Ce matin, sur franceinfo:, le journaliste Lorrain Sénéchal énonce déjà les dernières brèves de son journal de 7h. "Est-ce qu'on a prévenu la télé qu'on était un peu en avance ?, s'écrie en régie Philippe Poulenard. J'espère que la télé va être réactive parce que là, on arrive". Le rédacteur en chef des tranches "5h-7h" et "7h-9h30" de la radio publique supervise le décrochage du canal 27 de la TNT vers la radio. "À 15 (7h11 et 15 secondes, ndlr), ils lâchent, on va être pile poil, c'est très bien", le rassure en régie Laurence Jousserandot, directrice de l'antenne. "3, 2, 1, on est chez vous", chuchote la régie à l'heure H à l'oreille de Marc Fauvelle. "Bonjour Marine Le Pen", s'adresse dans la foulée le présentateur de la matinale de franceinfo: en direction de la troisième invitée des "Matins présidentiels". C'est le début de deux heures de direct. puremedias.com était aux premières loges. Très tôt dans la matinée.
Avant l'ébullition naturelle créée par la prise d'antenne au 2e étage de la Maison de la radio à Paris, c'est un calme apparent qui règne deux étages plus haut. Il est 3h35 lorsque Marc Fauvelle, incarnation principale de l'émission, rejoint son poste. "Je suis en retard", s'excuse presque le matinalier, qui débarque habituellement, comprenez hors matinales spéciales, 90 minutes plus tôt avenue du président Kennedy.
À peine le temps d'éplucher la presse que déjà le journaliste anime avec entrain, et non sans laisser échapper quelques fulgurances comiques, la conférence de rédaction de 4h10, celle qui déterminera l'angle et la hiérarchie des sujets d'actualité traités dans les journaux de la station, présentés ce matin par Lorrain Sénéchal (7h) et Lucie Barbarin (8h). "Le #MeToo politique, Fourniret, on est dans le strike là", ironise Marc Fauvelle, alors que les sujets "lourds" s'accumulent.
Le principal questionnement de cette conférence de rédaction très matinale porte sur les modalités de confinement des non-vaccinés en Autriche. "Est-ce que les enfants non-vaccinés vont au collège ou suivent-ils les cours à distance ?" Le sujet enregistré la veille ne répond pas complètement aux attentes de la rédaction en chef.
Le temps file. "On avance", répète à plusieurs reprises l'ancien anchorman du 8h de France inter. D'autant que si Marc Fauvelle conserve un oeil sur le contenu de la tranche de deux heures et demi dans sa globalité, le journaliste s'interroge encore : doit-il ouvrir l'interview de Marine Le Pen avec le confinement des non-vaccinés en Autriche ou la crise migratoire à la frontière qui sépare Pologne et Biélorussie ? "Après trois ou quatre cafés, on y voit un peu plus clair en général", confie-t-il.
Pour le reste, l'ossature de l'émission politique du jour a été dessinée en amont. "Jeudi dernier, on s'est retrouvés avec les experts de la rédaction (qui animent chacun une séquence de l'interview) pour définir les grands thèmes que nous souhaitions aborder avec Marine Le Pen", explique Marc Fauvelle, avant de s'affairer dans la bonne humeur à la rédaction de ses lancements.
Hier encore, le matinalier a longuement échangé avec Salhia Brakhlia et Philippe Poulenard pour réactualiser le contenu des questions posées à Marine Le Pen. Parmi les sujets qui ont fait irruption ce week-end, le changement de la nuance de bleu du drapeau tricolore, décidé par Emmanuel Macron en juillet 2020. Un temps évoquée pour ouvrir l'interview de Marine Le Pen, l'information n'a pas tapé dans l'oeil de Salhia Brakhlia, qui retrouve son tandem un peu avant six heures, une viennoiserie à la main.
"Tu veux ouvrir avec le drapeau ?, s'étonne la journaliste politique auprès de son complice. L'info est sortie dans un bouquin en septembre" ("Élysée confidentiel" écrit par le journaliste de LCI Paul Larrouturou, ndlr). "On partira sur le sanitaire et la décision de l'Autriche et la crise migratoire à la frontière biélorusse", se mettent finalement d'accord les deux journalistes et leur rédacteur en chef.
À l'étage du studio, la pression monte d'un cran avec l'arrivée vers 6h40 de Marine Le Pen et de son staff, critiques envers les nouvelles couleurs du plateau inauguré lundi dernier. "Ils ont tous un avis sur le nouveau plateau", dédramatise Salhia Brakhlia, déjà installée. Puis, quand ils se voient à l'écran, ils disent que ce n'est pas si mal finalement". Comme prévu, l'émission s'ouvre, à 7h11, sur la crise sanitaire en Autriche. "Il faut qu'à 7h25, on ait fait l'Autriche et la Biélorussie".
À 7h22, Clément Viktorovitch entre en régie et s'équipe. Puis fais les 100 pas avant de décrypter à l'antenne les discours de la candidate du Rassemblement national. "Je vais me faire défoncer la gueule", redoute en coulisses, un sourire aux lèvres, l'auteur du "Portrait rhétorique". En plateau, il demande à Marine Le Pen si elle ne joue pas "sur les émotions" et les peurs pour "emporter la conviction". À la sortie du studio, le chroniqueur est catégorique, au moment de débriefer la réplique de Marine Le Pen à sa chronique : "J'aurais moi-même pu écrire sa réponse". "C'est un peu la limite de l'exercice, chacun joue sa partition, poursuit-il auprès de puremedias.com. Mais mon rôle est de révéler la ficelle qu'elle utilise".
Le bal des chroniqueurs se poursuit. "Ça ira mieux après", nous confie, un brin anxieuse, Isabelle Raymond, cheffe du service économie et social, avant d'entrer en studio. Pour les interviews menées par les experts de la rédaction, "nous avons souhaité aller au fond des choses, nous ne sommes pas à la recherche de la petite phrase. On est franceinfo:, notre volonté c'est d'informer", décrypte le directeur de franceinfo: Jean-Philippe Baille, déjà à l'origine des "Petits-déjeuners de la présidentielle", émission similaire diffusée sur RTL en 2017. "On l'a bien vu, Marine Le Pen a précisé sa pensée sur les éoliennes...".
Et sur l'éducation, dans le cadre d'une question posée par un auditeur dans la dernière demi-heure de l'émission, entre 8h30 et 9h. "On écoute tout ce qui se dit depuis 7h, résume Julie Verne, programmatrice du "8.30" chargée des auditeurs ce matin. Cette séquence des auditeurs nous permet d'aborder une nouvelle thématique ou de re-préciser une réponse de l'invité(e) qui n'aurait pas été assez claire". Comme pour les deux premières éditions des "Matins présidentiels", sept auditeurs, parmi lesquels des lecteurs du "Parisien-Aujourd'hui en France", ont pu interroger Marine Le Pen.
Avant la candidate du Rassemblement national, Xavier Bertrand et Anne Hidalgo ont en effet essuyé les plâtres du dispositif de franceinfo: les 4 et 25 octobre. "Xavier Bertrand est sorti de là, il était rincé, révèle Salhia Brakhlia. Nous, on a le rôle le plus facile, on reste vingt minutes et on sort mais le politique est en tension pendant deux heures, il doit faire attention au choix des mots et envoyer les bons messages. L'invité doit éviter les moments d'hésitation. Les politiques qui arrivent avec des fiches toutes prêtes, ils perdent".
Pendant la pause permise par le journal de 8h, Marine Le Pen, elle, a bien consulté des fiches : "Je souhaite simplement être précise sur les chiffres, les citations et m'appuyer sur des éléments précis", explique-t-elle en fin d'émission, avant de débriefer à bâtons rompus et pendant près d'une heure avec l'équipe de la matinale de franceinfo: Et la finaliste malheureuse de la dernière présidentielle de conclure avant de partir : "C'était très agréable d'avoir le temps de développer de très nombreux sujets sans être coincé dans l'actualité".