Thomas Piketty au coeur de la polémique. Invité lundi de France Inter, l'économiste star s'est montré très critique envers la future réforme des retraites portée par Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire aux retraites, qu'il a qualifiée de "grosse arnaque". "Je veux rappeler quelque chose : le pilier du système, c'est un financement qui est proposé dans le rapport Delevoye qui est de 28% de cotisations sur tous les salaires jusqu'à 10 000 euros par mois, 120 000 euros par an. Et ça tombe ensuite à 2,8% au-delà de 120 000 euros. Donc 10 fois moins" avançait Thomas Piketty face à Léa Salamé. Une séquence qui est devenue virale sur les réseaux sociaux et qui a été très critiquée dans la presse économique.
Or, la démonstration de Thomas Piketty était trompeuse. Car, au-delà de 120.000 euros de salaire par an, le prélèvement de 2,8% ne se traduira pas par une acquisition de droits. Ce prélèvement n'est pas une cotisation mais une ponction au titre de la solidarité pour financer des mesures redistributives. Plusieurs économistes ont d'ailleurs vertement tacle l'économiste, dont Dominique Seux, qui, dans "Les Echos", l'a accusé de relayer une fake news. De son côté, "L'Opinion" ironise : "Le Piketty 2019 conclut qu'il faut faire payer davantage les gros salaires. Il contredit ainsi le Piketty 2008 qui, avec le même argument sur l'espérance de vie, prônait de les dispenser de côtisations pour les laisser se débrouiller avec la capitalisation. L'énorme arnaque n'est peut-être pas là où on voudrait nous le faire croire".
Hier, après la polémique sur ses propos, Thomas Piketty était l'invité d'Anne-Elisabeth Lemoine dans "C à vous" sur France 5. Patrick Cohen, l'interviewer maison, a cuisiné l'économiste en le confrontant à la contradiction entre ses propos actuels et ses écrits dans "Pour un nouveau système de retraite", co-écrit avec Antoine Bozio en 2008. "Cet ouvrage contient tous les fondements de la réforme actuelle (...) Vous avez changé d'avis ou vous pourriez re-signer ces 90 pages ?" a débuté Patrick Cohen. Thomas Piketty a expliqué : "La grande différence avec la réforme actuelle (...) c'est que je voudrais un régime universel qui met beaucoup plus fortement à contribution les plus hauts salaires et offre des biens meilleures retraites aux plus bas et aux moyens salaires".
"C'est pas là-dedans" a objecté Patrick Cohen. "Alors vous ne l'avez pas lu !" a répondu Thomas Piketty. "Ah si ! Ah, ça, je l'ai lu ! J'ai tout lu !" a assuré l'interviewer. Un premier échange qui donnait la teneur de la discussion qui a suivi. "J'ai lu votre projet, c'est exactement la réforme qui est proposée par Jean-Paul Delevoye" a maintenu, quelques plus tard, Patrick Cohen. "Vous dites n'importe quoi !" s'est agacé Thomas Piketty, invitant son interlocuteur a relire plus profondément l'ouvrage. Quelques instants plus tard, l'économiste, notamment remonté contre "Les Echos", s'est énervé : "L'idée qu'il n'y a qu'une seule façon de faire un revenu universel, c'est quand même un refus du débat. En gros, soit vous êtes comme nous, soit vous êtes hyper-conservateur et vous ne voulez rien changer ! Ça suffit !".
"Est-ce que vous maintenez la démonstration qu'il y a dans ce livre écrit il y a dix ans sur le principe du système universel et qui est très convaincante. Les gagnants seront les bas salaires, ceux qui ont eu des accidents ou des interruptions de carrière..." a poursuivi Patrick Cohen. "Je viens de vous le dire ! Les gagnants seront les bas salaires à l'exception de comment on traite la question des espérances de vie (...)" a rétorqué Thomas Piketty. "Oui, ce n'était pas votre démonstration de l'époque" a répondu Patrick Cohen. "Ecoutez, là, vous êtes fatigant. Il y a un passage entier sur cette question de l'espérance de vie, donnez les pages ! C'est quand même incroyable" s'est exaspéré l'économiste. puremedias.com vous propose de visionner cette séquence.