Ce soir, TF1 lance la douzième saison de la série numéro un dans le monde, "Les Experts". Une saison qui sera marquée une nouvelle fois par le changement, avec l'arrivée de Ted Danson dans le rôle du nouveau chef de la police scientifique de Las Vegas, avant le départ en milieu de saison de Marg Helgenberger, qui campait Catherine Willows depuis le tout premier épisode de la série, en 2000. L'occasion pour puremedias.com de s'entretenir avec Wallace Langham, qui incarne depuis dix ans David Hodges, sans doute le scientifique le plus attachant du labo. Des évolutions de la série depuis ses débuts au côté "sexy" de la science, en passant par sa relation avec Wendy et l'annulation des "Experts : Miami", Wallace Langham évoque tous les sujets.
Propos recueillis par Charles Decant.
Ca fait 10 ans que vous jouez dans "Les Experts". Comment ça se passe depuis tout ce temps ?
C'est Noël tous les jours ! C'est incroyable ! Vraiment, c'est un cadeau au quotidien. Je sais que ça sonne un peu kitsch... Mais c'est la vérité. C'est une expérience incroyable. Un boulot génial, des gens formidables... Un groupe qui veut améliorer la série d'année en année, et ça, c'est plutôt positif.
Votre personnage est devenu de plus en plus important au fil des épisodes et des saisons. Comment l'avez-vous vécu de votre côté ? Le fait de voir que vous étiez de plus en plus présent dans les scripts que vous receviez ?
Ca a été fantastique ! Je pense que ce qui a été le plus intéressant pour moi, c'est de voir Hodges grandir et évoluer. A chaque fois que je reçois un script et que je vois son nom dedans, je suis assez rassuré, avant tout ! (Rires)
Comment se passe le tournage pour vous ? Vous êtes plus présent, combien de jours tournez-vous par semaine, par exemple ?
Ca dépend en fait, ça dépend des épisodes. Chaque saison, il y a un épisode où je suis très présent. A une époque, on avait à chaque saison un épisode centré sur les "rats du labo", du coup on travaillait tous les jours. Mais sinon, je travaille un ou deux jours pour chaque épisode. Et j'ai parlé aux producteurs, je leur ai demandé si je pouvais en faire plus parce que j'adore ça, j'adore travailler. Et ils ont dit qu'ils étaient partants.
On voit certains acteurs se plaindre parfois des journées de travail très, très longues...
Oh oui, c'est un travail très exigeant. Et pour beaucoup d'acteurs, comme William Petersen, ça demande un investissement énorme, parce que c'est Grissom et qu'il doit être là tous les jours. Hodges, lui, n'est pas dans toutes les scènes, donc c'est plus simple. Ce que j'aime, et je pense que beaucoup d'acteurs de la série diraient la même chose, c'est qu'on a tous notre moment. Ce n'est pas toujours une seule personne qui est au centre.
Quand Laurence Fishburne est arrivé pour remplacer William Petersen, certains se sont plaints justement que son personnage soit trop mis en avant, parce qu'il était nouveau et qu'il fallait le présenter au public...
J'étais très content qu'il intègre l'équipe, j'adore son travail. C'est un acteur exceptionnel mais aussi un homme très chaleureux et à l'écoute. Ce sont des qualités qu'on ne décèle pas forcément si on ne lui parle pas, parce qu'il est assez imposant et paraît très sérieux. Mais en réalité, il adore blaguer et a beaucoup d'humour. Donc sur un plan personnel, j'ai pu apprendre à le connaître. D'un point de vue professionnel, je trouvais que c'était une bonne chose que des gens partent et d'autres arrivent. Au fil des saisons, on a pu travailler avec Liev Schreiber, Quentin Tarantino, Faye Dunaway... J'aurais aimé que Laurence reste plus longtemps, mais c'est comme ça !
Pour en revenir à Hodges, à l'origine, ce n'était pas un personnage qui était très facile à apprécier...
Je suis d'accord ! (Rires)
Est-ce que c'était plus compliqué pour vous de le jouer ? Ou plus amusant ?
Le côte un peu agressif de Hodges m'a plu. J'ai aimé jouer ce côté du personnage. Quand j'ai commencé dans "Les Experts", tout le monde était très sympathique avec tout le monde. Quelqu'un venait chercher les résultats, on lui répondait "Tiens, voilà les preuves", puis "Merci beaucoup !". Je trouvais ça un peu ennuyeux, à vrai dire. Et Hodges a un côté plus piquant, je trouve que c'était une bonne chose d'ajouter ce genre de personnage à la série. Mais ils ont aussi réalisé qu'on ne pouvait pas avoir un personnage vraiment détestable ! (Rires) Donc ils ont réussi à trouver un équilibre. Et sa relation avec Wendy l'a rendu un peu plus sympathique, un peu plus humain... L'échec en amour, tout ça... C'est un scientifique avant tout, et il a un vrai problème de rapports humains, c'est tout.
Puisqu'on parle de Wendy, qu'avez-vous pensé du départ de Liz Vassey, qui campait ce personnage ? Les fans n'étaient pas contents du tout qu'elle quitte la série...
J'étais déçu qu'elle parte, c'est vrai. Liz me manque, même sur un plan personnel, peut-être un peu plus encore qu'aux autres membres de l'équipe. Elle était importante pour la série, et l'histoire entre Hodges et Wendy était toujours drôle, et proposait une bonne alternative aux sujets parfois très lourds qu'on traite dans la série, tous ces thèmes shakespeariens que sont le meurtre, la mort, la trahison... Et Liz est une amie, une femme adorable. C'est vrai que j'ai été assez choqué que la chaîne ne la garde pas pour la suite...
Oui, parfois, le public n'accroche pas avec certains personnages mais dans ce cas, c'était tout le contraire...
Je trouvais qu'on s'en sortait plutôt bien ! Envoyez des lettres !
La série est à l'antenne depuis 13 ans aux Etats-Unis et les trois dernières années ont été plus compliquées avec le départ de William Petersen, puis celui de Laurence Fishburne et de Marg Helgenberger... Et puis, les audiences ont chuté... Est-ce que ces difficultés ont eu un impact sur l'ambiance de tournage ?
Si ça a eu un impact, en tout cas, moi je ne l'ai pas ressenti. Donc je pense que non. Je crois que toute vie évolue, et surtout celle d'une série. Je pense que c'est une bonne chose d'intégrer de nouvelles influences, de continuer à grandir et à changer. Malheureusement, ça nous fait un peu mal au coeur quand quelqu'un quitte le navire. Le départ de Marg, cette année, est très triste. Ils lui ont préparé un très beau départ, en tout cas, mais je ne vous en dirai pas plus parce que vous n'avez pas encore vu ces épisodes. Je ne pense pas que ça ait affecté notre façon de travailler. Il y a toujours une vraie solidarité, un esprit d'équipe, et il n'y a pas que les acteurs, il y a aussi les techniciens, qui pour certains sont là depuis le début. En tant qu'acteur dans la série, j'ai ressenti l'absence de ces personnages après leur départ, mais au bout d'un moment, il faut continuer à avancer. Et je crois que c'est aussi comme ça que les scénaristes écrivent les épisodes.
Malgré l'incroyable succès de la série, "Les Experts" n'a jamais vraiment été reconnue par les critiques et les cérémonies de récompense aux Etats-Unis. Aujourd'hui que les audiences ont baissé, c'est plus énervant ?
L'an dernier, on était toujours la série la plus regardée dans le monde, donc il y a encore des gens qui ont envie de nous suivre ! Mais c'est marrant, j'en parlais avec David Berman, qui joue le docteur David Phillips dans la série, et on évoquait la différence entre une série populaire et une série encensée par la critique. J'ai fait les deux, puisque avant "Les Experts", je jouais dans "The Larry Sanders Show" qui a eu un succès critique impressionnant dans les années 90, mais qui n'a pas connu le dixième du succès des "Experts". C'est assez intéressant, cette dichotomie. C'est important qu'un large public puisse aussi avoir ce qu'il aime, et ils aiment le divertissement qu'on leur fournit, l'aspect scientifique... Il n'y a rien dans la série qui soit condescendant, on n'essaie pas de diminuer le téléspectateur. On fait les choses bien. Et puis au début... Je pense que William Petersen a un Emmy, Marg a un Emmy... La série a eu la reconnaissance critique dont elle avait besoin, mais la popularité de la série est vraiment le plus important, et le plus incroyable. Les gens nous aiment toujours, ils aiment toujours la série. J'en suis très heureux ! Et j'espère que ça continuera avec Ted Danson, qui arrive et qui est fantastique.
Justement, est-ce que son arrivée a insufflé une nouvelle dynamique à la série ?
Oui, tout à fait ! Il apporte avec lui un homme très étrange, qui vient de Seattle et qui débarque à Las Vegas. Il est étrange, drôle et décalé, ce qui est plutôt bon pour moi parce que je pense que Hodges était le seul vraiment bizarre dans l'équipe, et maintenant il y a quelqu'un qui est en charge du labo et qui est bizarre lui aussi. Je pense, en tout cas j'espère, que les gens l'aimeront. Et après le départ de Marg, Elisabeth Shue arrive et elle fait un travail formidable. Et c'est un travail très intéressant pour un acteur, en fait.
Dans quel sens ?
En tant qu'acteurs, on nous apprend à gérer nos émotions, avec les gens. Ici, on parle de science. Il faut rendre la science intéressante, le processus est assez neutre, pas très intéressant. Enfin, si, bien sûr, d'un point de vue scientifique. Mais c'est difficile à rendre sexy ! Et c'est notre boulot ! Toute l'équipe, et donc forcément tous les nouveaux, sont confrontés à ce défi. Ils doivent trouver cette connexion, arriver à rendre tout ça intéressant et crédible.
On a déjà un peu parlé des audiences, et il y a un phénomène qui semble de plus en plus s'accentuer du côté des chaînes américaines, c'est l'obsession de plaire à un public plus jeune, celui des 18-49 ans. L'an dernier, "Harry's Law" avec Kathy Bates était la série numéro un de NBC sur l'ensemble du public, mais elle a été annulée pour ses mauvais scores sur la cible. Quel regard portez-vous sur cette obsession d'atteindre un public jeune ?
Selon moi, c'est le problème des chaînes et des patrons de ces chaînes. Pour ma part, je continue à découvrir des choses à ce sujet... Parfois, ça coûte moins cher d'annuler une série dans laquelle la chaîne a déjà investi énormément d'argent et d'en lancer une nouvelle, parce qu'ils peuvent commencer de zéro : ils dépensent peu, paient peu les gens, ils sont propriétaires de tout... Et puis, si ça marche, alors ils ont un nouveau succès. Comme "Les Experts" au début ! ABC n'en a même pas voulu à l'époque. Ce n'est qu'à la fin de la première saison que tout a décollé, alors qu'on passait le vendredi soir pourtant. De mon côté, je ne m'en soucie pas trop, parce que ce n'est pas mon travail de m'inquiéter là-dessus ! (Rires) Mon travail, c'est de faire de mon mieux, de participer avec toute l'équipe à l'effort de produire la meilleure série possible. Ce que je trouve incroyable, en revanche, c'est qu'on en est à 13 saisons, qu'il y en aura une 14ème et qu'on ne fait pas que survivre : on s'en sort plutôt bien !
L'année 2012 a été marquée par la disparition de votre petite soeur, "Les Experts : Miami"...
Oui, ça nous a surpris !
Ah bon ?
Oui, absolument ! On sait tous qu'il y a une date limite à toutes les séries, mais ça nous a surpris parce qu'il n'y a pas eu de véritable final, pas de vraie conclusion à la série. J'espère que dans notre cas, on aura l'opportunité de proposer une véritable fin. Je pense que ce sera le cas.
Même si elles font partie de la même franchise, les deux séries avaient malgré tout une image très différente... Quand "Les Experts : Miami" a été annulée, il y a même eu des articles sur des sites sérieux qui se félicitaient de sa fin... On ne lira certainement pas ça quand "Les Experts" s'arrêtera... !
(Silence)
Vous regardiez "Les Experts : Miami" ?
J'en ai regardé deux...
La série était pas mal du tout au début !
Oui, c'était bon au début, et très populaire ! Je ne sais pas... Tout ce que je peux vous dire, c'est que chaque série de la franchise est vraiment une série à part. C'est un monde séparé... Je ne peux pas dire si c'est une bonne chose ou non que la série ait été annulée... Mais je trouve ça triste parce que j'ai un travail, j'aime ce travail et j'ai la chance d'en avoir un. Suite à la fin des "Experts : Miami", il y a sans doute 150 personnes qui se retrouvent au chômage et qui cherchent un nouvel emploi, et qu'on n'a pas prévenus. Je suis triste pour eux.
Au fil de l'existence de la série, les attentes des téléspectateurs ont changé. Ce qui était innovant et tendance quand "Les Experts" a débarqué en 2000 ne l'est plus forcément aujourd'hui. La science dans la police, ce n'est plus vraiment nouveau... Selon vous, la série s'est-elle adaptée avec les années ? Elle était très sérieuse au début, elle est un peu plus drôle aujourd'hui...
Absolument, c'est tout à fait ça. Ce que certains oublient parfois, y compris moi, c'est que quand "Les Experts" a commencé, on n'avait jamais vu ça, la science, le côté sexy, la résolution de crime... Ca a donné le ton pour les séries qui ont suivi. Et de là, il y a eu deux autres "Experts", des séries qui ont copié "Les Experts", et il y a aussi eu ce qu'on appelle "l'effet Experts", c'est-à-dire que les jurés sont plus au courant aujourd'hui, et les criminels aussi... Toutes ces nouveautés se sont un peu normalisées, ce qui nous donne aujourd'hui l'occasion de creuser un peu plus dans les personnages. Ted Danson, Elisabeth Shue, Jorja Fox... On voit plus sur leur vie. Dans la saison 12, il y a par exemple un très bel épisode centré sur le docteur Al Robbins, campé par Robert David Hall.
C'est vrai qu'en 12 ans, on n'a pas appris beaucoup de choses sur lui...
Non, c'est vrai ! Le côté très sérieux du début a fait qu'on n'avait pas assez de temps... La star de la série, c'était la science. Je pense que désormais, l'équilibre sera plus respecté, on verra plus les personnages et qui ils sont.
On l'a dit, la série continue à très bien fonctionner. Comment tout cela a-t-il affecté votre vie ? A part le fait que vous avez un super boulot qui paie sans doute très bien !
Oui, tout ça est vrai ! Je ne veux pas avoir l'air arrogant, mais ce succès m'a permis, j'ai l'impression, de devenir un citoyen du monde. Je peux aller partout en dehors de Los Angeles et mon visage est reconnu comme quelqu'un qui arrive à divertir les gens, à les sortir de leurs problèmes pendant une heure chaque semaine, en tant qu'acteur. C'est un vrai cadeau pour moi. Je rencontre énormément de gens que je n'aurais jamais rencontrés si ma tête ne passait pas à la télé chaque semaine ! C'est génial ! Je peux venir en France et rencontrer plein de gens, qui prennent leur courage à deux mains, viennent me dire bonjour, on discute un peu, on prend une photo.
Y a-t-il un côté négatif à cette notoriété ?
A mon niveau de notoriété, non. C'est parfait pour moi ! Les gens sont respectueux, tout le monde est agréable, il n'y a pas de côté intrusif... Je touche du bois ! Je n'ai que des bonnes expériences. Mais je suis sûr que si vous demandez à un acteur qui est beaucoup plus célèbre que moi, il vous dira que c'est difficile. Il y a un phénomène que j'ai remarqué il y a quelques années : les acteurs modifient vos émotions à la télé. Ils vous font rire, ou pleurer, sans demander la permission. Du coup, les gens se sentent proches d'eux, en confiance, ils ont l'impression de comprendre l'acteur et qu'il les comprend. Et quand il n'y a pas d'écran de télé entre les deux, il y a cette fausse intimité. Ils viennent vous voir en disant "Mais je vous connais !". Je crois que Cher disait "Les gens ne veulent pas voir des célébrités, ils veulent être vus par des célébrités". Ils veulent faire partie de ce monde. C'est ce que j'essaie de faire quand je rencontre quelqu'un qui aime la série : je ne suis pas différent des autres, je viens d'une famille modeste et j'ai eu beaucoup de chance. Donc c'est facile de passer 5 minutes à discuter avec un fan de la série !
Est-ce que vous devez parfois leur rappeler que vous êtes l'acteur et pas le personnage ?
Pas tout à fait. En fait, souvent, ils viennent me voir en me disant "Votre visage me dit vraiment quelque chose, d'où se connaît-on ?". Et je leur réponds toujours "Je ne sais pas, réfléchissons-y ensemble !". Et 30 minutes plus tard, ils disent "Mais bien sûr !!".
Vous seriez partant pour un rôle plus important dans une autre série ? Un rôle qui impliquerait une notoriété plus importante, du coup ?
Oui, évidemment. J'adore mon travail. Etre acteur, c'est fantastique. En ce qui concerne la notoriété... Je devrais dans ce cas m'y adapter ! Je n'ai jamais vécu ça, donc si ça se présente, on verra ! Je crois qu'une actrice, peut-être Minnie Driver, avait dit, dans d'autres mots, qu'à Hollywood, on est mâché et mangé par l'industrie, mais qu'on a demandé à faire partie de cette industrie. On ne peut pas avoir l'un sans l'autre !