L'ambiance traditionnellement feutrée du Sénat s'est quelque peu tendue ce matin. Auditionné par la commission d'enquête du Sénat sur la concentration des médias en France, Maxime Saada a croisé le fer avec le rapporteur David Assouline. En cause, les questions du sénateur sur CNews. Affirmant que la chaîne du groupe Canal+ avait "le record" des "mises en demeure et en garde" infligées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, David Assouline a accusé le président du directoire de Canal+ de l'avoir transformée en "chaîne d'opinion" à la ligne éditoriale "trash".
"Sur les mises en demeure, on ne peut pas reprocher au CSA de ne pas s'occuper de CNews", a commencé par ironiser Maxime Saada. Il a aussitôt reproché au régulateur de l'audiovisuel d'avoir infligé à sa chaîne de manière "inédite" "des mises en demeure préventives sur les temps de parole". Revenant sur les accusations de rééquilibrage nocturne des temps de parole par CNews, Maxime Saada s'est ainsi défendu de tout manquement. "C'était une pratique absolument courante de toutes les chaînes d'information. Il n'y avait pas de règles sur ce sujet-là. A partir du moment où le CSA a indiqué qu'il y avait un sujet, nous nous sommes conformés", a-t-il estimé. Et de lancer : "CNews respecte sa convention. On ne peut pas taxer le CSA de laxisme concernant CNews. Nous attirons beaucoup l'attention du CSA qui passe beaucoup de temps devant les antennes de CNews".
David Assouline a ensuite fait remarquer à son interlocuteur que tous les "observateurs" considéraient que CNews était devenue une chaîne d'opinion. "Vous avez indiqué vous-même (lors d'une précédente audition, ndlr) que vous ne regardiez pas CNews. Je me fie aux observateurs qui regardent la chaîne. Pour moi, ce n'est pas une chaîne d'opinion", a rétorqué Maxime Saada. "Vous qualifiez de trash une chaîne que vous n'avez jamais regardée, c'est inquiétant", a-t-il taclé un peu plus tard.
"Petit mise au point", l'a alors interrompu David Assouline, visiblement agacé. "Ce n'est pas une chaîne que je regarde régulièrement comme quand on a un média préféré. Ne venez pas essayer d'avoir une polémique avec moi là-dessus, je regarde ce que je veux", a riposté le sénateur. Ce dernier a ensuite rappelé ne "plus avoir mis les pieds" sur CNews depuis "le grand nettoyage" fait à iTELE et le changement de ligne éditoriale de la chaîne, en 2017. "Si vous changez d'avis, nous serons ravis de vous recevoir", a simplement glissé Maxime Saada en retour.
Au-delà de ces tensions, le patron de Canal+ a surtout justifié la transformation du format de sa chaîne info en 2017. La principale motivation était selon lui économique. "On part d'une situation de 33 millions d'euros de déficit en 2016 pour CNews. Pourquoi ? Parce qu'on a le record du monde en France du nombre de chaînes d'information gratuites (...) Je ne suis pas un idéologue. Je suis un gestionnaire (...) 33 millions de déficit, ce n'est pas possible. Ce n'est pas pérenne", a expliqué Maxime Saada.
Et de dévoiler la réflexion stratégique de son groupe à cette époque : "Comment est-ce qu'on résorbe ce déficit ? Le sujet pour nous est de se différencier sur un marché pléthorique. L'analyse qu'on fait, c'est qu'on a BFMTV qui est sur un positionnement de breaking news, que nous n'avons pas la capacité de suivre parce qu'il est très coûteux. On part donc dans une logique de durée d'écoute pour que les téléspectateurs restent davantage et générer du revenu publicitaire", a-t-il détaillé.
Et de conclure : "A partir de là, on part sur une notion de débat, qui est la réalité du positionnement éditorial de CNews. C'est une chaîne de débat où toutes les opinions ont vocation à s'exprimer. C'est ça la réalité et c'est bien pour ça que le succès de CNews est arrivé. Il y a des opinions qui se sont retrouvées sur cette chaîne, qui se sont exprimées, et elles ne l'étaient potentiellement pas ailleurs". puremedias.com vous propose de voir un extrait de cet échange tendu.