Deuxième volet de notre journée spéciale Anne-Elisabeth Lemoine. Après Julien Courbet, animateur de "Capital" sur M6 et Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, l'animatrice de "C à vous" sur France 5 a accepté de répondre aux questions de puremedias.com. Dans cette deuxième partie, Anne-Elisabeth Lemoine nous dévoile en exclusivité le programme de Noël concocté par l'équipe de "C à vous", évoque les atouts de son émission en matière de programmation mais aussi la différence entre son public et celui de "Quotidien" et "Touche pas à mon poste".
Propos recueillis par Benjamin Meffre.
Proposerez-vous des émissions fraîches pour les vacances de Noël ?
Oui. Il y en aura au moins la moitié. Il y aura cinq émissions fraîches. On va refaire l'année avec des duos d'actualité : Raphaël Glucksmann et Natacha Polony, Anne Nivat et Jean-Jacques Bourdin, Claire Chazal et Augustin Trapenard, Roselyne Bachelot et Anne Roumanoff, David Pujadas et Pascale de la Tour du Pin. Il y aura seulement trois "best of". Et il y aura aussi deux émissions spéciales du "5 sur 5" de Maxime Switek de 1h20. Il les présentera avec les reporters de "C à vous" qui seront mis à l'honneur.
En parlant des reporters, on a parfois l'impression qu'ils empruntent largement dans leur manière de faire à "Quotidien". Vous assumez cette source d'inspiration ?
J'ai travaillé il y a des année avec Marc-Olivier Fogiel - vous ne deviez pas être né Benjamin (rires) - et cette façon de faire des interviews sur le vif, d'aller titiller des hommes politiques, est une marque de fabrique très "Canal". Elle a inspiré beaucoup de journalistes.
"Nos invités sont aussi souvent nos téléspectateurs"
Parlons un peu de la programmation des invités : Vous avez désormais souvent les plus convoités. La concurrence entre les émissions est-elle toujours aussi rude ?
Il faut batailler oui. Mais "C à vous" a des qualités, ou disons des particularités, que n'ont pas les autres émissions. Nos invités, quand ils viennent à "C à vous", c'est parce qu'ils aiment la proximité, le temps qu'on leur donne et le fait qu'il n'y ait pas de public. Ca permet de créer une intimité qu'ils aiment. On leur propose quelque chose qu'il ne trouve pas ailleurs, ce qui ne les empêche pas d'aller ailleurs bien évidemment. Il y a aussi beaucoup d'invités qui viennent parce qu'ils nous regardent. C'est ça qui est dingue ! Ils nous disent : "Mais moi je vous regarde tous les soirs !". C'était le cas de Charles Aznavour. Le père de François Hollande nous regarde aussi fidèlement. C'est peut-être pour cela que son fils est venu récemment pour la deuxième fois dans l'émission. C'est amusant de voir qu'ils sont aussi nos téléspectateurs. Et c'est parce qu'ils apprécient l'émission qu'ils voient chez eux qu'ils souhaitent venir.
Le fait d'avoir un studio dans le centre de Paris, ça aide à faire venir les artistes ?
Oui parfois, mais ce n'est pas déterminant. Je n'ai jamais entendu un artiste dire : "Je viens parce que vous êtes dans le 11e" (rires).
Un talk-show d'accueil sans public semble inimaginable aujourd'hui à la télé. Pourtant, c'est ce que vous parvenez à faire dans "C à vous"...
Ca change les codes. Récemment, Gad Elmaleh a fait une vanne hyper-drôle pendant l'émission. On a rigolé et applaudi, puis nous sommes passés à autre chose. Il a dit : "C'est marrant parce que sur une autre émission, il y aurait eu une 'applause'. On se serait tourné vers le public. Là non. On rigole et on continue à manger sa carotte" (rires). L'absence de public crée vraiment d'autres codes.
C'est à dire ?
L'absence de public ne masque pas "la misère". Quand il y a un malaise, il y a un malaise. Quand il y a de la familiarité, elle n'est pas galvaudée ou interrompue par un public qui applaudit parfois de façon mécanique. J'ai le sentiment que cette absence de public crée plus de vérité.
"C'est quand même dingue que l'époque ait à ce point besoin de bienveillance"
Est-ce que ça n'implique pas que vous fassiez, vous et vos chroniqueurs, le public ? Autrement dit que vous meubliez les blancs à l'antenne ?
On n'est pas là pour meubler, mais pour rebondir, apprécier, sourire ou rire. Je ne me dis jamais : "Vas-y, meuble !". Franchement, je vis le moment avec mes invités. Après, je suis peut-être très bon public (rires).
Votre émission incarne la bienveillance et la rondeur. A l'heure de la dénonciation de la multiplication des clashs à la télévision, n'est-ce pas le positionnement d'avenir ?
Je ne sais pas si cela est calculé. Les téléspectateurs, quand ils viennent me parler de cette émission, c'est exactement ce qu'ils me disent : "On est informé avec du sourire et de la bonne humeur. Et surtout : c'est bienveillant !" C'est quand même dingue que l'époque ait à ce point besoin de bienveillance... Tant mieux si on est dans ce mood-là. Ce n'est pas forcément calculé et je ne sais pas si je pourrais animer une émission où l'on se tape dessus en permanence. Je ne sais pas si les gens, en rentrant chez eux à 19h, auraient envie de voir cela.
Dans une récente interview, Alessandra Sublet expliquait qu'il était peut-être plus dur de rire à la télévision pour une femme qu'un homme. Comprenez-vous son point de vue ?
Je comprends ce qu'elle dit dans le sens où il y a un peu de misogynie et c'est peut-être quelque chose qu'on reproche plus facilement à une femme. Souvent avec une femme, on va davantage être attentif à sa voix, si elle est ou pas haut perchée, si elle ricane bêtement quand elle rit. Est-ce qu'on pense d'un homme qu'il rit trop ? Peut-être pas souvent. Mais c'est peut-être que les hommes ne rient pas assez. Il faut vous décoincer les mecs ! (rires)
"Je ne veux surtout pas rentrer dans le contrôle"
Vous riez beaucoup dans "C à vous". Vous avez souvent le fou rire facile. Vous le reproche-t-on ?
Non, on ne me le reproche pas. Au contraire. Les gens que je croise me disent plutôt de ne rien changer. Il faut garder ce naturel. Cela fait partie de l'espèce de vérité qui émane de "C à vous". A "C à vous", la télé est quasi accessoire. Ce n'est pas un studio de télé, ça ressemble à un loft. Rien n'est fait pour la télé. Les rails des caméras sont dangereux. C'est davantage un espace de vie. On y mange tous les midis. La rédaction mange sur la table où est tournée l'émission le soir. Et ça, je pense que les téléspectateurs le ressentent. C'est d'abord la Vie, et ensuite la télé. Si je ris, je ris. Et pour l'instant, ça n'agace personne (rires). Et je ne veux surtout pas rentrer dans le contrôle... Je sais juste que mon père me dit d'arrêter de m'effondrer sur la table. Et je l'ai encore fait hier. Il a dû s'énerver devant sa télé (rires).
Votre père vous regarde tous les soirs ?
Tous les soirs. Et s'il a un empêchement, il regarde en replay. Bref, j'ai le débrief, quoiqu'il arrive le lendemain matin (rires).
La guégerre entre Cyril Hanouna et Yann Barthès ne vous a-t-elle pas indirectement servie, en renforçant l'image "positive" de "C à vous" ?
Je ne sais pas du tout. Franchement, je n'en ai aucune idée.
Quelle différence y-a-t-il entre votre public et le leur selon vous ?
C'est très difficile à dire. Je ne connais pas précisément les publics des autres. Nous, on réagit en fonction de notre public. Le lendemain matin, on regarde les courbes, on analyse quel sujet a intéressé ou pas notre public. On ne fait pas ce travail pour les publics des autres. Mais "TPMP" et "Quotidien" ont visiblement toutes les deux un public très nombreux. J'imagine donc que nous n'avons pas les mêmes publics.
"Notre public, il est âgé ? Mais rien du tout !"
La moyenne d'âge des téléspectateurs de "C à vous" est la plus élevée de l'access, avec un public de plus de 60 ans en moyenne. Est-ce que cela influence votre façon de construire l'émission ?
Non. On invite des rappeurs par exemple. Moha La Squale par exemple était récemment invité. On l'a fait rencontrer Amélie Nothomb et on a cartonné ! Et notre public, il est âgé ? Mais rien du tout ! (rires)
Dans les faits, oui...
Comme dirait Michel Drucker, on peut "vieillir jeune". Moi j'aime bien ce public qui nous fait confiance. Et si on lui dit que Moha La Squale est intéressant, il nous suit. C'est quand même chouette ! J'aime le fait que notre public reste jeune dans sa tête en étant curieux face aux sujets qu'on leur propose.
Avez-vous un objectif de rajeunissement de l'audience, ne serait-ce que pour maximiser le rendement de la page de pub avant 20h ?
Non. En matière de publicité, on n'est peut-être pas ceux qui générons le plus de revenus, mais nous sommes hyper-prescripteurs en matière de livres, de films... Ca veut dire que le public nous fait confiance. C'est ce que je retiens, davantage que son âge, son sexe, dont on se fiche.
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