Aude Lancelin a-t-elle été virée de "L'Obs" pour des raisons politiques ? C'est ce que laisse entendre Médiapart dans une récente enquête sur le licenciement de la numéro 2 de "L'Obs". A un an de la présidentielle, la journaliste en charge des pages "Débats" de l'hebdomadaire aurait payé les trop nombreuses tribunes offertes aux penseurs de la gauche de la gauche. Balayant les raisons "managériales" avancées par "L'Obs", le site d'investigation n'hésite pas à sous-entendre de possibles interventions de l'Elysée dans ce dossier, à moins d'un an de la présidentielle.
Hier dans Libération, une quarantaine d'intellectuels et de personnalités ont cosigné une tribune pour dénoncer à leur tour le "licenciement très politique" d'Aude Lancelin. "La chose est donc clairement signifiée : toutes les gauches n'ont pas droit de cité dans certains journaux de gauche. Il fallait par conséquent en chasser la personne qui leur donnait la parole", analyse le texte signé notamment par l'acteur Denis Podalydès, Claude Lanzmann, l'intellectuel Emmanuel Todd ou encore le philosophe Alain Badiou.
"Cette opération de police intellectuelle ne prend pleinement son sens qu'à la lumière de l'élection de l'année prochaine que François Hollande, dont la candidature est désormais un secret de polichinelle, envisage visiblement avec appréhension. Et avec le souci que ce qu'il considère comme 'sa' presse soit en ordre de marche, c'est-à-dire débarrassée de toute voix dissonante", dénoncent les signataires.
Sur fond de ventes en baisse, "L'Obs" traverse actuellement une grave crise de gouvernance. Lors d'un conseil de surveillance le 11 mai dernier, Matthieu Croissandeau a été confirmé dans ses fonctions par Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, les propriétaires du titre depuis janvier 2014. Aude Lancelin et un autre adjoint, Pascal Riché, ont pour leur part été écartés.
En colère face à ce "limogeage brutal" et à la "stratégie illisible" de Matthieu Croissandeau, l'ensemble des salariés de "L'Obs" ont tenu à exprimer leur insatisfaction. Ils ont ainsi adopté à plus de 80% une motion de défiance - la première dans l'histoire du journal - contre Matthieu Croissandeau le 12 mai dernier.
Lancée en octobre 2014, la nouvelle formule de "L'Obs" n'a pas trouvé son public. Les ventes du journal ont continué de fortement s'éroder avec 383.800 exemplaires (diffusion France payée) au premier trimestre, contre 503.400 en 2012 ! Matthieu Croissandeau a promis "d'adapter" sa formule pour inverser la tendance.