussi, ça fait moins peur que ce que je croyais ! Je n'ai pas fait de magazine donc je débarquais sur un format que je maîtrise moins bien que le "news" mais la fonctionnement intellectuel n'est pas si différent, c'est un endroit de réflexion permanente. Mais on a plus le temps de réfléchir que sur du news en ayant le temps de se dire "Au fait, notre idée d'hier n'était pas bonne". L'idée est de réussir à fabriquer une émission accessible, ambitieuse et après, évidemment, il faut que ça marche.

On ne s'attendait pas à ce que vous quittiez BFM TV et on a le sentiment que ça s'est fait vite. Concrètement, comment ça s'est passé ?

Ca s'est fait entre un coup de fil de Thomas Valentin un mardi matin au réveil. Il ne me dit pas exactement de quoi il s'agit et il me rappelle un petit peu plus tard en me demandant si "Capital" pourrait m'intéresser. A partir de là, on discute, je rencontre les différents interlocuteurs. C'est un petit peu "Papa Noël qui passe au mois de juin" ! J'étais très bien à BFM TV et là je me dis que c'est un sacré challenge. J'oublie alors mon affectif et tout ce que j'ai construit avec les gens à BFM et je me dis qu'il faut y aller.

Il y a eu une "passation de pouvoir" avec Guy Lagache ?

Il n'y a rien eu de particulier. On s'est croisés et échangés quelques textos très chaleureux et amicaux, et c'est tout.

"Je n'ai aucun problème à me dire que je suis au service des enquêtes"

M6 aime à répéter que la force de ses programmes repose souvent dans ses formats. Dans une émission comme "Capital", peut-on résumer cela en disant qu'on peut changer de présentateur, l'émission restera au final la même ?

S'il change dans deux mois, je vous dirais oui ! (rires) De la même façon que la force d'une chaîne info, c'est l'info, la force...

Vraiment ? Le présentateur ne joue qu'à la marge ?

Ca ne joue pas qu'à la marge parce que le présentateur est aussi rédacteur en chef donc on est dans la fabrication. Mais la force de "Capital", ce sont ses enquêtes. Après, il y a la façon d'enrober tout ça, de donner des précisions en plateau et de rythmer l'émission. Mais je n'ai aucun problème à me dire que je suis au service des enquêtes de "Capital", de même que j'étais au service de l'info à BFM TV. J'ai toujours dit qu'entre une image forte et ma tête, je préfère qu'on voit l'image forte. Après, commencer à penser qu'un présentateur est irremplaçable sur une émission de télévision, c'est l'avant-dernière étape avant le pôle emploi (rires).

Justement, comment apportez votre patte à l'émission ?

J'ai envie de beaucoup jouer sur les rythmes d'interviews mais aussi leurs styles : il y a des interviews longues un peu plus fouillées et pointilleuses comme avec Jean-Luc Mélenchon ou Frédéric Oudéa. Et des interviews plus courtes de trois questions pour donner des clés où on est debout. Il faut aussi que, visuellement, le téléspectateur garde l'impression qu'il se passe toujours quelque chose. Et j'ai choisi aussi de faire les interviews dans les conditions du direct car ça créé une tension particulière y compris avec les invités. Concernant les sujets, il y a un petit nettoyage de style mais il ne faut pas toucher à ce qui fait "Capital" avec la rigueur et la démonstration de ses enquêtes.

"On n'est pas là non plus pour créer une génération de dépressifs"

Vu le contexte ambiant et la forte actualité autour de l'économie et de la crise, y-a-t-il une volonté de ne pas être trop anxiogène ?

Quand on traite un sujet, c'est les faits, les faits, les faits. Après, on n'est pas là non plus pour créer une génération de dépressifs. Si le dimanche soir, on se couche en se sentant mal, ce n'est pas possible. Après, ça ne veut pas dire qu'il faut alléger nos enquêtes mais il faut varier les menus entre les sujets plus durs et ceux plus "light".

Même si l'émission se retrouve au coeur de l'actualité, beaucoup se sont demandés pourquoi on quittait une chaîne info en pleine année présidentielle ?

Ce n'est pas ça qui est déterminant sinon on ne la quitte jamais. J'ai fait six ans de news et l'actualité a été phénomènale la saison dernière. Evidemment que je me suis posé la question mais j'ai déjà fait une campagne électorale pour BFM TV, en 2007. Je n'ai jamais travaillé sur une émission économique dans un format long que je ne maîtrise pas, j'ai tendance à une curiosité et une imprudence naturelles qui m'incitent à ne pas trop rester dans mon fauteuil. La mise en danger et l'excitation était plus là que sur BFM TV.

Y-a-t-il eu un syndrôme "trop plein d'infos" à faire du hard news tout le temps ?

Je crois que l'écueil des chaînes infos dans les mois ou les années à venir, c'est le risque d'en faire trop. On a vu le besoin des ces chaînes se créer en France. Aprè, tout ne peut pas être un événement et tout ne mérite pas une édition spéciale. On sait aussi qu'on vient chercher la caméra ouverte en direct partout mais je pense qu'il faut garder à l'esprit qu'on est aussi là pour aider à hiérarchiser l'information. J'avoue que, pour moi, il y a une spéciale que je n'aurais pas aimé faire, c'est le retour de Dominique Strauss-Kahn à Paris. C'est le moment où je n'ai pas regretté de ne plus y être.

C'était vraiment trop ?

Ca me paraissait disproportionné. Je ne crache pas dans la soupe car DSK était un sujet majeur parce que c'était un sujet politique, un fait divers incroyable et un fait de justice. Maintenant, il est hors jeu. Je ne dis pas qu'il ne faut plus rien en faire mais son retour à Paris avec les motos, en tant que téléspectateur, je me suis dit que c'était trop. Et il y aussi un truc très simple : on n'est pas obligés de regarder tout le temps ces chaînes qui font bien leur boulot !

Du temps de BFM TV, il y a des spéciales où, après-coup, vous vous êtes dit que vous en aviez peut-être un trop fait ?

Oui, ça a dû m'arriver. Je n'ai pas d'exemple précis... Peut-être déjà sur DSK où, pour certaines audiences au tribunal, on savait qu'il ne se passerait pas grand chose mais on parlait quand même pendant six heures. Mais, après, c'est aussi ce qu'on attend d'une chaîne info car au moment où ça se passe, c'est important d'y être.

Y-a-t-il eu clairement une mésentente avec la nouvelle direction de la rédaction de BFM TV ?

Aucunement, absolument pas. C'est totalement bidon et je déjeûne avec Hervé Béroud (directeur de la rédaction, NDLR) dans quelques jours !

"Pour l'instant, il n'est pas question d'autre chose"

Outre "Capital" mais aussi "Capital Terre", vous avez d'autres projets avec le groupe M6 ?

J'ai beaucoup de travail sur "Capital" et "Capital Terre" qui est une émission très chronophage. Pour l'instant, il n'est pas question d'autre chose. Et on vient quand même de me mettre entre les mains le magazine d'information le plus regardé en prime time !

Avant M6, on est venu vous proposer quoi ces dernières années ?

Il y a eu des propositions d'autres chaînes info mais venaient-ils me débaucher ou vouloir avant tout embêter BFM TV ? Sinon, que des projets qui ne me branchaient pas beaucoup. On m'avait approché pour l'émission "Hello, Goodbye" qui se déroule dans un aéroport sur France 2. On m'a aussi déjà proposé un jeu !

On ne vous a pas approchés pour de gros JT comme France 2 qui a recruté Julian Bugier ?

Non, désolé de ne pas pouvoir annoncer que j'ai été approché pour le "20 Heures" de France 2 (rires) ! Sur le JT, il y a quelqu'un de remarquable que je continuais de trouver au-dessus des autres, c'est David Pujadas. Donc je ne vois pas pourquoi j'irai le remplacer, ce qui me priverait de le voir le soir (rires) ! Et dans le news, j'avais une liberté et une souplesse à BFM TV que je n'aurais pas sur une institution comme le "20 Heures".

Pour terminer, "Capital" est une émission qui parle d'argent, de salaires... Est-ce un sujet tabou chez vous ?

Non, ce n'est pas tabou mais, après, quand on présente une émission comme celle-là, on gagne bien sa vie et je trouve qu'il y a une décence à avoir dans un pays où le seuil de pauvreté est à 970 euros et le SMIC à 1.070 euros à ne pas balancer ton salaire à la gueule des gens. A partir de là, la réponse à la question que vous ne m'avez pas encore posée est "non". Je trouve qu'il y a une question de respect par rapport aux gens qui nous regardent. Je n'ai pas de mal à boucler mes fins de mois et je ne vois pas l'intérêt à aller le crier. Je n'aime pas l'étalage, je trouve que ça sert à rien.

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