Une référence pour le moins mal choisie. Dans "Le 90 minutes", Aurélie Casse est longuement revenue avec ses invités, ce mardi soir sur BFMTV, sur la troisième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. La journaliste recevait sur son plateau le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, pour évoquer les suites à donner au mouvement social contre le projet de déporter l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Face au syndicaliste, la chaîne info a mobilisé Leonidas Kalogeropoulos, PDG du cabinet Médiations & arguments, ainsi que trois des nombreux éditorialistes du groupe Altice, Laurent Neumann, Bruno Jeudy et Emmanuel Lechypre. Après qu'Aurélie Casse a pointé "le problème démographique" français comme la faille dans le financement du système des retraites, le représentant de BFM Business a provoqué un léger malaise sur le plateau en se référant à la loi du 14 mars 1941.
"De quelle année ?", a tiqué Philippe Martinez. "1941, c'est quand même la loi qui fonde (le système par) répartition", a répété Emmanuel Lechypre. "1941 ?", a interrogé, sceptique, le secrétaire général de la CGT. "Je pense que la France n'était pas dans son meilleur... Mais vous avez le droit de prendre des références de Vichy mais c'est un peu compliqué", a répliqué Philippe Martinez. Gênée, Aurélie Casse a enchaîné : "1941 là, Emmanuel...". "Je vérifierai", a promis Emmanuel Lechypre, avant de reprendre : "(Il y avait déjà cette idée que l'on) pouvait faire tout ce que l'on voulait en matière de cotisations, il y a un moment où l'équilibre serait compliqué", s'est expliqué l'éditorialiste en conclusion. puremedias.com vous propose de visionner la séquence.
Si la référence a interloqué, le texte cité par Emmanuel Lechypre est bel et bien présenté comme celui annonçant les prémisses de la retraite par répartition. "Dans le contexte d'urgence de l'Occupation, le régime de Vichy puise dans les caisses de retraite pour soulager les difficultés sociales des plus âgés, jetant ainsi les bases du système par répartition qui sera institutionnalisé à la Libération", résumait dans un article, en janvier 2020, l'Institut national de l'audiovisuel, avec élément audio à l'appui. "La démarche de Pétain est extrêmement habile", nuançait toutefois l'historien Michel Pigenet, professeur à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste reconnu de l'histoire du travail, cité dans l'article. "Il reprend à son compte une revendication de la gauche".
L'Ina rappelle par ailleurs que cette réforme ne concernera in fine qu'une partie des retraités, "les assurés sociaux obligatoires de l'industrie et du commerce", comme l'indique la loi du 14 mars 1941. Le régime général de retraite "continue de reposer sur la capitalisation et le restera jusqu'en 1945", conclut Michel Pigenet.