Décidément Philippe Torreton aime s'indigner dans des tribunes assassines. En décembre dernier, en pleine polémique sur l'exil fiscal de Gérard Depardieu, le comédien s'en prenait de façon très virulente à son confrère dans le quotidien Libération. "Tu voudrais avoir l'exil fiscal peinard, qu'on te laisse avoir le beurre et l'argent du beurre et le cul de la crémière qui tient le cinéma français, écrivait-il. Le problème, Gérard, c'est que tes sorties de route vont toujours dans le même fossé : celui du "je pense qu'à ma gueule", celui du fric, des copains dictateurs, du pet foireux et de la miction aérienne. (...) Tu votes pour qui tu veux, et tu fais ce que tu veux d'ailleurs, mais ferme-la, prends ton oseille et tire-toi, ne demande pas le respect, pas toi !". La sortie de l'acteur, qui a reçu en 1996 le César du meilleur acteur pour "Capitaine Conan", avait provoqué l'indignation du cinéma français, et notamment celle de Catherine Deneuve qui lui avait sèchement répondu.
Ce matin, le comédien, proche du PS, reprend sa plume pour "remercier" Jérôme Cahuzac, l'ex-ministre du Budget, qui a avoué la semaine dernière avoir eu un compte bancaire en suisse. A la page 8 de Libération, qui publie aujourd'hui un dossier contesté sur les suites de l'affaire Cahuzac, le comédien ironise : "Merci Jérôme, donc, et je te jure que ce merci n'est pas une vanne, un truc au 36e degré. Grâce à toi, ce gouvernement va peut-être enfin mener une politique de gauche."
Comme le dirigeant socialiste Gérard Filoche ou Audrey Puvar, Philippe Torreton est avant tout très amer. "S'il y avait encore quelques Français persuadés que les hommes politiques méritent quand même notre confiance, comme les lave-linge Vedette, tu viens de les faire passer pour des ravis de la crèche !". Il poursuit : "Ça va être dur maintenant de lutter contre la vague poujadiste du "tous pourris !" Ça va être compliqué de se passionner pour le débat politique sur Public Sénat. Je plains d'avance les ministres qui devront répondre aux prochaines questions d'actualité. Qui devront prendre des accents de vérité et de vertu républicaine. Comment va-t-on faire pour les écouter ?".
Mais le comédien se veut optimiste et appelle les pouvoirs publics à amplifier la lutte contre le blanchiment avec une vraie "révolution fiscale". "Le gouvernement devrait saisir cette balle au bond pour réformer la fiscalité et commencer un vrai travail de lobbying européen pour rendre "cahuzac" (je tente le coup !) toute tentative d'évasion fiscale, écrit Torreton. (...) Nous sommes, grâce à toi Jérôme, persuadés que la France va se doter d'un système de traçabilité, une sorte d'Interpol fiscal. (...) Le gouvernement doit entrer en guerre contre les comme toi, contre ce cynisme qui fait que rien ne vous arrête. L'argent rassemble les gens de bonne compagnie, l'argent fait dîner la droite et la gauche dans de beaux appartements, l'argent relègue la conviction politique à un bon mot en fin de repas, en s'essuyant le coin de la bouche devenu rond comme un cul-de-poule avec la serviette brodée moulée sur l'index..."
Alors que Cahuzac est tenté de récupérer son fauteuil de député, Torreton appelle à des sanctions exemplaires contre les fraudeurs : "Arrêtons de mégoter : tout homme politique pris la main dans le sac d'une vieille dame suisse devrait être privé à vie de tout mandat électif, et de toute participation à la vie politique française de quelque façon que ce soit." Le comédien en profite pour demander que toute la lumière soit faite sur les affaires Karachi et Bettencourt.
L'acteur termine sa longue tribune par une critique féroce des médias. "Grâce à toi, peut-être que des journalistes vont enfin en finir avec leurs copinages politiques, peut-être que cette profession va redécouvrir les vertus de sa carte de presse, se dire que finalement, l'indépendance ce n'est pas si mal ? Que l'un des secrets de ce métier réside dans l'insistance, qu'il ne suffit pas d'évoquer un sujet une fois pour prétendre en avoir parlé. Alors merci, et maintenant bon courage, tu devrais avoir du temps maintenant pour réfléchir à ce que font 600.000 euros en places en crèche, en salaires d'infirmières, en allocations logement, en policiers sur le terrain, ou en mois de salaires de juge d'instruction", conclut-il.