Le rapport de force évolue et se déplace sur la thématique de la production. La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, ne digère pas le courrier, adressé à Matignon et dans lequel le groupe public est accusé d'une forme de concurrence déloyale par ses concurrents du privé (TF1, M6, Altice, Canal+). Comme l'a révélé "La lettre A" le 23 mai 2023, France Télévisions a décidé de geler, dès le 12 mai dernier, certaines productions signées Newen, qui n'est autre qu'une filiale de TF1.
Hier, dans "Le Figaro", la porte-parole du groupe TF1 a confirmé l'information. "France Télévisions a effectivement informé Newen, dès le lendemain de l'envoi du courrier (daté du 11 mai 2023, ndlr), de la suppression d'une partie de ses commandes, en rétorsion à la démarche collective de l'Association des chaînes privées". Newen, "partenaire historique de France Télévisions", rappelle TF1, produit "Le magazine de la santé" mais aussi plusieurs fictions pour le compte du groupe public, à l'image des très regardées "Cassandre" et "Le voyageur".
Faut-il s'attendre à ce que France Télévisions réduise la voilure quitte à décevoir ses téléspectateurs friands de ces séries plébiscitées ? Certainement pas. "Il n'y a eu ni injonction, ni courrier. Il n'y a aucun boycott. Nous venons d'ailleurs de confirmer nos séries 'La doc et le véto' ainsi que 'Cassandre'", réagit France Télévisions auprès du "Figaro".
"En revanche", poursuit le groupe public, "nous ne pouvons nous engager sur des projets éditoriaux qui ne répondent pas aux exigences de qualité du service public". TF1 redoute ainsi que l'agence Capa, pourvoyeuse de reportages et de documentaires pour France Télévisons au sein du groupe Newen, pâtisse des tensions en cours. Le potentiel manque à gagner pour Newen pourrait atteindre plusieurs millions d'euros. C'est pourquoi, TF1 dit dans "Le Figaro" être "inquiet de l'instrumentalisation des investissements programmes de France Télévisions dans une intention de rétorsion à l'égard du groupe TF1, en prenant en otage Newen, ses auteurs, ses producteurs et ses journalistes".
Depuis une quinzaine de jours maintenant, les relations entre France Télévisions et ses homologues du privé se sont sérieusement dégradées. La faute à une tentative d'affaiblissement du service public orchestrée par l'Association des chaînes privées (ACP).
Pourquoi maintenant ? L'association assume un calendrier scrupuleusement étudié, France Télévisions étant justement en train de discuter avec son actionnaire, l'État, sur son contrat d'objectifs et de moyens. Dans le même temps, une mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public occupe l'Assemblée nationale, tandis que le Sénat se penche sur une réforme dudit système.
D'autres événements récents, à l'image de la réduction de l'écart entre l'audience de TF1 et celle de France 2 ou encore les "douloureuses négociations avec l'Arcom au moment d'établir les conventions de TF1 et M6, ont poussé les chaînes privées à s'allier et à faire pression sur son concurrent public, comme puremedias.com l'expliquait le 19 mai dernier.