Le scénario est toujours le même. Netflix donne à ses abonnés le goût d'une série, et au bout d'une saison ou deux... Elle disparaît. Et elle laisse derrière elle des millions de fans sur leur faim. Si l'histoire semble familière, c'est parce que c'est exactement ce qu'il est arrivé à "Drôle", "The OA", "1899", "The Midnight Club", "The Society", etc. Et la liste est longue.
Netflix abandonne plus d'émissions que les autres studios. L'année dernière, le service a annulé 11% de ses séries télévisées américaines, tandis que Disney et WarnerMedia en ont stoppé 9%, selon le cabinet Ampere. Mais pourquoi ? La firme américaine ne donne que très peu de justifications. Pour "Drôle", par exemple, elle s'est contentée d'expliquer que ses "abonnés n'y ont pas trouvé leur compte". Comme souvent, le plus fiable est de regarder du côté du portefeuille. Pour déterminer si une série est rentable, et mérite donc d'être renouvelée, Netflix examine son audience.
Il est possible depuis quelque temps de connaître la durée de visionnage des séries grâce à leur outil maison "Global Top 10". Il précise quelles séries sont les plus populaires et le volume d'heure de visionnage. Une mesure un peu vaporeuse et difficile à comparer avec ce que peut mesurer Médiamétrie par exemple. Une mesure unique que l'entreprise peut se permettre, car, à l'écrasante majorité, elle tire ses revenus de l'abonnement, et pas de la publicité. Donc, elle ne donne donc que peu besoin de points de comparaison.
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Le dernier exemple en date d'une série annulée soudainement est celui de "1899", par les créateurs de "Dark". La saison 1 a cumulé plus de 257,1 millions d'heures de visionnage dans le monde et a réussi à pénétrer le Top 10 de la plateforme dans 90 pays dont la France. Pourtant, si on prête attention à l'évolution de son audience, on peut noter un décrochage net. Lors de sa troisième semaine de diffusion, l'audience de la série est passée de 87 millions d'heures à 44 (-50%). La semaine suivante, le total est encore divisé par deux.
De plus, selon des "données tierces" collectées par "PhonanAdroid", une grandie partie des téléspectateurs n'auraient pas poussé plus loin que l'épisode deux... Or, dans un courrier envoyé par Netflix à la Chambre des Lords britannique, l'entreprise dit favoriser les émissions regardées en intégralité "dans les 28 jours" suivant la sortie.
Si Netflix semble durcir les critères qui permettent à une série d'obtenir une suite, c'est certainement car la santé financière du service de streaming n'est pas au beau fixe. Les plateformes concurrentes sont de plus en plus nombreuses et les budgets des consommateurs limités. Une situation compliquée qui peut expliquer la perte de 200.000 abonnés qu'a connu Netflix au premier trimestre 2022. De plus, la crise qui ébranle toutes les entreprises de la Tech n'a pas épargné la firme. Elle a dû supprimer plusieurs centaines de postes.
Alors que Netflix pouvait à ses débuts faire tourner la planche à billets sans limite, elle se retrouve désormais à faire des choix. Avec déjà 17 milliards d'investissements dans les contenus en 2022, l'entreprise ne peut pas se permettre de poursuivre la folle surenchère de dépenses. Or comme l'analyse le "Financial Times" : "Une nouvelle émission est probablement un meilleur moyen de trouver de nouveaux abonnés qu'une émission qui existe déjà". Mieux vaut, donc, passer sous le tapis les séries dont le succès n'est pas indiscutable.