Une mise à pied qui ne passe pas. Vendredi 22 mars, Aurélien Viers, directeur de la rédaction du quotidien "La Provence" a été mis à pied pour une semaine et convoqué à un entretien préalable à licenciement après la publication de la Une de l'édition du jeudi 21 mars faisant écho de la déception des habitants du quartier de La Castellane, à Marseille, suite à la visite éclair d'Emmanuel Macron la veille. Une décision imputable selon des éléments recoupés et relayés par plusieurs médias à l'actionnaire du journal, le milliardaire Rodolphe Saadé.
Vendredi après-midi, les journalistes de "La Provence" se sont réunis en assemblée générale et ont voté une motion de défiance contre la direction de la rédaction ainsi qu'une grève illimitée, à 129 voix pour sur 163 votants. Ils se réuniront, à nouveau, lundi matin, le 25 mars, pour décider de la suite du mouvement.
Dans la foulée, les salariés d'Altice Media (BFMTV, RMC), que Rodolphe Saadé est en train de racheter à Patrick Drahi, ont immédiatement apporté leur soutien à leurs confrères de "La Provence". Dans un communiqué commun, les sociétés des journalistes de BFM et RMC, le SNJ, la CGT Altice et la SNME-CFDT Altice Media qualifient la mise à pied et la convocation d'Aurélien Viers de "décisions scandaleuses". "Cet engagement aura duré 48 heures" écrivent-ils à propos du non-interventionnisme de Rodolphe Saadé promis par l'intéressé lors du CSE d'Altice Media le 19 mars. Ils se rassembleront symboliquement lundi matin pour défendre la liberté d'informer.
Ce samedi 23 mars, c'est la rédaction de "La Tribune/La Tribune Dimanche" qui fait part de sa "consternation" et de son "effarement" suite à la mise à pied du directeur de la Rédaction de 'La Provence', Aurélien Viers, "suite à une ' Une' jugée déplaisante par Rodolphe Saadé". "Nous apportons notre soutien total à nos confrères de La Provence, média qui fait partie, comme 'La Tribune' et 'Corse-Matin', du groupe Whynot Media. Nous sommes solidaires de leur grève illimitée votée vendredi, et de leur motion de défiance contre la direction générale de La Provence et celle de Whynot Media" font savoir les salariés dans un communiqué.
"L'interventionnisme de Rodolphe Saadé et de sa filiale médias Whynot Media est inacceptable. Ces pratiques injustifiables laissent présager le pire pour l'ensemble des médias du Groupe. Rodolphe Saadé vient de piétiner ses propres promesses de ne pas intervenir dans la ligne éditoriale de ses médias et de respecter l'indépendance des journalistes. L'ironie est qu'il les a réitérées il y a encore quelques jours devant les élus des médias du groupe Altice (BFM, RMC), qu'il est en train de racheter. Il va falloir des actes forts pour restaurer la confiance, à 'La Provence' comme à 'La Tribune/La Tribune Dimanche'. Nous rappelons que CMA CGM s'est engagé lors du rachat de La Tribune à respecter l'indépendance des journalistes. Nos trois chartes de déontologie ont été ratifiées et doivent être respectées au quotidien. Dans un contexte de défiance généralisée envers les médias et en année d'élections européennes, il est crucial que nous puissions poursuivre notre mission d'informer dans la sérénité, sans censure ni auto-censure, ni pressions de l'actionnaire" peut-on lire.
Réunie en assemblée générale vendredi après-midi, la rédaction de "La Tribune"/"La Tribune Dimanche" a voté cette motion de défiance à l'encontre de Whynot Media, et le principe d'une grève pour mardi 26 mars 2024. "Dans ce contexte d'incertitudes - ingérences éditoriales graves à La Provence et propos inquiétants de Rodolphe Saadé devant BFM/RMC, projet éditorial pour La Tribune toujours en cours d'élaboration, rachat imprévu du groupe Altice Média, nous demandons que la clause de cession reste ouverte après le 31 mars 2024, date jusqu'à laquelle l'entreprise s'était engagée à ne pas la contester" conclut le communiqué.