Une nomination qui crée des remous. Hier, le Bureau de l'Assemblée nationale a désigné Bertrand Delais pour prendre la tête de la chaîne parlementaire LCP, qui partage avec Public Sénat le canal 13 de la TNT gratuite. Bertrand Delais prend ainsi la succession de Marie-Eve Malouines, aux commandes de la chaîne depuis 2015. Il a été félicité par cette dernière, ainsi que par le troisième finaliste, Thierry Guerrier.
Mais le choix de Bertrand Delais comme président de LCP est déjà contesté. Présenté comme un proche d'Emmanuel Macron, notamment pour avoir réalisé deux documentaires sur le président de la République, il est critiqué par l'opposition pour sa bienveillance à l'égard du chef d'Etat. "50 ans après 1968, un parfum d'ORTF... Nouvel obus contre le pluralisme", a tweeté Clémentine Autain, députée de la France insoumise, pointant du doigt une "misère démocratique". "C'est une mainmise du parti présidentiel sur un média", a grogné Alexis Corbière, qui a participé au comité de sélection du nouveau président.
Même son de cloche à droite. Lydia Guirous, porte-parole des Républicains, a également critiqué sur Twitter la nomination de Bertrand Delais, "réalisateur de documentaires hagiographiques sur Jupiter" : "Le nouveau monde méprise tout, démocratie et journalisme, et ne cherche même pas à le cacher". "Le nouveau président de LCP, Bertrand Delais, non-content d'être un macroniste béat et un militant anti-FN, pense que la France est 'crispée et raciste'. Il y a un vrai problème avec les médias et le traitement de l'information dans notre pays", a écrit Marine Le Pen sur son compte personnel.
Autre prise de position importante, celle de Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de "Libération". "LCP, La Chaîne Pour... Macron", a titré le journaliste dans son édito, reprenant ensuite des louanges de Bertrand Delais adressées à Emmanuel Macron dans son blog. "Ce n'est plus un blog, c'est un pistolet à confiture. Bertrand Delais a recueilli le suffrage des députés En marche et suscité l'opposition de tous les autres groupes", a souligné Laurent Joffrin, ajoutant : "Rappelons que LCP n'a pas pour vocation d'exprimer les vues de la majorité parlementaire, mais de refléter de manière autant que possible honnête, la vie de l'Assemblée et le déroulement du débat politique national."
Pour sa part, interrogée par franceinfo, la SDJ de LCP "n'a pas envie de lui faire de procès d'intention alors qu'il n'est pas installé", mais "jugera sur pièce" et promet de "rester vigilante sur ses liens avec le pouvoir". "Nous attendons avec impatience de retrouver la sérénité et une ambiance de travail digne de ce nom. Qu'il soit Macron-compatible ou pas, il n'aura pas à intervenir dans le choix des sujets. Cela relève de la responsabilité des équipes", a estimé la Société des journalistes de la chaîne.
Dans une interview à "Télérama" hier, Bertrand Delais a assuré avoir "gagné à la régulière". "Que le candidat qui est resté en tête le plus longtemps soit celui qui gagne à la fin est assez logique", a-t-il lancé. "En tant que président, je n'ai pas l'intention de me mêler du rédactionnel. Je ferai confiance au rédacteur en chef qui sera nommé", a-t-il assuré, avant de conclure : "Il pourrait très bien arriver, à l'avenir, qu'Emmanuel Macron soit agacé par une question de l'un de 'mes' journalistes..."