Turbulences à "La Tribune" en cette période de campagne électorale. Comme le révèle le quotidien d'investigation "La Lettre", la Société des journalistes de "La Tribune" s'est désolidarisée d'un entretien avec Boris Cyrulnik publié dans les colonnes du média économique le 24 juin. Un entretien dans lequel le neuropsychiatre dénonce une complicité entre LFI et le RN.
Initialement intitulé "Mélenchon, c'est l'extrême-droite", cet entretien n'a pas été réalisé par l'un des journalistes de "La Tribune", mais par Denis Lafay, conseiller éditorial du quotidien. Ce lundi, la rédaction s'est désolidarisée de cette interview à 92% (23 votes contre 2), dénonçant ainsi le parallèle dressé par Boris Cyrulnik entre Jean-Luc Mélenchon, visage de La France insoumise, et le Rassemblement national. Les journalistes ont estimé que le titre, le chapô, ainsi que certaines questions, reflétaient des prises de positions incompatibles avec la déontologie de la rédaction.
Ainsi, Denis Lafay, également directeur du pôle idée de "La Tribune", au cours de cet entretien, a notamment demandé à Boris Cyrulnik : "Rangez-vous LFI et le RN dans le même 'sac' de l'intolérance raciste ?" après avoir dit, en introduction à sa question : "Le RN incarne une politique xénophobe et discriminatoire, mais il est presque parvenu, au moins médiatiquement, à se débarrasser de ses oripeaux antisémites". Ce à quoi le neuropsychiatre a répondu : "Mélenchon, à mes yeux, c'est l'extrême droite. C'est Doriot, le collaborationniste nazi qui avait fondé le Parti Populaire Français."
Face à la réaction de la SDJ, le titre de l'article a d'abord été modifié – il est devenu "Mélenchon, à mes yeux, c'est l'extrême droite" – et le texte, en ligne, a finalement été basculé dans la rubrique Opinions. Philippe Mabille, directeur de la rédaction jusqu'à son remplacement, la semaine prochaine, par Lucie Robequain, a consenti à ces modifications afin que la SDJ ne s'exprime pas publiquement. Finalement, le titre de l'entretien est devenu : "Jamais je n'aurais imaginé revivre ce cauchemar". De plus, la fonction de Denis Lafay a également été précisée.
Bruno Jeudy, directeur de l'hebdomadaire "La Tribune Dimanche", avait, quant à lui, refusé de publier l'entretien dans son journal. Toutefois, la place accordée aux candidats de la majorité présidentielle inquiète. Ils sont relativement présents dans les pages Opinions de l'hebdomadaire.
La rédaction de "La Tribune" reste extrêmement vigilante sur la politique en cette période électorale : elle tient à rester indépendante vis-à-vis de Rodolphe Saadé, actionnaire principal du titre depuis juillet 2023 via CMA-CGM, réputé proche d'Emmanuel Macron. Rodolphe Saadé vient d'ailleurs d'acquérir BFMTV et RMC.