"La satire politique est souvent une prise de risque, parfois un raté aux yeux du public". Malgré les nombreux appels à la démission de son chroniqueur, Charline Vanhoenacker soutient Guillaume Meurice. Elle a fait savoir dans une lettre publiée ce mercredi 1er novembre 2023 sur ses réseaux sociaux qu'elle comprenait "que la réception du message puisse paraître violente". L'humoriste est accusé d'antisémitisme après une blague lors du dernier numéro du "Grand dimanche soir", l'émission hebdomadaire qui a remplacé "C'est encore nous" sur France Inter.
"Chères auditrices et auditeurs", amorce la journaliste belge. "Je vous écris au titre de productrice et animatrice du 'Grand dimanche Soir', émission au cours de laquelle l'accroche d'une chronique satirique a offusqué beaucoup d'entre vous. Si vous êtes blessés, j'en suis profondément navrée. Je comprends que la réception du message puisse paraître violente, car lorsque la satire évoque la guerre, le reflet grossissant de la caricature est une catharsis. C'était l'intention précise de Guillaume Meurice dont l'accroche ciblait le seul et unique individu : Benjamin Netanyahou, d'ailleurs nommé dans la phrase".
L'humoriste de 42 ans avait déclaré que pour Halloween, "en ce moment, le déguisement Netanyahou marche pas mal". Et poursuivait : "C'est une sorte de nazi, mais sans prépuce". Sur les réseaux, de nombreux internautes avaient entendu dans cette dernière phrase des propos antisémites.
La présentatrice du "Grand dimanche soir" estime que généraliser les propos de son chroniqueur à l'ensemble de la communauté juive est "une affaire d'interprétation (compréhensible tant l'émotion domine)". Elle dénonce aussi "une dangereuse instrumentalisation" de la part de l'extrême droite avant de rappeler que "l'antisémitisme est une abomination qui n'a pas sa place dans notre émission".
Comme à de nombreuses reprises par le passé, Charline Vanhoenacker se positionne en défenseuse de la satire politique même si elle estime que l'exercice humoristique peut être rendu plus difficile dans ce contexte. "C'est le cas ici", assure-t-elle. "Le climat de division, d'incompréhension et de haine qui règne en France actuellement rend l'exercice démocratique de l'humour très délicat, et j'estime, à titre personnel, que la tension a été mal jaugée". Mais elle défend son chroniqueur, victime de "menaces" et précise qu'elle a toujours choisi de ne par relire les textes des intervenants de ses émissions pour garantir leur libre expression.
Elle déplore encore "les accusations d'antisémitismes qui constituent une violence à (leur) encontre". "Des accusations dont les généralisations à l'ensemble de la chaîne sont injustifiées, absurdes et malveillantes. Je tiens dont ici à lever toute ambiguïté : l'antisémitisme, l'islamophobie et n'importe quel message de haine de l'autre n'a pas une seconde d'antenne dans notre émission".
"Je préfère prendre le risque d'une maladresse plutôt que la censure. Je réitère mon engagement à défendre la liberté d'expression, le droit à la satire et au blasphème, avec les scrupules nécessaires à la paix sociale", conclut la journaliste.
La défense de Charline Vanhoenacker s'exprime à rebours de celle d'Adèle Van Reeth qui avait expliqué "rejoindre le malaise que vous avez été nombreux à exprimer" le mardi 31 octobre 2023. La directrice de France Inter avait réagi à la polémique concernant la chronique de Guillaume Meurice survenue deux jours plus tôt sur le site de la médiatrice de la radio publique, elle avait confié .
"Qualifier n'importe quel représentant politique de 'nazi' est une outrance dont le caractère comique peut être, en temps normal, questionné. Quand ce représentant, dont on peut par ailleurs désapprouver et critiquer la politique, est lui-même juif, à la tête d'un État juif, dont les habitants viennent de subir une attaque terroriste (...) cet humour est encore plus discutable. Quand s'ajoute à ce contexte une recrudescence des actes antisémites au sein de notre pays, ce choix des mots semble particulièrement malvenu", avait-elle encore écrit. Elle avait ensuite affirmé avoir rappelé à l'humoriste que la limite du respect et de la dignité avait été franchie.
De son côté, Guillaume Meurice avait simplement réagi sur les réseaux sociaux en partageant sur X, le nouveau nom de Twitter, une Une de "Charlie Hebdo" présentant un homme préhistorique avec de l'huile dans une main et un flambeau dans l'autre. L'illustration est titrée : "Invention de l'humour", alors que le chroniqueur avait accompagné sa publication du hashtag "JeSuisCharlie".
Depuis le passage à l'antenne de la chronique de Guillaume Meurice le dimanche 29 octobre 2023, de nombreux internautes ont dénoncé ses propos sur les réseaux sociaux, certains appelant même à sa démission. Saisie, l'Arcom a annoncé qu'elle instruira la séquence.