Emmanuelle Guilbart (France 4) : "Je ne comprends pas cette caricature qui nous présente comme un robinet à séries"

Directrice de France 4, Emmanuelle Guilbart revient pour puremedias.com sur le succès de la chaîne dans la grande enquête "TV Notes", organisée par puremedias.com, RTL et 20 minutes. Elle répond notamment aux critiques de Nicolas de Tavernost sur le format de France 4, qui suscite beaucoup de commentaires.

Propos recueillis par Julien Lalande

puremedias.com : Alors que le futur de la chaîne paraît incertain, l'édition 2012 des TV Notes conforte France 4 au rang de chaîne TNT préférée. J'imagine que ce résultat vous conforte dans votre volonté de conserver le format actuel de la chaîne...

Emmanuelle Guilbart : Ces résultats nous font très plaisir, ils illustrent le travail éditorial qui a été fait. Notre objectif est d'être à la fois différent des autres chaînes du bouquet France Télévisions, en allant chercher un ton plus jeune. On ne va pas du tout faire des émissions de télé-réalité ou de trash télé, on en est très loin. France 4 est la seule chaîne TNT à proposer chaque semaine du documentaire et des spectacles vivants en prime time, par exemple. On est aussi la seule chaîne à faire un magazine musical chaque semaine, "Monte le son !", ou à proposer une case cinéma indépendant où on diffuse des longs métrages plus exigeants.

Les "TV Notes 2012" récompensent également largement France 4 au travers de "Touche pas à mon poste" et de son animateur producteur Cyril Hanouna. Ce format à succès et ce visage reconnu ne seront plus sur votre chaîne à la rentrée, c'est un regret ?

C'est une émission qu'on a adoré développer avec Cyri Hanouna et son équipe et qu'on est triste de perdre. Après, cette émission va aller vivre ailleurs... On voit ça aussi comme une forme de reconnaissance parce que c'était devenu le premier talk show de la TNT. Nous avons donc cette capacité à inventer, à faire émerger des talents. A nous de démontrer à la rentrée prochaine qu'on arrive à faire émerger d'autres réussites dans le ton France 4, décomplexé, dans la bonne humeur, mais jamais méchant, jamais trash.

Dans un entretien à puremedias.com, Cyril Hanouna nous indiquait que l'argent n'était pas en cause dans son départ pour Direct 8, que l'offre de France Télévisions était supérieure à celle de Canal+. C'est la réalité ?

Je n'en suis pas sûre... Je ne vais pas entrer dans la polémique avec Cyril Hanouna que j'apprécie beaucoup et qui a beaucoup de talent. Mais nous n'avons pas la même lecture des choses. Demain dans le giron de Canal+, Direct 8 aura des budgets extrêmement conséquents, ce n'est un secret pour personne.

En perdant cette émission très populaire, auprès des téléspectateurs mais aussi auprès des internautes, vous ne craignez pas de voir baisser la popularité de France 4 ?

A charge à nous de trouver la relève. Dans des baromètres qualitatifs que nous suivons mois après mois, certes le divertissement était un facteur très apprécié chez nous, mais le documentaire, le cinéma, la fiction, les spectacles vivants ou le sport sont d'autres éléments très contributifs de notre image. Il n'y avait pas que "Touche pas à mon poste" qui faisait notre attractivité.

Venons-en au futur de France 4, assez incertain après la lecture du projet du nouveau pouvoir exécutif qui évoque la possibilité de faire évoluer son format vers une chaîne jeunesse sans publicité. Quelle est la position officielle de France Télévisions ?

Avant de casser quelque chose qui marche, on veut en discuter avec notre tutelle, qui sera bien sûre libre de son choix. France 4 est un actif important du groupe, il agace d'ailleurs sérieusement la concurrence... On pense que cette chaîne apporte un public plus jeune au service public qu'il ne faut pas délaisser. Nous sommes aussi la chaîne du groupe qui va chercher le plus les CSP-, notamment en province. Ca fait également partie de notre mission de service public. Et puis je remarquerais que plusieurs pays européens ont des chaînes publiques similaires au format de France 4.

Dans un entretien à puremedias.com, Nicolas de Tavernost s'interrogeait sur l'utilité de France 4 dans le PAF, une chaîne qui, selon lui, propose beaucoup de fictions et de longs métrages américains. Le patron de M6 dénonçait également le privilège accordé à France 4 qui, à la rentrée, sera la seule chaîne de la TNT à pouvoir diffuser du cinéma le mercredi soir.

Nous pourrons effectivement diffuser du cinéma le mercredi soir à partir de la rentrée en vertu d'un accord signé par France Télévisions - le premier investisseur en clair du cinéma - qui prévoit l'augmentation de l'investissement de France 4 dans le cinéma et la diffusion à hauteur de 85% d'oeuvres européennes dans cette case. Je précise aussi que cette nouvelle offre sera éditorialisée, c'est un accord global. On n'ouvre pas cette case dans l'illégalité et ça ne sera pas une soirée dédiée au cinéma américain !

Vos concurrents du privée (pas seulement M6) ciblent souvent France 4... C'est parce que cette chaîne s'adresse aux mêmes publics que W9, NRJ 12 ou NT1, c'est-à-dire les jeunes adultes ?

Je le soupçonne, oui. Je ne comprends pas cet acharnement et une telle caricature qui nous présente comme un robinet à séries. Encore une fois, nos programmes en soirée sont très différents de la concurrence. En journée, après Gulli, nous sommes la chaîne qui diffuse le plus d'animation qui est d'ailleurs à 60% française, comme "Iron Man". C'est un énième point différenciant de nos concurrents. Plus tard dans la journée, nous avons des séries qui sont issues du stock de France Télévisions : nous sommes à ce moment-là dans une stratégie de capitalisation de marques du groupe, comme "Urgences" ou "Plus belle la vie". On ne va pas laisser des programmes aussi populaires sur nos étagères ! Au global, 65% des fictions diffusées en journée sont des oeuvres françaises ou européennes. Nous avons aussi des séries américaines et nous assumons même si nous en faisons moins que les autres, que ce soit en journée ou en soirée.

Quelles seront les nouveautés de France 4 la saison prochaine ?

On a l'intention de se lancer dans la fiction dès la rentrée. Nous avons plusieurs projets. En termes de flux, nous sommes en train de finaliser notre grille, nous aurons beaucoup de choses nouvelles la saison prochaine : de nouveaux programmes et de nouveaux visages, notamment un nouveau présentateur sur "Monte le son !" même si nous conserverons la bande.

On l'a dit, France 4, c'est aussi des documentaires en prime time. Les audiences ont été très inégales, parfois très faibles. Vous allez poursuivre cette programmation ?

Oui, c'est vrai, mais encore une fois, c'est un élément qui nous distingue de la concurrence. Nous allons donc poursuivre, en nous intéressant toujours aux préoccupations des jeunes (comme les questions liées à la vocation et au logement) et aux phénomènes de société avec notamment "Alcool : le nouveau péril jeune", "Nouvelles drogues : Passeport pour la défonce", "Nos banlieues ont du talent", etc.