"Les jours passent et je suis de plus en plus en colère". À l'issue d'une semaine éprouvante, Ariane Lavrilleux était l'invitée, ce dimanche 24 septembre 2023, de "C médiatique" sur France 5. "Je suis de plus en plus scandalisée par ce qui m'est arrivée, par ce qui est arrivé à la profession en fait", a ajouté la journaliste d'investigation du média indépendant "Disclose", dont le domicile a été perquisitionné pendant dix heures par neuf agents de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), une magistrate et deux greffiers le 19 septembre dernier.
Elle a été placée en garde à vue pendant 39 heures "dans le cadre d'une enquête pour compromission du secret de la défense nationale et révélation d'informations pouvant conduire à identifier un agent protégé, ouverte en juillet 2022".
Avec d'autres confrères, Ariane Lavrilleux est à l'origine – dans une enquête pour "Complément d'enquête" et "Disclose" – de révélations embarrassantes pour l'État français : ce dernier se serait rendu complice de crimes commis contre des civils, des contrebandiers de cigarettes pour la plupart, par l'armée égyptienne – en lui fournissant des renseignements – au nom de la lutte anti-terroriste. Le tout, sans réaction de l'État français pourtant informé de ces exactions.
Selon le témoignage de la journaliste, la DGSI a employé les grands moyens pour remonter la trace de la personne source, à l'origine de la fuite des documents classés secret défense qui ont permis la révélation de ces informations d'intérêt général.
"On a détourné des moyens de la lutte antiterroriste pour traquer une journaliste. On a utilisé des moyens de cybersurveillance pour fouiller mes téléphones, mes ordinateurs, mes clés USB. Ça franchement, c'est inédit", a-t-elle raconté. Avant de s'indigner : "J'ai été correspondante en Égypte pendant de nombreuses années, c'est la troisième plus grande prison au monde pour les journalistes. J'ai évité la police égyptienne et je me retrouve arrêtée par mon propre pays".
Gêné aux entournures, le gouvernement, par la voix d'Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, a botté en touche lorsqu'il a été interrogé à l'issue du Conseil des ministres sur l'arrestation d'Ariane Lavrilleux. "Je peux comprendre qu'il ait été un peu déstabilisé", admet la principale intéressée moins clémente avec Élisabeth Borne. "Par contre, quand j'entends la Première ministre dire au 'Monde', trois jours après, 'quoi, il y a une histoire d'Égyptiens'. Mais quel mépris !", a-t-elle contesté.
Si Ariane Lavrilleux a été libérée, ce mercredi 20 septembre au terme de 39 heures de garde à vue, la journaliste n'en a pas fini avec la justice. Selon une information de Franceinfo, Ariane Lavrilleux est convoquée ce lundi matin au tribunal de grande instance de Paris pour être présentée devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Le juge devra décider si les documents saisis peuvent être versés à la procédure engagée contre la journaliste accusée de divulgation d'un secret de défense nationale, précise Franceinfo.