Le projet ambitieux mêlant NFT et cinéma à la dérive. Dans une enquête publiée hier soir, "Mediapart" révèle que le projet de film d'animation "Plush", promu par l'humoriste Kev Adams et financé par des NFT (Non-fungible token), des "jetons non-fongibles", qui correspondent à des titres de propriété numériques, a fait perdre plus d'un million d'euros à près de 700 investisseurs.
Fin avril 2022, de nombreuses personnalités ont fait la promotion d'un projet innovant, basé sur les NFT. Pour financer le film, n'importe qui pourra s'offrir l'un des 50.000 nounours qui sera présent dans la fiction d'animation. Des particuliers ont pu s'offrir un ourson digital au prix de 1.250 euros. Outre la simple acquisition de la peluche numérique, les détenteurs de NFT "Plush" devaient devenir officiellement co-producteurs du film d'animation. Ils devaient participer à l'écriture du scénario grâce à un système de votes et se partager 80% des profits du long-métrage au box-office.
"Puisque les recettes moyennes des gros films d'animation sont de 700 millions de dollars, chaque acheteur d'un NFT Plush devrait, au minimum, voir sa mise multipliée par trois", s'était vanté Illuminart, société de production du long-métrage, au "Parisien" à l'époque. Egalement produit par les studios Rooftop Production et Karlab, le long-métrage devait être conçu par des graphistes ayant collaboré avec "Moi, moche et méchant", "Les Minions", "Le Grinch", "Tous en scène" et "Comme des bêtes". Un gros cast était attendu pour les voix : Gims, Dadju, Kev Adams, Rayane Bensetti, Eric Judor, Gérard Darmon, Audrey Lamy, Camille Lellouche, le youtubeur Ludovik et le streameur Doigby.
De plus, Illuminart avait assuré que les détenteurs de nounours pouvaient aussi vendre ou s'en offrir d'autres via une plateforme où les prix pouvaient fluctuer en fonction de la rareté de certains détails de la peluche. Toutes les transactions seront visibles sur le site. Et si le projet ne voit pas le jour, les titres de propriété numériques conserveront leur valeur en Ether, une crypto-monnaie forte comme le Bitcoin.
Finalement, comme le révèle "Mediapart", le projet n'a convaincu que 770 personnes en mai et juin 2022, qui ont acheté des NFT pour un total d'environ 1,5 million d'euros. Pour concrétiser le projet, les producteurs devaient pourtant écouler les 50.000 NFT "Plush". Ils ont ainsi été loin du compte et les investisseurs ont perdu la quasi-totalité du projet, auquel Kev Adams avait pourtant multiplié la promotion sur ses réseaux sociaux.
En juin 2022, selon des propos rapportés par le site d'investigation, Kev Adams et le patron d'Illuminart ont démenti publiquement toute arnaque. Le dirigeant de l'entreprise, surnommé "Fabi", a expliqué que l'échec de la vente était lié au crash des cryptomonnaies et a indiqué avoir personnellement perdu de l'argent.
Sur le marché des NFT, les "Plush" ont aussi perdu l'essentiel de leur valeur et ont eu du mal à trouver preneur, mettant les investisseurs dans la panade. Depuis septembre 2022, il n'y a eu seulement que 14 reventes, à un prix moyen de 0,15 Ethereum, soit l'équivalent de 250 euros, alors que la "Plush" avait été acquise à 1.250 euros.
Aujourd'hui, les comptes du projet "PLUSH" sur les réseaux sociaux ne publient plus de contenus et le forum du film d'animation a été fermé aux commentaires. Il n'est désormais plus possible d'acheter de NFT sur le site officiel et la société Illuminart n'a pas renouvelé sa "business licence", expirée en février dernier. La sortie du film était pourtant annoncée pour l'hiver 2023.
Contactés par "Mediapart", Kev Adams et les autres influenceurs ayant fait la promotion de "Plush" n'ont pas souhaité faire de commentaires. "Fabi", le patron d'Illuminart, a refusé de répondre publiquement et a menacé le site d'investigation de poursuites judiciaires.