Montpellier, ses 300 jours d'ensoleillement par an, sa place de la Comédie, son équipe de football évoluant en Ligue 1... Une liste à laquelle est venu s'ajouter, depuis le 27 août 2018, un feuilleton quotidien sur France 2. "Un si grand soleil" est devenu le troisième du genre après "Plus belle la vie" sur France 3 et "Demain nous appartient" sur TF1. Un feuilleton de plus, un feuilleton de trop, diront certains. "Ce qui est atypique, ce n'est pas qu'il existe trois feuilletons quotidiens, c'est que 'Plus belle la vie' soit resté près de 15 ans le seul du genre", nous expliquait le mois dernier Sophie Gigon, directrice de la fiction day-time de France Télévisions, en prenant pour exemple nos voisins européens où trois, voire quatre feuilletons quotidiens, parviennent à cohabiter.
"Un si grand soleil", un si grand pari pour la présidente de France Télévisions Delphine Ernotte Cunci. Cette production France TV Studio, filiale de production du groupe public, a nécessité un investissement de 11 millions d'euros pour monter de toutes pièces, sur place, à Vendargues, un vaste outil de production (16.000 m2) également destiné à accueillir d'autres tournages pour le service public. "Une nouvelle série pourrait être tournée à Vendargues et dans la région lors de cette année 2019-2020", confirme ce mardi dans "Midi Libre" Toma de Matteis, directeur délégué de France TV Studio en charge de la fiction et producteur d'"Un si grand soleil". Même si le format n'est pas encore déterminé, il ne s'agira pas d'une fiction quotidienne. La place est déjà prise.
Outre l'aspect financier, la programmation de la série constituait un pari à part entière puisque "Un si grand soleil" a été lancé à 20h40, une case qui voyait jusqu'alors se succéder les programmes courts, dont "Parents mode d'emploi", désormais transféré sur France 3 dans un nouveau format. Avant le lancement, Sophie Gigon espérait une audience dans la lignée de la part de marché moyenne réalisée par France 2, qui s'établissait à 13,7% en juin dernier.
Un an après, le bilan est positif sur ce point. Hier encore, selon Médiamétrie, ils étaient 3,58 millions de fidèles, soit 18,0% du public, à suivre le 261e épisode, le premier de la deuxième saison qui s'ouvre. En moyenne et en incluant le replay, chaque épisode est suivi par 3,6 millions de téléspectateurs (15,8% de PDA)*, là où l'audience moyenne de la case était de 2,51 millions de personnes (11,5% de PDA) la saison précédente.
Le gain moyen à J+7 n'est cependant que de 245.000 personnes, soit la plus faible consommation différée des trois feuilletons quotidiens français, mais que la production justifie ce petit chiffre par la programmation en avant-soirée, à une heure où les téléspectateurs sont présents en nombre devant leur écran. A titre de comparaison, le feuilleton de France 3 engrange 340.000 téléspectateurs supplémentaires en différé, quand "Demain nous appartient" en compte environ 500.000.
Toujours au rayon des chiffres, "Un si grand soleil" n'a pas encore battu ses plus hauts historiques réalisés le 31 août 2018 avec 4,21 millions de curieux pour 20,7% de part de marché en audience veille. Et si le public qui suit les aventures de l'héroïne Claire Estrela (Mélanie Maudran) est féminin à 65%, la fiction quotidienne de France 2 est celle dont l'âge moyen du téléspectateur est le plus élevé : 62 ans en moyenne contre 53 ans pour "Demain nous appartient" sur TF1 et 54 ans pour "Plus belle la vie".
Reste que la direction de France Télévisions a affiché très tôt son optimisme, n'hésitant pas à commander 260 épisodes supplémentaires dès le mois de janvier, ce qui garantit à la fiction d'être encore présente à l'antenne pendant toute la saison 2019/2020. "Si ça continue ainsi, je ne vois pas pourquoi on arrêterait cette série", avait même déclaré dans la presse régionale le numéro 2 du groupe public, Takis Candilis, moins d'un mois après le lancement, rêvant ouvertement d'offrir à "Un si grand soleil" un destin digne de "Plus belle la vie", qui fête ses 15 ans d'existence cette semaine. Un feuilleton qui est certes diffusé par France 3, mais qui reste produit par Newen, filiale de TF1, qui produit également "Demain nous appartient" pour la première chaîne...
Selon une étude menée par France Télévisions, la stratégie consistant à proposer à la suite "Plus belle la vie" (qui a été avancé de dix minutes fin août 2018) et "Un si grand soleil" a été pertinente puisque ce sont en moyenne 29% des fans du quartier du Mistral qui suivent en parallèle la fiction se déroulant à Montpellier. A contrario, 22% font la passerelle entre "DNA" et "Plus belle la vie" et seuls 17% des téléspectateurs de "Demain nous appartient" basculent sur France 2 en avant-soirée. En moyenne, 8,7 millions de téléspectateurs regardent chaque jour un des trois feuilletons, sur un potentiel estimé à 13 millions au total.
Tout le défi de "Un si grand soleil" est donc de pouvoir continuer à attirer de nouveaux fidèles et, pour cela, de réussir à créer un plus grand lien de proximité avec son public, là où jusqu'à présent, la priorité semble avoir été donnée à l'aspect visuel, sans doute le plus réussi des trois feuilletons quotidiens. Le snobisme affiché par les principaux protagonistes du projet a également pu agacer les téléspectateurs, comme les concurrents directs.
On se souvient des propos malheureux du jeune comédien Gary Guénaire, qui avait déclaré en juillet 2018 à "Allociné" que "les feuilletons quotidiens qu'on a aujourd'hui ne font pas forcément rêver", avant de rétropédaler. Plus récemment, dans une interview à puremedias.com, le producteur d'"Un si grand soleil", Toma de Matteis, confiait : "J'ai tendance à penser que d'un point de vue artistique, nous sommes la série quotidienne la plus aboutie des trois".
Cette saison, du côté du cast, les fans d'"Un si grand soleil" devront composer avec l'absence de Gary Guénaire ; le comédien souhaitant se consacrer temporairement à d'autres projets. Et après Mélanie Maudran, Jérémy Banster et Tonya Kinzinger, le feuilleton de France 2 va continuer à puiser dans le vivier des anciens comédiens de "Sous le soleil", série qui a fait les belles heures de TF1 entre 1996 et 2008. Shirley Bousquet et Julie Boulanger - par ailleurs connue pour son rôle dans "Cut" - vont ainsi venir renforcer l'équipe pour donner la réplique au personnage de Manu Léoni (Moïse Santamaria). Le feuilleton connaîtra son premier mariage le 6 septembre prochain avec les personnages de Julien (Jérémy Banster) et Alice Bastide (Maelle Mietton). Enfin, un passage en prime time n'est pas exclu, mais rien n'a pour l'heure été lancé. "L'idée n'est pas de se tirer une balle dans le pied en allant trop vite", résumait récemment Toma de Matteis.
* chiffres arrêtés au 22 août 2019.