Coup dur pour "Les Marseillais". Mardi soir sur W9, le programme de télé-réalité a atteint son plus bas niveau de la saison en signant une part d'audience de seulement 1,6% sur l'ensemble du public. Depuis le début de l'actuelle édition se déroulant au Mexique, Julien, Paga et leurs fratés ne sont d'ailleurs pas à la fête avec une moyenne en audience veille de seulement 500.000 fidèles, pour près de 2,2% de PDA. Un score à peine au niveau de la moyenne de W9 en février (2,3%), alors que le programme d'access de Banijay était jusque-là une locomotive pour la chaîne du groupe M6.
Ces scores décevants sont d'autant plus une tuile pour W9 qu'elle comptait sur les 10 ans de sa marque phare de télé-réalité pour se relancer en access, après la déprogrammation prématurée des "Princes et des princesses de l'amour", en février dernier. Proposée précédemment dans la case, cette quotidienne produite par Studio 89 avait vu ses audiences plonger à 300.000 fidèles, pour 1,3% de part d'audience sur l'ensemble du public.
Ces faibles audiences ne sont pas propres à W9. Sur TFX, "10 couples parfaits" ne fédère chaque soir que 185.000 fans et 1% de PDA 4+, quand la chaîne affiche en février une moyenne de 1,6%. Programmée précédemment dans la case, "La bataille des couples" ne faisait pas d'étincelles non plus, fidélisant pour sa part 225.000 téléspectateurs pour 1,3% du public. L'année dernière, c'est NRJ 12 qui renonçait pour la première fois depuis une décennie à aligner une téléréalité en access. Face à la dégringolade des audiences des "Anges" ces dernières années, la chaîne avait décidé de miser sur un feuilleton quotidien à destination des jeunes baptisé "Influence". Mal lui en a pris puisque les audiences catastrophiques du programme l'ont contraint à le déprogrammer rapidement.
Qu'il est donc loin le temps où la télé-réalité de deuxième génération ringardisait ses illustres prédécesseurs d'enfermement comme "Loft Story", "Nice people" ou "Secret Story". Important les codes narratifs de la fiction, "Les anges", "Les ch'tis" et consorts ont fait pendant la décennie 2010 les belles heures des chaînes de la TNT. Qui se souvient qu'en 2014, "Les Anges de la télé-réalité" pouvaient réunir sur NRJ 12 jusqu'à un million de téléspectateurs, 8% du public et pas moins de 16% des ménagères de moins de cinquante ans ?! En novembre 2020, "Les Marseillais" fédéraient encore jusqu'à un million de téléspectateurs sur W9.
"Ce type d'émissions comme beaucoup d'autres pâtissent d'un contexte conjoncturel particulièrement lourd en actualité avec la crise du Covid, la guerre en Ukraine et l'élection présidentielle", veut croire Jérôme Fouqueray, le patron des programmes de W9, pour qui ce trou d'air serait donc passager. S'il reconnaît un fléchissement des audiences en linéaire, le cadre de M6 estime que la forte consommation des séries-réalité en replay et sur les réseaux sociaux est la preuve d'une "attractivité intacte", notamment auprès du jeune public.
Les réseaux sociaux justement, sont pourtant souvent désignés comme les premiers fossoyeurs de ces programmes. Omniprésents sur Instagram, Snapchat et TikTok pendant et entre les tournages, les candidats de télé-réalité ne créeraient plus assez le manque auprès de leurs jeunes fans. Ils n'hésitent pas non plus à divulgâcher les rebondissements des prochaines saisons de leurs émissions télé. En juillet 2021, les fans de Julien Tanti avaient ainsi appris sur les réseaux sociaux sa sortie précipitée du tournage des "Marseillais" pour cause de blessure. L'histoire ne sera montrée que trois mois plus tard sur W9. Comme effet de surprise, on a connu mieux.
"On est passé de candidats naturels qui venaient passer un bon moment, gagner un peu d'argent et de notoriété grâce à la télé, à des professionnels qui se servent des télé-réalités pour engranger du follower pour leurs futurs placements de produits sur les réseaux sociaux", regrette un cadre d'une chaîne de la TNT diffusant ces séries-réalité, et préférant garder l'anonymat.
"Au fil des années, le milieu s'est professionnalisé", abonde un autre. "Ce sont toujours les mêmes candidats, entourés de leurs agents, qui tournent d'une émission à une autre, dans une proximité avec les équipes de production peu propice au renouvellement du genre. Certains pensent même pouvoir scénariser eux-mêmes les émissions. A l'arrivée, ça ressemble de plus en plus à de la mauvaise comédie avec des candidats auxquels les téléspectateurs ne croient plus".
Rôle néfaste des réseaux sociaux, professionnalisation affadissante des candidats, manque de renouvellement, mais aussi essorage pur et simple du genre. Appâtés par sa rentabilité, chaînes et producteurs ont de concert multiplié en une décennie le nombre de marques et de saisons mises à l'antenne. A titre d'exemple, de 2012 à 2022, W9 a proposé pas moins de 6 saisons des "Ch'tis", 11 saisons des "Marseillais", 9 éditions des "Princes de l'amour", ou encore 4 des "Apprentis aventuriers", pour ne citer que les principales productions.
Producteurs et diffuseurs ont aussi allongé démesurément le nombre d'épisodes diffusés et la longueur de ces derniers. "Durant les premières saisons des 'Anges', on commandait des saisons qui faisaient 40 épisodes de 30 minutes environ chacun. Pour les dernières, on demandait des saisons de 115 épisodes de 52 minutes !", se souvient un ancien dirigeant de NRJ 12. "Résultat, les producteurs tiraient à la ligne, affaiblissaient fatalement les enjeux du programme et n'avaient pas le temps de réfléchir à son renouvellement. De là un sentiment parfois de tourner en rond..."
Donné mort tant de fois par le passé, ce genre indéfinissable qu'est la télé-réalité saura-t-il se relancer une nouvelle fois ? Oui, selon Jérôme Fouqueray qui promet des "aménagements" pour les marques actuelles de W9 et surtout le lancement "de nouvelles dès la rentrée prochaine".
"Après 10 ans, on est peut-être au bout d'un cycle naturel", s'interroge pour sa part Jérémy Michalak, le créateur des "Anges de la télé-réalité". Le producteur se garde toutefois bien de prononcer la mort du genre. "Quand on a présenté la saison 1 des 'Anges' à la presse en 2011, tout le monde nous a dit que la télé-réalité était un genre mort. Finalement, ça a lancé un nouveau cycle en France".