Une polémique sans fin. Depuis une quinzaine de jours, l'émotion est grande outre-Rhin après l'attribution d'un prix à deux rappeurs lors des "Echos", l'équivalent des "Victoires de la musique" en Allemagne. Le 12 avril dernier, Kollegah et Farid Bang se sont vu décerner un Echo dans la catégorie hip-hop pour leur dernier album "Jung, brutal, gutaussehend 3" (qui peut se traduire par "Jeune, brutal, beau gosse 3"). Mais les paroles d'un morceau présent sur cet album ont fortement choqué, comme le souligne le journal "Le Monde" .
Le titre "0815", dans lequel les deux interprètes se mettent dans la peau de prisonniers du camp d'extermination d'Auschwitz évoque un "corps plus dessiné que ceux des prisonniers d'Auschwitz" et appelle à "commettre à nouveau un Holocauste". Kollegah et Farid Bang se défendent de tout antisémitisme et ont même été jusqu'à proposer à leurs fans issus de la communauté juive des places gratuites à vie pour leurs concerts pour tenter de calmer la polémique.
En signe de protestation, de nombreux artistes ont rendu leurs prix, comme le chef d'orchestre israelo-argentin Daniel Barenboim et le violoniste français Renaud Capuçon. Ce dernier a dénoncé "un groupe de rap dont les paroles des textes sont racistes, antisémites et indignes de la dignité humaine". Alors que la polémique ne semblait pas près de s'éteindre, le conseil d'administration de la Fédération allemande de l'industrie musicale, organisateur de la cérémonie, a convoqué une réunion extraordinaire pour prendre une décision radicale, celle de la supprimer, selon le site de l'ARD. Plus de cérémonie donc, du moins dans sa forme actuelle. Les deux autres équivalents des "Echos" consacrés à la musique classique et au jazz vont également être repensés. La remise des prix des "Echos" du jazz aura lieu le 31 mai prochain, sans retransmission télévisée.
La polémique s'était propagée au-delà du secteur musical et avait pris une ampleur d'autant plus grande que la cérémonie des "Echos" avait été diffusée en Allemagne le 12 avril, journée du souvenir de la Shoah. Même le diffuseur des "Echos", la chaîne publique ARD, s'était désolidarisé des organisateurs. L'association musicale avait initialement justifié l'attribution du prix aux rappeurs par les bons chiffres de ventes de l'album incriminé mais le président de Fédération allemande de l'industrie musicale avait promis de revoir les mécanismes de nomination et d'attribution de prix. Un engagement qui n'aura donc pas suffi à calmer les esprits.