Aujourd'hui s'ouvre à Paris le HubForum à Paris dont puremedias.com est partenaire. Ce salon réunit des décideurs qui échangent sur leur stratégie de communication à l'heure du numérique. Rencontre avec Manuel Berquet-Clignet, directeur marketing de Coca-Cola France, alors que la marque vient une nouvelle fois d'être désignée comme la première marque mondiale.
puremedias.com : On a appris cette nuit la mort de Steve Jobs, le charismatique patron d'Apple. L'émotion est grande à l'annonce de sa disparition. Quelle est votre réaction ?
Manuel Berquet-Clignet : Evidemment, l'émotion est très forte. C'est quelqu'un qui a inspiré ma génération et les suivantes donc on ne peut pas rester insensibles à sa disparition. C'est un choc. Malheureusement, on y était un peu préparés quand il avait annoncé fin août qu'il se retirait d'Apple, on pouvait craindre le pire et, malheureusement, le pire est arrivé. C'est la dispararition d'un homme qui aura marqué l'histoire et inspiré un certain nombre de personnes.
Vous pensez que c'est un cap difficile à surmonter pour la marque, en terme d'image notamment ?
Je pense qu'il avait bien préparé sa succession. Apple est une entreprise très très secrète, et elle ressemble à Coca-Cola sur certains points, mais j'imagine qu'une entreprise responsable comme Apple prépare ce type d'événement malheureux. C'est lui qui a incarné toutes ses innovations en faisant les présentations à l'extérieur mais il y a toute une équipe à l'intérieur qui est toujours là. J'espère qu'ils retrouveront un nouveau souffle pour repartir mais j'imagine que ça doit être un choc très fort au sein de l'entreprise. Chez Coca-Cola, on a aussi vécu des drames de ce genre. Ce sont des caps douloureux et très difficiles à passer mais qui peuvent aussi renforcer les équipes.
Il y a quelques jours, on a appris que Coca-Cola restait une nouvelle fois la première marque mondiale. Un tel statut ne complique-t-il pas votre travail en étant lourd à porter ?
C'est quand même plus confortable d'être la première marque mondiale que la dernière (rires). Tout est compliqué, à tous les niveaux, dans un contexte économique compliqué, dans un contexte politique compliqué puisqu'on veut taxer notre catégorie de produits. Ce qui fait le succès de Coca-Cola, c'est sa cohérence. Depuis sa création en 1886, Coca-Cola a eu des communications extrêmement cohérentes sur la jeunesse, le rafraichissement, le plaisir, les petits moments de bonheur et c'est ça qui fait à un moment donné qu'aujourd'hui, on reste toujours la première marque mondiale. Beaucoup d'entreprises essaient de changer souvent de stratégie, de positionnement de marques, je pense que quand on a un positionnement performant, ça fonctionne toujours. Ce qui est le plus difficile à conserver, c'est la cohérence.
La question est un peu naïve mais quand on s'appelle Coca-Cola et qu'on a un tel niveau de notoriété, est-ce encore utile de communiquer ? Est-ce qu'on n'est pas parfois tétanisés à l'idée de communiquer en disant que ce serait déjà bien de garder ce qu'on a aujourd'hui ?
Il faut continuer à communiquer mais différemment. Aujourd'hui, on ne touche plus de la même manière nos consommateurs qu'il y a encore trente ans. On a d'abord communiqué essentiellement en radio, puis en télévision et aujourd'hui, c'est vraiment l'intéractivité et avoir un discours de contenu de marques et des positionnements qui génèrent du contenu, et un consommateur qui décide de le regarder ou non puis de le diffuser ou pas. C'est ça la grande différence. A l'origine, Coca-Cola a été la première marque à aller à la rencontre de ses consommateurs pour remettre le produit dans leurs mains : aux Etats-Unis, Coca-Cola allait sur les terrains de sport pour faire découvrir le produit. C'est toujours ce qu'on fait aujourd'hui, encore plus d'ailleurs, pour faire partager des petits moments de bonheur avec les consommateurs autour de thématiques. Cette année, on a fête le 125ème anniversaire de la marque en faisant une tournée dans les villes de France en jouant la proximité physique et virtuelle avec les consommateurs.
Dans le même temps, Coca-Cola va dans des univers plus branchés avec une collection signée Castelbajac ou encore les bouteilles de boîtes de nuit dessinées par Mika ou Daft Punk. C'est un autre pan de communication de la marque ?
Coca-Cola a toujours inspiré les artistes, comme avec la bouteille d'Andy Warhol. Il y a toujours eu une très forte proximité avec le milieu artistique. Coca-Cola, c'est un peu l'éternelle jeunesse donc les créateurs, les sportifs sont au coeur de notre ADN. Ca a toujours existé mais peut-être que vous le voyez plus aujourd'hui d'un point de vue médiatique.
Vous avez évoqué cette taxe sur les sodas décidée par le gouvernement, une taxe qui pourrait d'ailleurs être doublée. C'est un gros coup dur pour Coca-Cola ?
C'est évidemment un coup dur. C'est un coup dur pour l'ensemble de notre catégorie. Taxer une catégorie de produits, c'est lui faire du mal, bien évidemment. On trouve que cette taxe est absolument injustifiée. Elle était annoncée au début sous couvert d'obésité mais je voudrais juste rappeler que les boissons pétillantes contribuent pour 3% de l'apport nutritionnel moyen d'un Français. Donc si on veut s'en prendre au problème de l'obésite, faisons-le vraiment mais pas par des actions de ce genre. On est assez inquiets de voir ce débat, des mesures qu'on annonce doubler ou tripler. C'est un peu inquiétant pour tout vous dire.
Avez-vous envisagé un temps de communiquer sur le sujet via des publicités, des publications dans la presse ?
C'est délicat parce qu'on préfère communiquer sur des valeurs positives de notre produit plutôt que sur des taxes, en plus dans un contexte économique qui est très difficile. On est une boisson plaisir, accessible et c'est pour ça que la marque est toujours N°1 au niveau mondial. On préfère communiquer sur des messages positifs mais le débat a bien lieu. Il suffit de regarder les sondages, ce que l'opinion publique en pense : on regarde cela avec beaucoup d'intérêt et de précision, et je peux vous dire que les Français n'apprécient pas forcément cette mesure.