Absent des médias depuis son départ de "Touche pas à mon poste !" en juin 2023 après sept saisons, Benjamin Castaldi est à l'origine de la pièce "Bungalow 21", dont France 2 propose, ce mardi 26 mars 2024 à 21h10, la captation depuis le Théâtre de la Madeleine à Paris. Mise en scène par Jérémie Lippmann, celle-ci réunit pour la première fois Mathilde et Emmanuelle Seigner et met en lumière la rencontre puis les déboires dans le Beverly Hills Hotel de Los Angeles en 1960 de deux couples iconiques du cinéma, Simone Signoret-Yves Montand (Mathilde Seigner-Michaël Cohen) et Marilyn Monroe-Arthur Miller (Emmanuelle Seigner-Vincent Winterhalter).
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"Ce que l'on a vraiment voulu montrer avec Éric-Emmanuel Schmitt (auteur de la pièce, ndlr), c'est que quand ils arrivent à Hollywood, c'est un ciel bleu sans aucun nuage. On pense que rien ne peut arriver et tout arrive". Benjamin Castaldi raconte à puremedias.com les coulisses de ce projet, entamé il y a quatre ans et qui pourrait débuter une seconde vie aux États-Unis en 2026, conspue les critiques de la presse qu'il qualifie de "bien-pensante".
Propos recueillis par Ludovic Galtier Lloret
puremedias.com : Quel a été votre rôle dans le développement de ce projet ?
Benjamin Castaldi : Un rôle d'incubateur. J'avais eu cette idée avec Philippe Stoltz (producteur, ndlr), qui est un collègue de longue date. Il m'a dit "Tu devrais essayer de monter une pièce" autour de la brève liaison entre Marilyn Monroe et Yves Montand en marge du tournage du film "Le milliardaire". N'étant pas dramaturge, j'ai fait appel aux services d'Éric-Emmanuel Schmitt. On a travaillé ensemble au cours de belles sessions de travail...
À quoi ressemblaient ces sessions ?
Nous avons échangé pendant des heures sur l'histoire de mes grands-parents à partir de lettres de ma grand-mère que j'avais en ma possession. Dans ces lettres très profondes, Simone Signoret a écrit à son mari tout le mal qu'elle pouvait subir et le bien qu'elle pensait de lui. Elles ont largement contribué à nourrir la pièce. Michel Lumbroso (directeur général du théâtre de la Madeleine, ndlr) et Aurélien Binder (directeur de Fimalac Entertainment*) ont dit banco après la lecture de la pièce que l'on a enfin pu monter après quatre ans, dont deux ans de covid. Au même moment, Mathilde Seigner, que j'avais harcelée depuis tant d'années, m'a enfin donné son accord et m'a proposé sa soeur pour le rôle de Marylin.
*Fimalac Entertainment est une filiale de Fimalac, propriétaire de Webedia, éditeur de puremedias.com.
"La pièce est associée à de mauvais souvenirs pour ma mère Catherine Allégret"
Mathilde Seigner était une évidence pour le rôle de Simone Signoret, votre grand-mère ?
À l'écriture, c'était évident. À un moment, quand elle disait non, d'autres noms ont été évoqués mais pour moi, Mathilde était celle qui matchait le mieux avec ma grand-mère pour plein de raisons comme le timbre de voix, le regard bleu marine, l'autorité naturelle.
Votre mère, Catherine Allégret, a-t-elle eu voix au chapitre ?
Pour ma mère, c'est un sujet très compliqué pour des raisons historiques et personnelles. Elle a appris à l'âge de 14 ans par les journaux sur la plage de Saint-Jean-de-Luz que sa maman était trompée par son beau-père. Donc c'est associé à de mauvais souvenirs pour ma mère. Elle savait néanmoins que je montais ce projet et a vu la captation. Elle l'a bien aimée mais pour elle, c'est un sujet très sensible. Pour ma soeur et pour ma mère, ce sont des sujets compliqués.
Pour vous moins ?
Oui, parce que moi, j'étais très complice avec Montand. Il m'a raconté dans le détail toute l'aventure américaine. J'ai donc beaucoup d'anecdotes historiques et authentiques de sa part. C'est aussi la complicité de garçons par rapport aux filles.
"Pour la presse, il ne fallait pas que Castaldi, Schmitt et Seigner fassent un succès ensemble"
Comment avez-vous été accueilli par le monde du théâtre, vous l'animateur télé?
Très mal ! Parce que c'est la rencontre de la carpe et du lapin. Qu'est-ce que fout ce con de Castaldi avec Schmitt ? Qu'est-ce qu'il vient faire au théâtre ? C'est le microcosme franco-français. On s'est fait déchirer par toute la presse bien-pensante, ce n'est pas très grave.
C'était couru d'avance, selon vous ?
Je savais que j'allais me faire démonter par principe. Ils m'ont démonté, ils ne sont pas plus heureux. Moi, je suis beaucoup plus heureux parce que la pièce existe et je penserai à eux quand on fera la première à Broadway (rires).
Aucune critique sur la mise en scène et les clichés qu'elle fait rejaillir n'était donc justifiée ?
Certaines critiques étaient plus ou moins justes mais globalement, pour la presse, il ne fallait pas que Castaldi, Schmitt et Seigner fassent un succès ensemble. Cela n'allait pas. Comme disait un ami à moi, tout ça sent trop la foufoune et pas assez le savon.
"Ne pas diffuser la pièce en direct est un choix artistique"
Malgré tout, France 2 vous a suivi...
France 2 ne s'y est pas trompée en effet. On a eu la chance de recevoir Michel Field (directeur de la culture et du spectacle vivant à France Télévisions, ndlr) et toute son équipe aux répétitions. Ils ont adoré la pièce et c'était très logique que le service public rende hommage à Signoret, Montand et Marylin. Ils sont beaucoup plus malins que tous les abrutis que l'on peut côtoyer au quotidien.
Pourquoi France 2 et pas C8 avec qui vous avez travaillé entre 2016 et 2023 et qui diffuse également du théâtre sur son antenne?
C'était moins la came du groupe Canal+. Il en a été question mais je crois que c'est plus une mission de service public que celle du groupe Canal+.
Pourquoi la pièce n'a-t-elle pas été diffusée en direct ?
La question s'est posée là aussi. La captation est très chiadée, on a voulu cinématographier un peu tout ça. Et le direct ne permettait pas de le faire. C'était plus confortable d'enregistrer sur deux jours avec un vrai montage notamment de la scène au cours de laquelle Marilyn danse. C'était un choix artistique.
Des images d'archives en noir et blanc ouvrent la pièce. On aperçoit des photographes sur le tarmac d'un aéroport. S'agit-il de vraies images qui précèdent l'arrivée d'Yves Montand et Marilyn Monroe ?
Je crois que c'est un mélange de vraies et de fausses images. On a pris un avion qui n'avait rien à voir. C'est de la scénographie ! Nous voulions surtout replonger le spectateur et le téléspectateur dans l'ambiance de l'époque. Cette histoire est quand même folle. On est en 1960, vous avez la plus grande star du cinéma mondial, Marilyn Monroe, qui fait venir un petit Français qui vient de triompher à New York. Ce qui n'arrive jamais sur les scènes de music-hall. Yves Montand vient avec sa femme, nommée aux Oscars et qui va gagner (meilleure interprétation féminine pour "Room at the Top"). Le contexte est fou. Les Américains ne sont s'y pas trompés, ils ont adoré.
"Ce sera un spectacle beaucoup plus musical aux États-Unis"
Broadway, c'est vraiment pour bientôt ?
Ah oui, ce n'est pas une blague. Les Américains ne s'embarrassent pas de préjugés à la con. C'est pour cela qu'ils réussissent et pas nous. Ils ont adoré cette histoire d'amour à trois et la vraie révélation de la pièce. C'est-à-dire que Marilyn était raide dingue de Montand et que Montand ne l'était pas. Je suis en train de développer l'intégralité de cette histoire entre Montand et Marilyn, un peu avant, un peu après jusqu'à la mort de Marilyn. Ce sera aussi l'objet de la suite américaine.
Comment travaillez-vous à l'américanisation de la pièce pour 2026 ?
Ce sera un spectacle beaucoup plus musical. Ils vont changer de projecteur et raconter l'histoire du côté de Marilyn, moins du côté de Simone. Et ce n'est pas grave, cela ne rendra pas l'histoire moins belle. Surtout, je pense que le monde va découvrir – parce que l'on a les enregistrements de Marilyn avec son psy – à quel point, pour Marilyn, Montand a été un personnage plus qu'essentiel. Il lui rappelait Joe DiMaggio, son premier mari italien un peu macho. Montand et Di Maggio ont des caractères proches l'un de l'autre.
"Simone Signoret était la plus soumise des féministes"
Le machisme d'Yves Montand est d'ailleurs mis en exergue dans la pièce...
Oui, c'est très dur. Mais on ne peut pas tout annuler non plus. Pour ma part, la cancel culture, ce n'est pas tellement mon truc. Il serait grand temps de ne plus juger une époque par rapport à la nôtre.
Au téléphone, Simone Signoret dit à Yves Montand qu'elle est "humiliée par les médias" au moment où la presse fait ses choux gras de la liaison entre l'acteur et Marilyn Monroe. Cette phrase vous a-t-elle traversé l'esprit au cours de votre parcours à vous aussi ?
Humilié par les médias ? Non ! Dans mes relations tumultueuses et amoureuses, le trompé n'était pas un sex-symbol mondial. Donc ça relativise tout ça et c'est très bien ! Je n'ai jamais eu ce sentiment.
Simone Signoret était-elle féministe ?
C'était la plus soumise des féministes. C'est une sous-catégorie des féministes. Elle était à la fois militante de tous les combats comme l'avortement par exemple. Mais c'était avant tout une femme amoureuse. Ce que l'on peut regretter parfois dans le féminisme, c'est que l'amour de l'homme est dégradé. La phrase de la pièce, c'est "Il est plus facile pour moi de te pardonner que de ne pas t'aimer". C'est le résumé de la pièce et d'ailleurs, je travaille sur le roman de cette histoire-là. Et le titre que j'ai choisi, c'est "Si tu ne devais plus m'aimer, essaie de m'aimer un peu quand même". Ce qui est tragique !
"Michel Drucker ne me le dira jamais mais il a fait en sorte que la captation soit possible"
Dans le générique de fin, on peut lire "remerciements à Michel Drucker" ? Pour quelle raison ?
Michel est le premier à avoir vu la pièce. Michel et moi sommes plus que liés. J'ai été très proche de lui pendant qu'il était malade. Avant qu'il ne tombe malade la première fois, il a lu la pièce en une nuit et m'a rappelé le lendemain en me disant à quel point elle était géniale. Il était très fier de son petit poulain et de la tournure que ça prenait. Il a été très impliqué. Même si je pense qu'il ne me le dira jamais, il a fait en sorte que cela soit possible bien évidemment. De toute façon, on doit toujours tout à Michel Drucker. C'est mon papa de télé, il est d'une fidélité indéfectible et je le lui rends bien.