Présent sur le plateau de BFMTV ce jeudi 28 décembre, Yvan Attal s'est longuement expliqué sur son choix de signer la tribune en défense à Gérard Depardieu. Signée par 55 personnalités du monde de la culture, cette tribune publiée le 25 décembre sur le site du "Figaro" dénonce un "lynchage" médiatique contre l'acteur, accusé par quatorze femme de violences sexuelles.
"Moi aussi, j'ai un malaise parce que j'ai signé cette pétition qui ne me va pas totalement, mais je l'ai signée parce qu'il y avait quelque chose de plus fort que ce qui me dérangeait dans cette pétition", a d'abord déclaré l'acteur-réalisateur, qui assure avoir "demandé aux gens qui ont écrit cette pétition de reformuler des choses, de parler de certaines choses, et ils n'ont pas voulu. Mais j'ai signé parce qu'il y a trop de choses qui ne vont pas."
"Avant d'être un acteur, aussi grand acteur qu'il soit, c'est un citoyen lambda. On le lui réserve un sort qui n'est pas celui d'un citoyen lambda, parce qu'il est un monstre sacré, mais moi je m'en fous que ce soit un monstre sacré. Malgré toute mon admiration pour Gérard Depardieu, c'est le plus grand acteur, l'un des plus grands acteurs du monde...Mais il a le droit de ne pas être lynché publiquement depuis des mois et des mois. Et c'est justement parce qu'il y a une instruction qu'il faut laisser la justice parler", a-t-il poursuivi.
"Je ne veux pas défendre Depardieu l'acteur, mais le citoyen Depardieu. Je n'ai pas signé cette pétition contre les femmes, et c'est là mon malaise. Je l'ai signée pour dire une chose : c'est qu'il y a une tyrannie d'une certaine morale qui se substitue à la justice, une meute qui se permet de lyncher des gens sur la place publique", a ajouté Yvan Attal. "Quand un type est condamné, il purge sa peine et quand il sort il a le droit de se réinsérer. Aujourd'hui on nous dit qu'on ne peut plus passer ses films, que ce type n'aura plus le droit de travailler, mais c'est terrible! "(...) Et si on va par là, ça devient le Far West. Si quelqu'un me pose problème, je vais régler mes comptes en dehors de la justice ?" (...) "Je ne parle pas de Gérard Depardieu mais d'un principe qu'il faut respecter. Sinon tout le monde se tire des coups de fusil sur tous les côtés."
Selon lui, il manquerait donc à la tribune cette précision de "dire que ce n'est pas parce qu'il est un monstre sacré qu'il pourrait bénéficier d'une impunité. Non, non et non. S'il est coupable, il sera jugé par la justice et sera jugé coupable. Mais en attendant, c'est justement parce qu'il est un monstre sacré qu'il n'aurait pas le droit de bénéficier de la justice de n'importe quel citoyen, et ça me bouleverse."
Dans ce texte, signé également entre autres par Gérard Darmon, Pierre Richard, Nathalie Baye, Arielle Dombasle, Jacques Dutronc ou encore Victoria Abril, on peut en effet lire les louanges des talents de l'acteur, qualifié tantôt du "plus grand des acteurs" ou de "dernier monstre sacré du cinéma français". "Nous ne pouvons plus rester muets face au lynchage qui s'abat sur lui" écrit la tribune, "face au torrent de haine qui se déverse sur sa personne, sans nuance, dans l'amalgame le plus complet et au mépris d'une présomption d'innocence dont il aurait bénéficié, comme tout un chacun, s'il n'était pas le géant du cinéma qu'il est."
À l'aube du mouvement #MeToo, qui a pris racine en 2017 à la suite du scandale de l'affaire Weinstein, un débat médiatique s'est enclenché sur l'idée de consentement, l'impunité des agresseurs présumés, sur les relations de domination et de pouvoir, ainsi que sur le contexte culturel, qui ne permet pas toujours aux victimes de se faire entendre. Selon la dernière enquête de l'Insee et du Ministère d'intérieur, moins de 1% (0,6%) des enquêtes pour viols ou tentatives de viols aboutissent à une condamnation. Environ neuf femmes sur dix n'osent pas porter plainte pour viol, et moins de 10% des victimes de violences sexuelles commises hors du cadre familial portent plainte.
"La justice est problématique parfois", a admis Yvan Attal. "Le manque des preuves, la prescription, on a tendance à raccourcir cette période de prescription. Mais grâce aux féministes, grâce aux femmes qui ont parlé, des choses changent. (...) Mais même si la justice a des défauts, c'est le meilleur système qu'on ait. Il faut essayer de faire avancer les choses, de voir comment on peut améliorer cette justice, réduire le temps de l'instruction pour avoir des preuves plus tangibles tout de suite. Il faut encourager les femmes à parler, porter plainte, évidemment que tout ça est compliqué. Mais si on ne fait pas confiance aux spécialistes, aux avocats, aux magistrats, aux juges, en qui on a confiance ?"