C'est incontestablement l'une des révélations de la "Star Academy", nouvelle génération de TF1. À 33 ans, Yanis Marshall souffle un vent de fraîcheur dans le chateau de Dammarie-les-Lys. Finaliste de "Britain's Got Talent", l'équivalent britannique de "La France a un incroyable talent" en 2008, Yanis Marshall s'est fait un nom à l'international. Mais pas en France. Tout cela, c'était avant la "Star Academy". Interview d'un professeur exigeant mais touchant.
Propos recueillis par Benjamin Rabier
puremedias.com :Comment résumeriez votre vie depuis quinze jours ?
Yanis Marshall : C'est simple, je n'en ai plus (il éclate de rire). Pour le coup, ma vie depuis quinze jours c'est la Star Ac'.
C'est quoi le quotidien de Yanis Marshall à la "Star Academy" ?
Je vous donne mon planning de mardi par exemple. On vient me chercher à 7h30 chez moi à Paris. J'ai environ 90 minutes de trajet, j'enchaine les évaluations vers 10 heures avec les autres professeurs. Après je donne un cours aux élèves. Je quitte le château à 16 heures. On m'emmène directement au plateau du prime à la Plaine Saint-Denis. Là-bas, je répète avec mes danseurs professionnels les chorégraphies du prime. Je finis vers 23h et je rentre chez moi à minuit. Et on recommence le lendemain matin.
Comment construisez-vous les tableaux des primes ?
Tout part des musiques. Tant que je n'ai pas les titres du prime, il n'y a pas de tableaux. Je ne peux pas imaginer un tableau, un mood, une direction artistique si on ne me donne pas les chansons. C'est l'un de mes plus gros stress à la "Star Academy" puisque la construction du prime dépend du résultat des évaluations, des nommés... Au lieu de préparer le prime en début de semaine, je ne peux pas imaginer les performances avant le mercredi. Tout est extrêmement court. Une fois que j'ai les musiques, je réfléchis avec Marika Prochet et Gaëlle Lalanne qui sont également en charge de la direction artistique de l'émission. On parle d'un mood, d'une histoire. De là, j'imagine mon visuel. A mes côtés, j'ai deux assistants chorégraphiques (Julie Ruzafa et Matt Antonucci) et j'ai un assistant plateau qui est plutôt coordinateur artistique (Arnaud Boursain).
Comment se passe votre collaboration avec les artistes ?
Ce n'est pas mon rôle, c'est la production qui voit avec eux. Moi, on me donne la liste des chansons du prime, je choisis selon mes goûts et mes envies pour imaginer un tableau de danse. Si un titre d'un artiste présent m'inspire, la production va lui demander s'il veut bien jouer le jeu. Pour l'instant, c'est plutôt une belle surprise de faire connaissance avec les artistes invités.
Pour quel artiste rêveriez-vous de préparer un tableau ?
Ohlala, ce n'est pas possible, on sait qu'ils ne viendront plus. Mon rêve, évidemment, c'est Madonna. Mais c'est impossible. Dans les possibles, je harcèle tout le monde pour que Vanessa Paradis vienne à la "Star Academy". C'est ma chanteuse française préférée. Elle n'est jamais venue dans l'émission mais si elle change d'avis je pense que je m'évanouis direct en la voyant.
"Sur le premier prime, je me croyais dans 'The Voice'"
Il y a quinze jours, vous avez découvert la promotion 2022 de la "Star Academy". Qu'avez-vous pensé d'eux ?
J'ai été bluffé. Je me suis vraiment pris une claque. Sur le premier prime, je me croyais dans "The Voice". Après, quand je les ai vus au château et sur les évaluations, même moi qui ne suit pas chanteur, je me suis rendu compte qu'il y avait des problèmes de justesse et de rythme chez beaucoup d'entre eux. Au niveau de la danse, ce n'est pas la même chose, ils ne sont pas danseurs, même si certains comme Carla ou Stanislas ont un niveau avancé donc c'est cool pour moi. Pour des profils comme Léa ou Anisha, il y a plus de taff. Après je savais très bien que je n'allais pas avoir à des danseurs professionnels. Ce n'était pas ça ma mission.
C'est quoi votre mission justement ?
On m'a engagé pour leur enseigner la danse. Je n'en ferai pas des danseurs étoiles mais j'ai envie de leur transmettre l'amour que j'ai pour cet art. Tout simplement. Pour moi, la danse doit rester du plaisir. Lors de mon dernier cours avec eux, j'ai senti que j'avais poussé le curseur trop loin, ce n'était pas le but. Je ne veux pas les dégoûter de la danse.
Depuis quinze jours, on vous a souvent vu en larmes dans l'émission, comment l'expliquez-vous ?
Ah merde alors (il éclate de rire) ! Je vais le dire une fois pour toutes : oui, j'ai pleuré, oui je suis quelqu'un de sensible. J'ai pleuré pour deux raisons. La première c'est parce que j'avais dormi deux heures la nuit d'avant et que j'avais un pick-up à 7h30 le matin des évaluations. Rien que ça, ça m'a fait pleurer (il se marre). Deux, parce que Louis a chanté une chanson qui me parle ("Kid" d'Eddy de Pretto) et a interprété des paroles qui ont raisonné en moi. Quand il s'est mis à chanter cette chanson et à me regarder droit dans les yeux, évidemment j'ai craqué.
Quand Anisha est passée juste après lui, j'étais déjà fragile et elle a fait le choix fantastique de choisir cette chanson de Calogero qui met de si bonne humeur (il sourit). Là encore, c'est très personnel, je n'ai pas de très bonnes relations avec mon père donc ça m'a touché au coeur. Donc voilà. Elle m'a mis un coup final.
Votre sensibilité est même devenu un running gag chez les élèves...
C'est devenu un défi pour eux. C'est Paola qui m'a raconté ça. Ils se sont mis au défi de me faire pleurer. Donc à chaque évaluation ils se disent "On regarde Yanis, on regarde Yanis, on regarde Yanis". Si je pleure, ils se disent qu'ils auront une bonne note.
"Ça a été une vraie interrogation pour moi de savoir pourquoi personne ne m'engageait en France"
Quand Endemol vous a appelé pour vous parler de la "Star Academy", qu'avez-vous pensé ?
J'étais très heureux. La "Star Academy" c'est toute mon enfance. C'était ma génération, je rentrais de l'école, je regardais les quotidiennes, je forçais ma mère à regarder les primes. Il y avait des invités de dingues à l'époque : Madonna, Beyoncé, Britney Spears, Tina Turner... Laissez tomber, c'était un délire la "Star Ac'" avant. Ça l'est toujours, mais c'était une autre époque. Quand Endemol m'a appelé, je ne croyais pas au retour du programme donc j'étais super surpris. Dès que les casting ont commencé, j'ai été en mode, c'est moi et personne.
À ce point ?
J'ai tourné dans le monde entier sauf en France. Je n'ai jamais voulu quitter mon pays mais on ne m'a jamais donné de travail ici. À une époque, cela a été une vraie interrogation pour moi. Je crois que j'étais en avance sur l'époque. Ce que je fais sur la "Star Ac'", danser en talons, ce n'est pas nouveau pour moi, je le fais depuis plus de douze ans. Après quand je vois que "Drag Race" a eu 17 saisons aux Etats-Unis avant d'arriver en France, je me dis que tout prend sens, que la France avance doucement.
"Je ne suis pas du style à remercier qui que ce soit car on a vu trois gays à la télé en 2022"
Vous pensez que la France a du retard sur la représentation des minorités ?
La société française et la télévision française ont du retard par rapport à la modernité, à tout. On attend de voir ce que font les Etats-Unis pour les copier dix ans après. Il y a plein de défauts aux Etats-Unis, mais ils osent plus que nous. En France, on est plus frileux. Quant à la représentation, la télévision française s'ouvre enfin aux minorités. Entre Bilal Hassani dans DALS, "Drag Race France" sur France 2 et moi dans la "Star Academy", c'est notre année. Après je ne suis pas du style à remercier qui que ce soit car on a vu 3 gays à la télé. Ça fait super longtemps qu'on aurait pu être sur le devant de la scène, c'est leur erreur, pas la nôtre. C'est eux qui sont en retard et les gens qui ont un problème avec nous. Mais oui c'est clairement notre année. Enfin.
Ca vous fait quoi d'être prof' à la "Star Academy" alors ?
Il y a une forme de jouissance. Je peux montrer les deux facettes de mon boulot : enseigner la danse à des amateurs et créer des sublimes tableaux avec mes danseurs professionnels. C'est pour ça que j'ai vraiment voulu faire partie de ce programme.
Après la "Star Academy", quels sont vos projets ?
J'aimerais continuer à la télévision mais j'ai plein d'autres projets : j'ai envie d'ouvrir mon école de danse à Paris, et de lancer ma marque de chaussures. Je voudrais aussi ouvrir un cabaret, un Crazy Horse au masculin pour adultes où je n'aurais aucune limite.
Il y a quelques années, vous aviez imaginé une télé-réalité avec Ellen Pompeo ("Grey's Anatomy"). Pouvez-vous nous en dire plus?
C'est elle qui a eu l'idée de créer une télé-réalité autour de moi avec une équipe de danseurs en talons. Malheureusement ça n'a pas abouti. Avant de rencontrer Ellen (Pompeo), je n'avais jamais pensé à faire de la télévision. Elle est la première personne qui m'a donné envie de sauter le pas. Lorsqu'on s'est rencontrés, elle m'a dit "mais Yanis tu as une personnalité de dingue, il faut que tu fasses de la télévision". On est devenus super potes au fil des années. J'ai une relation de confiance avec elle, elle ne m'a jamais impressionné. Je n'ai jamais regardé "Grey's Anatomy" et je lui ai toujours dit. Je suis team "Sex & The City". Elle en a toujours rigolé et ça lui a fait un bien fou de ne pas avoir un fan en face d'elle. Je parle à Ellen ou à Mariah (Carey) comme je vous parle. Malheureusement dans ce milieu, y a très peu de gens qui leur parlent normalement.
Ce projet est mort et enterré alors ?
Elle m'a présenté RuPaul et la production de "Drag Race" (World of Wonder Productions). On a construit tout un show autour de moi. On a essayé de le vendre à toutes les plus grosses chaines américaines (E!, Lifetime, Bravo) malheureusement les retours étaient toujours les mêmes : ça ressemblait trop à "Drag Race" et je n'étais pas assez connu pour avoir ma propre émission. Depuis, on a fait évoluer le concept en documentaire et on va le produire nous mêmes. On va voir ensuite qui voudra le diffuser.