"Les mêmes qui applaudissent aujourd'hui seront peut-être moins enthousiastes le jour où France Inter devra remplacer la moitié de ses animateurs", s'est inquiété Alexis Brézet, auteur de "L'édito politique" dans la matinale d'Europe 1 ce jeudi 15 février 2024. Et ce, au surlendemain de la demande du Conseil d'État appelant l'Arcom à davantage contrôler CNews quant à ses obligations de pluralisme et d'indépendance.
Cette décision "s'applique à l'ensemble de l'audiovisuel", a rassuré Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, à l'oreille de Pascal Praud, ce mercredi 14 février dans "L'heure des pros" sur... CNews, et ceux qui y voient là une attaque contre la chaîne du groupe Canal+. La précision – de taille il est vrai – a particulièrement résonné chez Gaspard Proust. Visiblement convaincu que "l'immense majorité des médias français" verserait dans le "gauchisme", l'humoriste d'Europe 1 a annoncé en grande pompe le lancement officiel du mercato.
Ils vont "être forcés de s'équiper avec des chroniqueurs qui sont supposés être de droite pour équilibrer le PAF", s'est-il déjà imaginé dans sa chronique "Les signatures d'Europe 1". "Tout le PAF va vous courir après, Dimitri (Pavlenko, ndlr) pour être dans la diversité", a-t-il ajouté à l'attention de l'anchorman de la matinale d'Europe 1. "Si vous saviez tous les coups de fil et les textos de débauchage que j'ai reçus depuis que 'Cricri d'amour' a bafouillé dans le poste ! Hier, j'avais l'impression d'être Mbappé", a-t-il encore ironisé, avant d'énumérer les "messages paniqués" qu'il aurait reçus de "BFMTV, France Inter, France 2, France 3, France 5, Equidia, Gulli". "Nous avons ouï dire que vous n'étiez pas tout à fait gauchiste. On aimerait vous proposer une chronique une fois par semaine, votre prix sera le nôtre", a-t-il imité leurs prétendus auteurs.
"Je sais que d'autres animateurs, ici, ont été sollicités", a-t-il fait mine de savoir. "Sonia Mabrouk (présentatrice Europe 1-CNews, ndlr) pour la matinale de France Inter, Emmanuelle Ducros (auteure de la chronique "Voyage en absurdie" sur Europe 1) pour 'Cash investigation'. Je ne parle même pas de Pascal Praud, on lui aurait proposé quatre émissions à la fois : le JT de France 2, 'Quelle époque !', 'C à vous' et 'Silence ça pousse'. Depuis que Cricri a parlé, les médias sont mal. Il ne s'est pas rendu compte du bordel qu'il a mis". puremedias.com vous propose de visionner cette séquence humoristique.
Après l'examen d'un recours de Reporters sans frontières daté d'avril 2022 – qui mettait en lumière un manque de diversité "vis-à-vis des points de vue exprimés sur CNews" – le Conseil d'État a donc ordonné à l'Arcom, ce mardi 13 février 2024, de "réexaminer dans un délai de six mois le respect par (le canal 16) de ses obligations en matière de pluralisme et d'indépendance de l'information".
Cette injonction s'accompagne d'un changement de paradigme. La plus haute juridiction administrative du pays considère en effet que "pour apprécier le respect par une chaîne de télévision, quelle qu'elle soit, du pluralisme de l'information, l'Arcom doit prendre en compte la diversité des courants de pensée et d'opinions représentés par l'ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d'intervention des personnalités politiques". Le directeur des rédactions du "Figaro" – imité par Étienne Gernelle dans "Le Point" – y voit là une "dérive illibérale et antidémocratique". Le temps de parole des chroniqueurs, éditorialistes ou encore animateurs ne sera pas décompté", lui répond le Conseil d'État.
Et concernant l'indépendance de l'information, celle-ci ne doit pas seulement s'apprécier "au regard d'extraits d'une émission spécifique mais aussi à l'échelle de l'ensemble des conditions de fonctionnement de la chaîne et des caractéristiques de sa programmation", a ajouté le Conseil d'État."
Mais alors "comment l'Arcom va déterminer dans quel courant de pensée ou d'opinion se situent les différents intervenants d'un programme ? Aujourd'hui, l'autorité cherche encore la bonne formule", écrivait hier "Le Parisien", qui précisait qu'une commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la TNT, déclenchée par Aurélien Saintoul, député issu des rangs de La France insoumise, rendrait son rapport le 8 mai 2024. Laurence Ferrari et Pascal Praud seront auditionnés le 29 février 2024, Cyril Hanouna et Vincent Bolloré en mars.