La parole se libère dans les rédactions sportives. Début avril, dans les colonnes de "L'Equipe", la journaliste Clémentine Sarlat avait révélé avoir subi du harcèlement moral au sein du magazine sportif "Stade 2" de France 2 et que cette douloureuse expérience l'avait conduite à quitter France Télévisions. A la suite de cette prise de parole, le groupe audiovisuel dirigé par Delphine Ernotte avait annoncé avoir diligenté une enquête interne afin de "faire la lumière sur les faits évoqués".
Cette interview choc a incité d'autres journalistes à témoigner de harcèlements subis au sein de rédactions sportives. Le 19 avril, Tiffany Henne, actuellement au sein du groupe Altice Media, a confié sur Twitter "l'enfer" que lui faisait subir l'un de ses rédacteurs en chef dans un autre média. Elle a expliqué avoir reçu à plusieurs reprises des insinuations sur son orientation sexuelle supposée jusqu'à des propos à connotation sexuelle explicite. Le même jour, Andréa Decaudin, aujourd'hui à "Télématin", a également raconté sa mauvaise expérience avec ce même rédacteur en chef. Celui-ci lui aurait lancé à maintes reprises des phrases dévalorisantes, la traitant de "nulle" au cours d'un entretien annuel et la déstabilisant lorsqu'elle était à l'antenne de la chaîne pour laquelle elle travaillait. Le 22 avril dernier, Guillaume Palacios, journaliste à Eurosport et RMC Sport, a confirmé les propos de Tiffany Henne et Andréa Decaudin, avec qui il a travaillé "dans cette même rédaction pendant presque 4 ans".
Hier soir, un collectif de 37 femmes journalistes du groupe "L'Equipe" a communiqué sur les réseaux sociaux et dans les colonnes du quotidien sportif une tribune en soutien "à Tiffany, Andréa, Clémentine et aux autres". "Nous avons découvert ce week-end sur Twitter les témoignages de deux journalistes qui expliquent avoir été victimes de harcèlement sexuel et sexiste dans une rédaction sportive. Nous, femmes journalistes de 'L'Equipe', leur apportons notre soutien et saluons leur courage", ont-elles déclaré. Et de poursuivre : "C'est grâce à ces prises de parole que les comportements dégradants, inacceptables et punis par la loi disparaîtront des rédactions, que ceux qui en sont témoins réagiront, que celles qui en sont victimes ne se tairont plus, que des responsables ne fermeront plus les yeux et que leurs auteurs ne se sentiront plus intouchables". Le collectif précise que même "si les choses ont déjà beaucoup évolué", "être une femme journaliste dans une rédaction très majoritairement masculine a pu" et "peut encore exposer à des comportements déplacés".
Egalement dans les colonnes du journal sportif, la direction de la rédaction a réagi à ces témoignages : "Depuis que nous assumons la responsabilité de la direction de la rédaction du journal, du magazine et du site 'L'Equipe', nous n'avons de cesse de dénoncer et de combattre toute forme de harcèlement". Et d'assurer : "Tout fait dont nous prendrions connaissance ferait l'objet d'une enquête sérieuse et d'éventuelles sanctions".
Selon nos informations, les agissements dénoncés par ces journalistes contre un rédacteur en chef se sont déroulés il y a plusieurs années au sein de la rédaction du groupe "L'Equipe". Il avait alors été sanctionné à l'époque par la précédente direction. Il n'est aujourd'hui plus salarié de l'entreprise. Dans un mail interne que puremedias.com s'est procuré, qui a été envoyé aux collaborateurs mercredi soir, soit avant la publication de la tribune des journalistes femmes hier, le directeur-général du groupe "L'Equipe", Jean-Louis Pelé, a réagi aux témoignages publiés sur les réseaux sociaux.
"J'ai pris connaissance des témoignages mis en ligne ces derniers jours sur les réseaux sociaux. A cette occasion, il me semble important de rappeler qu'aucune tolérance ne sera de mise au sein du groupe s'agissant de faits avérés de harcèlement sexuel ou discrimination en tout genre", a-t-il déclaré, ajoutant avoir ouvert "des négociations sociales sur le sujet de l'égalité entre les hommes et les femmes", "afin notamment de mettre en place un dispositif d'alerte et de gestion des signalements". "J'ai personnellement signé, le 21 janvier dernier, la charte de la place des femmes dans les médias et serai très vigilant au respect des valeurs d'égalité et de tolérance auxquelles je suis particulièrement attaché", a-t-il conclu. Contactée par puremedias.com, la direction de "L'Equipe" ne souhaite pas réagir à ce stade.