Il fait partie des divertissements épinglés par le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes. En début de semaine, celui-ci a publié son deuxième rapport annuel sur le sexisme dans les médias, en politique et dans le monde du travail. Dans la première catégorie, le HCE s'est intéressé à quatre programmes : "Les Marseillais", "Les Anges", "Koh-Lanta" - qui a valu une réponse de la productrice Alexia Laroche-Joubert - et "Miss France". Une accusation incompréhensible pour Sylvie Tellier, directrice générale de la société Miss France, qui a accepté de réagir en exclusivité pour puremedias.com.
Propos recueillis par Kevin Boucher.
puremedias.com : Le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes décrit "Miss France" comme une "caricature archaïque", aux critères de participation "discriminatoires", qui "normalise la femme objet" et "enferme les femmes dans des stéréotypes". Cela vous révolte ?
Sylvie Tellier : Oui, bien sûr. Je trouve déjà que ce rapport n'offre pas la réalité de ce qu'est le concours "Miss France" aujourd'hui. Et, comme Alexia Laroche-Joubert, je trouve que ce rapport est un tissu d'approximations et de partialité. C'est vraiment dommage. Je suis la première à me réjouir et à remercier Marlène Schiappa, que j'ai rencontrée à plusieurs reprises, pour sa prise de position par le passé comme ces derniers jours en faveur du concours, estimant que le concours était bien moins sexiste que bon nombre de publicités ou de programmes de télé-réalité.
Que l'on puisse juger que le programme est intéressant ou non, c'est une chose. Mais il ne faut pas oublier que l'on peut se servir du concours "Miss France" pour faire passer des messages et c'est dans ce sens-là que nous travaillons depuis des années. Nous nous sommes notamment engagés contre les violences faites aux femmes. Mais d'une façon générale, on ne peut pas dire que le concours "Miss France" n'a pas évolué depuis 1920.
"En aucun cas, nous interdisons aux Miss de se marier ou d'avoir des enfants durant leur année de règne"
On vous reproche d'imposer aux candidates d'être célibataires et de n'avoir jamais été mariées.
Par essence, par le terme "Miss France", c'est un concours qui s'adresse aux femmes non-mariées puisque, si l'on traduit, Miss veut dire Mademoiselle. Nous ne mentons à personne. Et changer ce règlement reviendrait à modifier l'essence même du concours. De plus, nous n'interdisons absolument pas aux femmes d'être en couple. Vous pouvez regarder les différents reportages autour des Miss, et je pense notamment à ceux de "Sept à huit" par exemple : les filles sont libres d'être en couple et de le mentionner publiquement si elles le souhaitent. De plus, à l'issue du concours "Miss France", nous leur proposons un contrat de travail et ce genre de clauses est interdit en France.
Il est également mentionné qu'il est interdit que les Miss aient des enfants.
Encore une fois, en aucun cas nous leur interdisons de se marier ou d'avoir des enfants durant leur année de règne. Après, pendant l'année, Miss France va être amenée à faire de nombreux voyages en France comme à l'étranger. Pour vous parler de moi, je suis maman de trois enfants et je peux vous témoigner de la difficulté que j'ai aujourd'hui de concilier ma vie professionnelle et ma vie de maman. Si je veux me faire accompagner par mes enfants sur mes déplacements, je vais être confrontée à des problèmes logistiques et économiques : logistiques car mes enfants doivent aller à l'école et économiques car aujourd'hui, comme tout salarié, mon employeur ne prend pas en charge les déplacements de ma famille quand je suis en extérieur. Et il en serait de même pour Miss France. Mais en aucun cas, lorsque Miss France est élue et qu'on lui propose ce contrat de travail, on ne lui interdit d'être maman. Et demain, si une Miss France qui tombe enceinte pendant son année de règne, nous n'allons pas la destituer ni la licencier, ce qui serait purement abusif.
"Je suis complètement choquée par les propos tenus dans ce rapport par Marlène Coulomb-Gully"
Qu'on parle des Miss comme de "femmes-objets", cela vous agace ?
Plusieurs choses me révoltent. La première, c'est lorsque l'on parle d'instrumentalisation sexuelle, en affirmant que les filles doivent afficher une disponibilité sexuelle pour répondre à un fantasme masculin. Je suis complètement choquée par les propos tenus dans ce rapport par Marlène Coulomb-Gully, qui témoignent selon moi d'une étroitesse d'esprit. Ensuite, sur la notion d'instrumentalisation du corps de la femme, je tiens à rappeler que les candidates choisissent librement de se présenter au concours "Miss France". La définition même du féminisme, c'est d'oeuvrer pour l'égalité hommes-femmes et pour l'extension de ce rôle de la femme dans la société. Il me semble que le titre de "Miss France" permet à des femmes d'accéder à la notoriété, de prendre la parole et de s'engager pour des causes qui leur paraissent importantes comme Vaimalama Chaves sur le harcèlement scolaire, Laury Thilleman pour l'écologie ou moi-même qui, en 2002, ait boycotté l'élection de Miss Monde qui devait se tenir au Nigéria, dans un pays où on appliquait la charia à l'époque. Par ce boycott, suivi par 12 Européennes, nous avons réussi à délocaliser le concours dans un pays où ne s'appliquait pas la charia.
Dans le rapport, TF1 assume un "côté désuet" mais précise que les séquences partiellement dénudées ont été considérablement réduites. Toutefois, "Miss France" reste un concours qui voit s'opposer des femmes, en grande partie concernant leur physique.
Nous sommes complètement transparents : l'organisation Miss France propose aux téléspectateurs un concours de beauté. En revanche, il est extrêmement réducteur de réduire cela à de seuls critères physiques. La beauté, c'est l'élégance d'une femme, son intelligence, son intelligence de coeur, son charisme et, bien évidemment, ses atouts physiques, des critères très suggestifs. C'est aussi pour cela que nous interdisons la chirurgie esthétique qui viendrait à réduire le seul concours Miss France à des critiques physiques. Le seul critère exigé est un critère de taille. Nous n'avons pas de critère de poids, de couleur de peau, de cheveux, d'yeux... Mais nos Miss passent un test de culture générale, sont soumises à un grand oral, ont des cours d'art de la table, de maintien, d'éloquence... Il n'y a pas de diktat de la beauté unique. Et c'est aussi pour cela que je trouve que cette étude n'est pas fidèle au concours "Miss France" aujourd'hui et je trouve très dommage que, dans ce rapport, ne soient interrogées d'anciennes Miss France. D'ailleurs, je n'ai moi-même reçu aucune question à l'organisation Miss France.
"Certains critères mentionnés dans le rapport sont clairement faux"
Le concours "Miss France" est également accusé d'encourager les attaques violentes sur les réseaux sociaux contre les candidates.
Sonia Rolland, Miss France 2000, recevait à l'époque des courriers injurieux. Elle n'a pas attendu les réseaux sociaux pour être victime de racisme ! Dire que "Miss France" incite aux propos haineux, à mon sens ce sont plutôt les réseaux sociaux qui ne font pas leur travail puisqu'il n'y a aucun modérateur. Et des propos racistes et haineux, il y en a partout aujourd'hui malheureusement.
Par conséquent, ce rapport ne va pas vous amener à modifier le concours ?
Le règlement évolue tous les ans. Depuis mon arrivée en 2005, j'ai fait évoluer la taille minimum requise, l'âge maximum... J'aimerais d'ailleurs connaître les sources puisque le rapport affirme que nous interdisons les piercings et tatouages, alors que ça fait déjà plusieurs années qu'ils sont autorisés, même s'il est vrai que nous avons limité la taille et l'emplacement du tatouage puisque nous ne voulons pas que Miss France n'ait pas les mêmes chances que les autres candidats à Miss Univers ou Miss Monde. Certains critères mentionnés dans le rapport sont clairement faux. Pour rappel, quand je me suis présentée à Miss France il y a près de 20 ans, il était indiqué dans le règlement qu'il était interdit de se faire des mèches ou de se colorer les cheveux !
Sur un autre sujet, France 2 a décidé de repousser le tournage d'"Intervilles" pour se prémunir d'éventuels risques autour du coronavirus. Allez-vous également prendre des dispositions sur les élections régionales ?
Nous allons suivre les directives de l'OMS et des préfectures. Pour nous, les premières élections régionales démarrent au début de l'été et la majorité se tient entre septembre et décembre. Je suis d'une nature plutôt optimiste donc nous suivrons les directives mais je me refuse à être alarmiste et à commencer à prévoir plusieurs scénarii. Nous referons le point dans trois mois, ma première élection régionale a lieu fin juin. Si nous devons reporter des élections, nous le ferons. Mais ce n'est pas d'actualité.