Eux connaissent déjà l'issue du concours, le "reveal" ayant été filmé il y a quelques jours. Mais pour les 3,2 millions de téléspectateurs qui suivent l'émission chaque semaine, en audience consolidée, le suspense est entier concernant le nom du gagnant de "Top Chef" 2016. Ce soir, Xavier et Coline s'affronteront pour décrocher ce titre lors de la finale tournée à Deauville. Il y a quelques jours, les deux finalistes ont répondu aux questions des journalistes, et ont évoqué leur parcours, leurs difficultés et leur image.
Propos recueillis par Charles Decant.
Vous vous attendiez à vous retrouver tous les deux en finale ?
Xavier : J'y ai pensé à un moment. C'est vrai, au début, Coline était là mais ce n'est pas elle qui me faisait le plus peur. Moi, j'étais vraiment là pour gagner, j'étais motivé à fond. Vers le milieu du parcours, je me suis dit qu'il fallait faire attention à Coline, parce qu'elle a des bonnes qualités en cuisine et il y a moyen qu'elle accède à la finale !
Qui te faisait le plus peur au départ ?
Xavier : Wilfried au début, mais il est parti vite. Mais c'est quelqu'un qui avait des grandes capacités, très compétiteur. Franck me faisait peur aussi, en raison de sa maturité, il avait 35 ans.
Coline : Et il a une formation de pâtissier, il a son propre restaurant donc ça veut dire qu'en cuisine, il maîtrise un peu !
Xavier : Il connaît bien le concours en plus, son meilleur pote, c'est Pierre Augé. Il avait beaucoup d'avantages on va dire !
Coline : Moi j'avais imaginé Xavier en finale, parce que dès le début j'avais vu qu'il était très compétiteur. Et sur les épreuves, on voit qu'il a une technique très élevée. Mon objectif, c'était la finale, mais je n'étais pas sûre d'y arriver. Et en fait, au fur et à mesure des épreuves, j'ai commencé très petit et j'ai pris confiance en moi, et j'ai bien évolué. Et je pense que je n'ai pas volé ma place face à lui.
Vous êtes très concentrés sur vos plats pendant les épreuves, mais vous avez l'air d'avoir pu vous faire une idée du niveau des autres. Comment ça se passe ?
Xavier : A la fin de chaque épreuve, les assiettes de tout le monde sont sur leur poste, donc on peut passer, voir ce qui a été fait. Quand on voit une assiette hyper bien dressée, tu te dis "Merde", quoi. Quand tu vois tout le travail fait par Thomas en une heure aussi.
Coline : On le voit, et on entend un petit peu ce qui se passe en cuisine. Quand on entend un candidat qui dit qu'il n'a pas fini, on voit bien qu'il a planté. Et après, on a parfois les retours du jury tout de suite, devant tous les candidats. On voit un peu où chacun se situe. Mais j'ai trouvé que c'était assez homogène, il n'y en a pas un qui était le gagnant écrit d'avance ! Après, on découvre aussi des choses lors de la diffusion.
Comme quoi ?
Xavier : C'est vrai qu'il y a des surprises. Certaines assiettes ou des réactions d'autres candidats. Il y en a... Je ne voyais pas Gabriel comme ça, par exemple !
Coline : Moi non plus !
Xavier : Je savais qu'il était... Mais, il est parti en vrille à un moment !
Coline : Mais c'est plus le fait qu'on était par groupe au début, donc on ne voyait pas ce que faisaient les autres. Donc à la diffusion, on découvre les qualités de certains candidats. On comprend pas mal de trucs. Et on voit les voix off des chefs, parce qu'avant, on ne sait pas ce qu'ils pensent de nos plats, ou ce qu'ils pensent de nous. On ne sait pas non plus vraiment le niveau des candidats. Donc pendant la compétition, on n'est jamais serein.
Xavier : Quand on fait une épreuve, tout de suite après, on part en interview. On ne voit pas ce que pensent vraiment les chefs de notre plat. Après, on arrive sur le plateau, on nous donne le résultat et on repart en interview ! C'est difficile de connaître le niveau des autres.
Certains candidats accusent le montage de les montrer sous un jour peu avantageux. Vous avez découvert des choses sur vous au montage ?
Xavier : Je me suis trouvé très serein ! Je ne m'en rends pas forcément compte parce qu'au fond de moi, j'ai beaucoup de doutes, je suis quand même stressé. Mais il faut croire que je cache bien mon jeu !
Coline : Je me suis reconnue sur plein de points. Je suis très spontanée, très naturelle, je dis ce que je pense et en même temps, je suis vraiment dans l'échange, dans le partage. Et en même temps il y a toujours une partie de moi qui dit "Oui tu peux le faire ! Oui t'es compétitrice ! T'aimes ça, t'aimes le challenge donc va plus loin". Ce mental assez fort m'a surprise parce que je ne pensais pas l'avoir autant. Mais je n'ai pas eu de grande surprise.
Et parfois tu t'es dit que tu disais souvent "Putain" ?
Coline : (Rires) Mais ça je le sais depuis toujours ! Toute ma vie, depuis que j'habite à Marseille, j'emploie ce mot tout le temps. Et tout le monde me le dit - pas à Marseille, parce que c'est comme ça chez nous - mais même mes parents me le disent. Après, j'ai envie de dire aux gens, quand tu dis "Putain de merde", c'est un concours, il y a la pression... Ca veut dire ce que ça veut dire aussi ! J'ai été très moi, très naturelle, et je ne regrette pas de dire "Putain" à toutes les phrases parce que ça fait partie de moi. Je peux être très douce comme très vulgaire et en cuisine, je suis très vulgaire ! (Rires)
Vous étiez tous les deux compétiteurs, mais vous n'êtes pas allés aussi loin tous les deux. Xavier, tu as par exemple caché ta vanille pour éviter que Gabriel t'en demande. Coline, toi, tu as aidé Pierre qui était en difficulté sur une fin d'épreuve...
Xavier : Il y a la gentille et le méchant, quoi !
Ce n'est pas aussi simple que ça, et sur le moment, tu le justifies très clairement. Est-ce que tu referais la même chose ? Est-ce que tu t'es interrogé sur la façon dont les gens l'ont perçu ?
Xavier : Si je devais refaire la même chose, je le referais. C'est un concours, c'est comme ça. Il y a eu l'histoire du jus d'orange dans un premier temps. On m'a dit que j'avais tout pris. Il faut savoir que le jus d'orange, si t'en voulais, il fallait le prendre dans le garde-manger. Si tu ne l'as pas pris, tant pis ! Je ne vais pas te donner la main : si tu tombes, tu restes par terre, c'est un concours. En ce qui concerne la vanille, tu l'as pas prise ? Désolé pour toi, mec ! Les 100.000 euros, ils sont pas pour toi. "Top Chef", il faut le mériter : t'as oublié un truc dans le frigo, ça m'est arrivé aussi, tu ne vas pas aller voir un mec en disant "Aide-moi ! Aide-moi !" Le concours, c'est "Démerde-toi tout seul". Tu dois être concentré du début jusqu'à la fin et savoir rebondir.
Toi, Coline, tu n'as pas exactement la même vision du concours...
Coline : C'est ça qui fait qu'on est des personnes différentes. Moi, je ne sais pas si c'est une plaie ou pas pour moi, mais j'ai des parents qui ont fait du social toute leur vie. L'échange, le partage, ça fait partie de nos valeurs. Ils ont accueilli cinq Bosniaques chez moi quand c'était la guerre... Aujourd'hui, je ne peux pas - et je ne dis pas que c'est ce que fait Xavier - écraser les autres pour me sentir plus forte. Xavier a raison, il faut rester concentré, c'est une compétition. Mais si je peux arriver au bout en aidant les gens qui m'entourent, je trouve que c'est encore plus beau. Après, je n'aurais peut-être pas eu ce fair play avec tous les autres candidats.
On l'a vu, quand tu t'es retrouvée en dernière chance face à Joy Astrid, tu espérais qu'elle se plante !
Coline : Oui mais ça aurait été n'importe qui en face, j'aurais eu le même discours. De toute façon, ce duel entre nanas, il le fallait. Ils le voulaient je pense. Ce que j'ai mal vécu pendant cette épreuve-là, c'est que je n'avais pas à être là ! Je marque par deux fois des points, et je me retrouve en dernière chance à deux, au milieu du concours ?! Je me suis dit qu'il n'y avait pas moyen que je saute à ce moment-là, après avoir fait deux grands plats, juste parce que les autres se sont loupés. Donc j'ai vrillé, et j'avais la haine. Et ça aurait été n'importe quel autre candidat, même Franck ou Pierre, ça aurait été pareil. J'ai trouvé ça injuste et je déteste l'injustice ! Et ça m'a gavé de faire cette dernière chance à deux, à 23h30, au Puy du Fou. Ce jour-là, j'ai vraiment pas eu de chance...
Et là, s'il lui avait manqué du beurre, tu lui aurais donné du beurre ?
Coline : Mais oui ! D'ailleurs ce soir-là, elle cherche un blender, et je lui donne le mien, donc ça prouve bien que je ne suis pas là pour la faire tomber en l'écrasant. Mais j'espère qu'elle fait moins bien que moi parce que je suis fatigué et que je n'ai pas à être là. Et heureusement qu'on a vu que je lui passais le blender ! J'ai déjà reçu assez de critiques comme ça... Vous n'y étiez pas donc taisez-vous ! C'est bien de s'exprimer sur ce genre de trucs. Et Pierre, je l'ai aidé, ce n'était pas calculé. On est tellement pris dans le truc...
Ca a été assez violent sur les réseaux sociaux, non ?
Xavier : Je me suis fait détruire dès le départ par rapport au jus d'orange. Je me suis dit que c'était mal parti ! Mais c'est allé loin ! Les mecs se moquaient beaucoup, jusqu'à faire des blagues sur l'orange. Jusqu'à ce que je mette une photo de couverture pleine d'oranges sur ma page Facebook, histoire de dire "J'en ai rien à foutre". Et après, ça s'est radouci jusqu'à la vanille. Là je me suis dit "Putain de merde, ça recommence" et en fait pas du tout. Tout le monde m'a dit "Bravo et merci d'avoir fait éliminer Gabriel" !
Tu as eu de la chance de tomber face à Gabriel sur ce coup-là !
Xavier : Grave ! Et maintenant, c'est beaucoup de bonheur parce que tout le monde m'encourage.
Coline : Moi je me suis fait détruire après l'épreuve du Puy du Fou. Il y a même une dame qui m'a appelée trois fois, qui m'a laissé des messages, dire que c'était honteux. J'ai enlevé mon numéro de mon site internet, donc elle juste trouvé le numéro de mon mari quand elle a appelé la quatrième fois... Et depuis, elle ne m'a plus appelée ! (Rires) Mais j'avais envie de lui dire "Mais ne t'intéresse pas à moi si tu m'aimes pas". Sur le coup, ça m'a un peu affectée, mais au bout d'un moment, des gens comme ça, je me suis dit "T'es conne, t'es conne ! Si t'as envie de t'acharner à m'envoyer 15 courriers et à m'appeler 20 fois alors que tu peux pas m'encadrer, fais-le !"
Pour la finale ce soir, il y a plusieurs difficultés : cuisiner pour 100 personnes, qui ne sont pas des chefs, mais aussi collaborer avec des candidats qui étaient à vos côtés et qui sont désormais sous vos ordres...
Xavier : C'est vrai. Et ces candidats, on les connaît, mais on n'a jamais travaillé avec eux. Je me demandais s'ils allaient m'écouter ou pas, ou s'ils préféraient peut-être Coline ! C'est pas facile !
Coline : Moi, dans cette relation amicale que j'ai eue avec les candidats, j'avais peur de dire des choses qui pourraient être mal prises.
Xavier : Et moi, à l'inverse, vu que j'étais compétiteur, je n'ai pas vraiment lié d'amitié avec tout le monde, donc je n'avais qu'une inquiétude : que les gens sabotent mon travail ou ne se donnent pas à 100%.
Quand vous avez la possibilité de préparer une épreuve ou d'y réfléchir en amont, comme lors de la demi-finale ou de la finale, on voit souvent des candidats qui partent sur des plats qu'ils n'ont jamais faits, comme les sphères en chocolat de Thomas lundi dernier...
Coline : Tabler du chocolat sur le plateau de "Top Chef", c'est inimaginable ! Il fait tellement chaud, même Franck ne l'a pas testé alors qu'il maîtrise ça.
Xavier : Mais en fait, sur la demi-finale, on s'est tous plantés !
Coline : Aucun de nous trois n'a gagné son épreuve...
Au rang des choses surprenantes, on voit aussi des candidats qui ne goûtent pas leur plat... !
Coline : Parce qu'à ce moment-là, ils ne nous filment pas, sans doute...
Xavier : Mais dans notre métier, il y en a qui ne goûtent pas ! Sérieusement ! C'est un gros problème !
Coline : Par contre, il y en a qui goûtent et qui partagent leur cuillère avec tout le monde. J'avais jamais capté ! C'est impressionnant ! Cette saison, c'était la pire. Je pense à un candidat en particulier mais je ne le citerai pas. Il goûte et il remet sa cuillère... Tout le temps, tout le temps ! Moi je l'ai fait une fois, je me suis fait allumer, on m'attendait au tournant...