Accompagner les jeunes participants de "The Voice Kids" est chaque année un jeu d'équilibriste pour la production de l'émission de TF1. Lorsqu'ils sont atteints de troubles, les équipes du programme prennent encore plus de précautions. Lors des auditions à l'aveugle de la neuvième saison du programme musical, les téléspectateurs ont découvert Néo, 12 ans, sur le titre "SOS d'un terrien en détresse" de Daniel Balavoine. Autiste asperger, le collégien avait expliqué avoir choisi ce titre car "bien avant, (il) était souvent en détresse, souvent triste, à cause de gens qui (le) malmenaient".
À l'affiche de la première soirée de battles du télécrochet pour enfants, la voix de Néo a convaincu la production du programme de l'intégrer au casting avant son histoire. "On ne s'est pas dit : 'Tiens il chante bien, super il est autiste, prenons le, c'est génial'", rembobine Pascal Guix qui produit l'émission pour ITV Studios France. "On s'est dit il chante bien, on a appris qu'il avait un trouble du spectre autistique et puis on s'est dit : 'OK, comment on fait ?'"
Pour lui permettre de chanter face aux fauteuils rouges, les équipes de l'émission ont évalué s'il était possible - ou non - de le faire intégrer ce lourd dispositif sans le mettre dans une situation inconfortable. Le psychologue qui accompagne tous les enfants de "The Voice Kids" a pris contact avec les thérapeutes de Néo pour "adapter les choses" à son passage dans le programme. Ensemble, ils ont établi un protocole communiqué ensuite à l'ensemble des personnes qui s'affairent lors des tournages de épisodes. "Par exemple, on ne devait pas le laisser seul ou le mettre dans une pièce avec beaucoup de monde, ne pas le surprendre, ne pas le toucher."
Quelques adaptations ont aussi été effectuées sur la scène. Pour les passages du candidat, les lampes qui surplombent l'estrade ont été adoucies pour qu'il ne ressente pas les lumières comme une agression. Tout effet stroboscopique était également proscrit. "Au-delà de ça, les mouvements lumineux n'ont pas posé problème car Néo avait déjà eu quelques expériences scéniques dans des scènes ouvertes ou dans des concours", précise Pascal Guix.
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le télé-crochet de la Une accueille un candidat autiste Asperger. Lors de la onzième saison de l'édition du concours pour adultes, Clément, 22 ans, avait rejoint l'équipe de Marc Lavoine. "Grâce à la musique, je me sens un peu plus à ma place", avait-il témoigné lors de son passage dans le programme. Ce premier candidat a ouvert la voie à d'autres chanteurs atypiques. "Il a eu le courage de venir car ça demande un vrai courage quand on part d'un peu plus loin que les autres", commente le producteur. "Ça a été un exemple et depuis, on a beaucoup plus de profils de personnalités différentes aux auditions. Je ne dis pas qu'il a tout changé par rapport à l'autisme, il y a des spectres différents, mais on se rend compte que beaucoup plus de personne viennent toquer à la porte."
En réitérant l'expérience, les équipes de "The Voice" ont encore appris aux côtés de Néo. La maman du jeune chanteur, très présente lors de ses premiers pas face à la caméra, s'est peu à peu éloignée pour le laisser vivre l'aventure. "Elle a vu que son fils se sentait bien, qu'il rigolait avec les autres", se souvient Pascal Guix. Il raconte que la famille comme les thérapeutes avaient sous-estimé la puissance de l'entourer d'autres enfants partageant une passion commune.
Il rappelle que le but du show, version "kids" comme adulte, est d'ouvrir les bras à toutes les personnes qui ont de belles voix, "peu importe leurs origines, leur couleur, leur sexualité"... Le concept des auditions où le jury n'a que la voix pour choisir favorise un jugement le plus neutre possible. "Une personne autiste, si elle chante bien, elle a sa chance", insiste le producteur.
Pour autant, l'univers de la télévision n'est pas sans contraintes. Si l'objectif d'inclusivité venait à être mis à mal par une autre contrainte vécue par un prétendant à l'émission, "on ferait du mieux qu'on peut", assure-t-il. Avant de conclure : "Si un jour, malheureusement, pour X raisons, on ne peut pas, on privilégiera de préserver la santé physique et mentale des candidats."