Il en rêvait depuis des années. 19 heures, plateau du 20 Heures de France 2 . Demi-fesse posée sur le pupitre, Fabrice Luchini à ses côtés, Laurent Delahousse accueille les premiers téléspectateurs de sa nouvelle tranche d'information. Habillage chic agrémenté d'une typographie rappelant furieusement celle du "Journal du dimanche" , générique énergique des soirées électorales, la forme fait son effet. Reste à voir le fond. Et lors d'un rapide babillage introductif avec Fabrice Luchini, l'ambition est clairement affichée : Celle de faire oublier le blues du dimanche soir.
Face caméra, le journaliste lance sa tranche en proposant la "photo de la semaine". Ce sera Irma, forcément. S'en suit un duplex d'une utilité contestable avec Loïc de La Mornais, depuis les rues inondées et balayées par de violentes bourrasques du centre de Miami. L'occasion en fait de proposer un peu de liant avec le journal de 20 heures, que l'on imagine longuement consacré aux catastrophes naturelles qui frappent actuellement l'Atlantique Nord. Rendez-vous est donc pris à 20 heures pour "Un point sur l'évolution d'Irma".
Après ce détour préliminaire par l'actualité la plus chaude, place à la "Story". Pour cette première, les équipes de "19h le dimanche" se sont intéressées à l'histoire de Joseph Mengele, criminel nazi le plus recherché de l'après-guerre, et se sont rendues sur les traces de la fin de sa vie au Brésil. L'occasion d'un reportage au long cours d'un peu plus d'une dizaine de minutes, agrémenté de témoignages, rappelant volontiers ceux qui sont régulièrement proposés dans "Sept à huit", le magazine de reportages concurrent de la première chaîne.
Après cet intermède plus froid, retour au coeur du réacteur avec une séquence de cinq minutes sur la Corée du Nord. Après un module pédagogique qui rappelle ceux de france info (la chaîne) - mention spéciale pour l'infographie léchée -, Jean-Pierre Raffarin est en plateau sur l'une des tables satellites pour apporter son témoignage "d'éclaireur". L'ex-Premier ministre prend soin de préciser qu'il est là "en tant que spécialiste de la vie publique". Place ensuite à un reportage façon "Quotidien" sur le duel politique entre Jean-Luc Mélenchon et Philippe Martinez.
L'occasion, en retour plateau, d'évoquer la capacité de réforme d'Emmanuel Macron. Après Jean-Pierre Raffarin, c'est au tour d'Edith Cresson d'apporter son éclairage, en s'appuyant excessivement sur sa propre expérience. Après cette courte séquence de deux minutes, c'est enfin l'heure de l'interview. Direction la mezzanine pour une entretien passionné avec Fabrice Luchini, que l'on craignait passablement déprimé en début d'émission.
Face à un Delahousse à la demi-fesse reposant sur la table de la mezzanine, Luchini s'emporte, récite du La Fontaine, évoque pêle-mêle Saint-Barthélémy et Anne Hidalgo avant de faire l'éloge de l'École (avec un grand E, oui). Face à lui, Delahousse a l'oeil pétillant, la mine ronronnante. Le journaliste à la mèche rebelle ne boude pas son plaisir, allant jusqu'à exhorter, chose (trop) rarissime en télévision, Fabrice Luchini de "prendre son temps".
Après une courte pause respiratoire imposée par la diffusion de la mini-fiction politique "Les Verbatims", Laurent Delahousse relance la machine Luchini. Clou du spectacle, le journaliste et le comédien descendant l'escalier bras dessus bras dessous, non sans poliment écarter une caméra sur leur passage, et récitant le philosophe Chamfort. Sur le plateau du 20 Heures, ils retrouvent Jean-Pierre Raffarin et Philippe Manoeuvre. Le trio improbable se laisse à disserter quelques minutes sur l'histoire de Téléphone, groupe de rock pour partie réincarné en "Les Insus", attendu dans la deuxième partie de l'émission.
À 19h58, sans une seconde de retard, assis sur l'une des tables satellites du plateau de la Deux, Delahousse déroule le programme de son 20 Heures. Trente-deux minutes plus tard, le journaliste est rejoint par les membres du groupe Les Insus. Pendant vint-cinq minutes, à la façon d'une interview XXL d'un 20 Heures, le journaliste et les musiciens vont revisiter l'histoire du groupe, avec quelques surprises, parmi lesquelles les témoignages de Gérard Jugnot et Carla Bruni. À 20h54, après une courte pastille humoristique moyennement drôle d'Alex et Hugo, c'est en musique, sur un morceau des Stones que cette première s'achève.
Après cette séance prolongée de deux heures d'information aux côtés de Laurent Delahousse, une question s'impose. Alors, fini le blues du dimanche soir ? Soyons honnête, il en faudra un peu plus pour combattre notre sentiment de spleen hebdomadaire. La traque d'un criminel nazi, la situation en Corée du Nord ou la mobilisation à venir après la réforme du droit du travail, tous évoqués en première partie, ne sont pas franchement de nature à nous mettre du baume au coeur. Quant à l'interview des Insus en deuxième partie, quoique très bien menée, on pourrait au contraire l'accuser d'attiser la nostalgie des fans qui ont vécu les belles années de Téléphone et les regrets de ceux qui n'ont pas eu cette chance.
Plus sérieusement, Laurent Delahousse a prouvé au cours de cette tranche de très bonne facture qu'il était fait pour l'exercice. Alternant avec une agilité déconcertante des exercices éminemment différents, le journaliste prouve avec brio qu'il peut être l'homme de nos dimanches soirs. Côté contenu, les fans d'actualité élégamment traitée ne manqueront pas d'y trouver leur compte. Loin des provocations pseudo-divertissantes de Thierry Ardisson et de sa nouvelle bande sur C8, le journaliste de la Deux amène une proposition d'information sérieuse et parfaitement rythmée sur la table des "spleeners" du dimanche soir.